Partie 19 : Mon monde s'écroule

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Papa il n'était pas seulement mon géniteur, c'était mon pillier, mon repère dans cette vie de fou. C'était la pierre angulaire du chantier qu'est ma vie, sans lui, tout s'écroule. Je me sens telle une étrangère en l'absence de sa présence. Il était le sommet de mon monde. On était tellement proche je ne comprends pas comment il a pu me cacher quelque chose d'aussi grave. Comment il a pu le cacher tout court ? Si j'avais su qu'il était malade j'aurais profiter de chaque moment Avec lui, j'aurais répondu OUTLOUD à son "je t'aime" je l'aurais hurler sur tout les toits s'il le fallait. Mais cela va de soi, j'aime mon père. Je l'aimerais toujours. Je pensais avoir le temps de lui dire tout ça, "j'ai La vie devant moi" me disais-je, mais non, La mort ne prévient pas. Je ne peut pas le croire pour moi il est toujours là, je le verrais souriant au bureau arborant fièrement son costard cravate. Seulement, mes frères et sœurs sont déjà entrain d'organiser son rapatriement au bled ce qui rend la chose concrète. Quant à ma mère je ne l'ai vu qu'une fois depuis l'annonce de la mort de papa, elle est inconsolable, elle s'enferme dans sa chambre et pleure des heures durant. À l'instar de quasiment tout les membres de ma famille, et des amis de mon père. Il faisait le bien autour de lui, son association est en deuil et tout ses employés tremblent de peur de se faire renvoyer. Je n'ai toujours pas dit que, moi aussi, j'étais atteinte de la même maladie que papa. Car premièrement je m'en veux d'avoir été aussi ingrate lorsqu'il m'a réclamé, mais aussi car je ne veux pas inquiéter les membres de la familles. La tristesse de la perte emporte tout sur son passage, "à chaque jour suffit sa peine" comme on dit. Je préfère me taire pour l'instant. On part demain pour Alger, et l'avocat de papa viens avec nous pour faire une lecture testamentaire le lendemain de l'enterrement je trouve cela déplacé mais ce n'est que formalité pour lui. Papa je n'arrive pas à imaginer que la terre va t'ensevelir et que je ne te reverrais plus jamais. Ta disparition a frapper comme un blitz dans nos vies, tu était tout. C'est injuste. Pourquoi est-tu parti si tôt ? J'ai brutalement compris que la douleur qui me vrillait la poitrine était celle de mon cœur qui volait en éclat. J'ai l'impression d'être morte, même le soleil qui se réverbère sur ma peau ne me réchauffe plus. On ouvre les yeux que quand La mort ferme ceux d'un proche c'est fou, je réalise à quel point le temps est précieux. Je suis triste et en colère, en colère contre Dieu. Pourquoi Dieu m'a t-il séparer de la personne que j'aime le plus au monde ? Mon père ne sera pas La à mon mariage, il ne verra jamais le visage de ses petits enfants, c'est un homme en or, un mari hors pair et un père et un grand père génial ! Enfin était devrais-je dire.. je suis en colère contre l'univers tout entier. J'ai étudié la psychologie pendant une période et le deuil a été abordé a de nombreuses reprises. J'ai appris que lorsque l'on meurt ou que l'on souffre d'une perte horrible nous traversons tous cinq stades :
1) le déni : on passe par le déni car la perte n'est pas envisageable, celui-ci est une phase plus ou moins intense où les émotions semblent pratiquement absentes. Il faut une moyenne de vingt-quatre heures pour réaliser. Je pense que dans mon cas cette règle se confirme je n'ai pas voulu y croire mais quand j'ai touché son corps froid et atrophié sur la plaque en fer de la morgue j'ai compris.
2) la colère :  lorsqu'on fait face à la réalité de la perte la colère prend place. La confrontation avec les faits engendre une attitude de révolte tournée vers soi et vers les autres, on s'énerve contre tout le monde, les survivants, les morts, les cieux, La terre et nous-même. Généralement cette étape est propice aux questionnements existentiels. Je suppose être actuellement dans cette phase, car La colère m'aveugle.
3) l'expression : on essaie de trouver un arrangement, on supplie, on implore, on offre tout ce qu'on a, on offre nos propres âmes en échange d'un seul jour de plus. Les sentiments négatifs fusent et le désespoir se fait ressenti. Puis les négociations et le chantage prennent le dessus mais lorsqu'elles échouent, car elles échouent toujours, La colère et la dépression prennent le relais. Cette phase est terriblement cruelle.
4) la dépression : la durée de cette étape varie, mais elle est caractérisée par une tristesse extrême, des remises en questions majeures et une grande détresse. Les endeuillés ont même l'impression qu'ils ne surmonteront jamais cette épreuve et que leur deuil ne se terminera jamais, tant ils ont vécu de choses. Un panel d'émotions c'est imposé à eux : La tristesse, La colère, le désespoir,.. Pour ma part, j'ai d'ores et déjà l'impression que je ne surmonterais jamais cette perte.
5) l'acceptation : l'ultime étape du processus. On se rends compte que l'on a tout testé, on abandonne et on accepte. En acceptant cela, on garde les bons mais aussi les moins bons souvenirs, la vie se remet en marche comme avant. FOUTAISES !
Je sais que rien ne sera plus jamais comme avant, jamais. Pas sans lui. Le trajet pour l'aéroport a été silencieux, aussi silencieux que mon père doit l'être. Nos respirations étaient saccadés et nos cœurs calcinés. Le jour de l'enterrement est arrivé. Dans la religion musulmane, les femmes ne sont pas autorisées à se rendre aux cérémonies funéraires. Seuls les hommes sont conviés, et selon les ouï-dire il fut enterrer en grande pompe.  Avant d'aller au cimetière familial, on doit recevoir toutes les personnes faussement affectés, La famille, les voisins leur servir des petits fours et leur faire la conversation. Je trouve ça totalement idiot. Les hommes amènent le corps du défunt, dans le cas présent, mon père.. On a l'occasion de le voir une dernière fois, et de lui dire au revoir avant qu'il ne soit enterré. Je garderais cette image de lui : un corps sans vie, blanc comme neige, tourmenté.  Puis ils l'ont emmener, l'imam à effectuer la prière mortuaire et il a été recouvert de terre, nous les musulmans n'avons pas le droit à une tombe ou à des vêtements spécifiques. Nous sommes enterrés avec en guise de vêtement un seul drap blanc et on nous dépose à même la terre afin de faciliter l'entrée au paradis, ou en enfer.. Le lendemain ma mère, mes sœurs et moi, nous sommes rendus sur sa tombe, chacune notre tour, j'ai pleuré toutes les larmes de mon corps sur cette terre et j'ai promis à papa d'être forte et de lui faire honneur. Promis papa.

La vie de MiaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant