Partie 26 : Slut shaming

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"Nous voulons être reconnus à la fois comme identiques et comme différents. Identiques pour n'avoir pas honte de notre différence. Différents pour tirer quelque fierté de notre distinction." Nicolas Grimaldi

Cela fait une semaine que les affaires ont repris de façon plus ou moins prospère. Je suis ravie que les clients s'ameutent pour signer chez nous, chez moi en fait. Cela dit, j'ai toujours une petite peur, peur que tout tombe en lambeaux. Pendant la crise de 2009, mon père et son entreprise ont beaucoup souffert. Il a failli mettre la clé sous la porte, il a payer les salariés de sa poche pendant près de deux mois sans dire mot, et Avec persévérance il a remonté la pente. C'est lui qui m'a montré l'exemple, sans lui je pense que j'aurais jeté l'éponge à la moindre difficulté. Il m'a testé tout au long de ma vie, à mes 14 ans j'ai réclamé la dernière collection de chez Gucci dans son intégralité. Il m'a dit que je l'aurais si je bossais dur, et que je dépassais mes limites. Pour lui cela voulait dire : travailler. J'ai travaillé pendant environ deux semaines dans son entreprise, je suis passé par tout les stades : ménage, secrétariat, administration, comptabilité, service technique. Honnêtement, vu le peu de qualifications que j'avais dans tous ces domaines, mon immersion s'est résumé a : des coups de balais, des poubelles à vider, des photocopies, et des dossiers à réécrire ou à classer. Au final, j'ai eu ce que je voulais et ça a été une belle leçon de vie. J'ai appris qu'il n'y avait pas de sous-métier, et que la manière dont un patron traite ses salariés qu'ils soient tout en bas de l'échelle ou tout en haut reflétais sa personnalité et ses aptitudes à exercer ce poste. J'ai compris beaucoup de choses, notamment que la vie est injuste et que personne ne pouvait être sur le même pied d'égalité. On naît chacun Avec des privilèges, ou des handicaps plus ou moins lourds, dès notre premier jour sur terre nous sommes confrontés à l'injustice. C'est toi et ta chance. En parlant de chance, Safa a daigné m'adresser la parole, elle veux qu'on se voit. J'ai accepté et sa première phrase n'a pas été "excuse-moi d'avoir rajouter de la peine à ton deuil en te tenant responsable de tous mes maux" "désolée d'être une sale conne qui t'a mis la mort de ton père sur ton dos" non, il ne faut pas rêver... C'était plus dans ces eaux-là : "J'ai besoin de ton aide sister". Sister quand ça t'arrange hein.. Mais qui serais-je pour avoir renier mon sang ? D'autant plus si il ou elle rencontre une difficulté. Je disais que dorénavant ce serait mon bonheur avant le leur mais c'est dans ma nature de penser au bien-être des autres et de me mettre de côté, at least, for a while. Sur le coup je n'ai pas penser aux difficultés que moi j'ai rencontrer. Ni à quand tout le monde m'a tourné le dos, notamment pour le sauvetage in extremis de l'entreprise. Tant pis, la rancœur ne ferais que me ralentir. J'acquiesce et lui demande de m'expliquer son problème. Comme je l'avais deviné il s'agit d'un problème de garçon. Qu'est-ce que ça aurait pu être d'autre ? Elle a dérapé et maintenant un garçon la menace de divulguer à qui veux bien l'entendre cette énorme erreur. C'est impossible d'avoir fait ce qu'elle a fait en ayant un cerveau fonctionnel. Pourtant elle et moi on sommes sorties du même être, on a été éduqués par les mêmes personnes formidables, mais des fois je doute de notre lien de parenté, on a vraiment du la recueillir alors qu'elle était dans une poubelle. Je n'imagine même pas la colère de mon père, le désespoir de ma mère, et la tristesse de mes sœurs s'ils apprenaient ce que je viens d'apprendre. La honte s'abattrait sur notre famille, encore plus qu'après ce scandale concernant papa. Je songe sérieusement à élire domicile sur une île déserte, une vie paisible au soleil avec mon bébé chat. Elle sait qu'en me disant ça à moi, je me sentirais obliger de trainer ses casseroles et de l'aider encore une fois de plus à s'en sortir. Je veux toujours aider la veuve et l'orphelin, alors on profite de ma gentillesse ! Ce sera la dernière fois où je me mettrais dans de sales draps (c'est le cas de le dire) pour aider celle qui est censée être ma grande sœur. Bon maintenant il va falloir que je trouve un moyen de sauver ses fesses ! Mais à sa décharge, elle n'est pas totalement diabolique. Ou du moins elle ne l'a pas toujours été. Les gens ne l'ont pas aidé et n'ont pas été tendres, elle a toujours été sous le feu des projecteurs, elle a été sexualisé dès son plus jeune âge. Elle a été une victime de ce qu'on appelle le  "slut shaming". Je ne dis pas que ma sœur est une "salope" mais son comportement, son attitude et son style vestimentaire peuvent porter à confusion, et vu ce que je viens d'apprendre cela se confirme sûrement selon les points de vues. Le slut shaming est un concept féministe, il consiste a stigmatiser, culpabiliser ou intimider les femmes dont le comportement ou la personnalité seraient jugés trop provoquant ou trop ouvertement sexuel. Je pense que ces jugements de valeurs l'ont plus enfoncés qu'autre chose, les commentaires sous ses photos où on la traite de "pute" de "salope" et de toutes les autres injures possibles l'ont profondément atteintes. Je l'entendais souvent pleuré tard le soir, et à force de s'entendre dire qu'on est qu'une pute on finit par y croire et par se comporter comme telle. Elle a besoin d'aide mais je ne peut pas lui apporter le soutien psychologique dont elle a besoin, et a tous ses troubles se sont ajouté le deuil et la colère. Je me dois d'alléger ses tourments. Je dois toujours intervenir dans les problèmes des autres, comme si les miens ne me suffisaient pas. J'ai l'impression que la destinée manifeste m'incombe tout comme les USA ! Sauf que ma mission n'est pas de répandre la démocratie mais plutôt de jouer à Mère Theresa ! Les seules personnes qui ne m'ont jamais tourné le dos malgré mes désapprobations quotidiennes et mes problèmes incessants se comptent sur les deux doigts d'une main : Serena et Aaron. Serena m'a épaulé pendant des semaines même si je l'ai souvent snobé, elle m'a toujours tendu la main. Elle m'aide et m'aime même si parfois je ne le mérite pas, j'espère un jour, pouvoir lui rendre la pareille. Quant à Aaron, j'ai toujours eu trop de fierté pour accepter son aide, mais la j'ai besoin qu'il me prête main forte, sans lui Safa va se défenestré à coup sûr. Mon ego garde une rancœur amère, je dois faire preuve de maturité mais c'est plus dur que ce que je pensais d'enfouir mes sentiments au plus profond de mon coeur. Je l'ai tellement repoussé que l'appeler, juste pour lui demander de l'aide serait impoli de ma part. Je ne dois pas me rapprocher de lui, c'est trop dangereux entre nous. Il me manque terriblement, je l'aime, mais il vaut mieux qu'il trouve son bonheur avec une fille de son rang, qui pourra lui offrir ce qu'il mérite. Etre loin d'une personne qui me rends aussi heureuse me sappe le moral. Devrais-je me laisser vivre quitte à trahir ma morale ? Ma vie est triturée entre amour et tristesse. Pour l'instant je dois aider Safa ! To be continued..

La vie de MiaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant