Vers l'abîme. (1)

35 11 2
                                    

Abandonnant l'abîme pour un bref instant, Charlie quitta l'océan. Elle se rendit chez elle d'un pas las, car, au fond, rien ne rythmait son quotidien, rien, à part cette lutte incessante contre elle-même. À quoi bon rentrer, si c'est pour ne rien faire de nouveau, d'enrichissant ?
Pénétrant silencieusement dans l'alcôve, la jeune fille songeait encore et encore à ce qu'elle pourrait entreprendre pour toucher le fond des mers de ses doigts... En vain. Sa mère, surprise, se releva du fauteuil et souffla, les yeux rougis par la tristesse et les larmes qu'elle avait versé:
- Te voilà, ma chérie... Oh... comme tu es belle, Charlie...
Belle ?
Charlie plongea ses yeux dans ceux dévastés de sa mère, elle ne comprenait pas. Comment pouvait elle aimer son corps, alors qu'elle le haïssait au plus haut point ? Comment pouvait-elle la complimenter, alors que ce même corps était l'objet de sa souffrance ?
Belle ? Quel mensonge insensé. Elle n'en croyait pas un mot.
- Je t'aime, maman... Souffla alors la jeune fille.
Et c'était la vérité. Une belle vérité, cette fois-ci.
Toutefois, troublée par ces paroles, l'adolescente s'en alla.

Face au miroir devant elle, Charlie se contempla, pour la première fois depuis longtemps. Elle effleura sa joue du bout des doigts, sa petite joue rebondie recouverte d'une multitude de tâches de rousseurs... Puis, sa main glissa dans ses cheveux lisses d'une couleur écarlate. Elle haïssait son corps, mais acceptait ses cheveux. C'était la seule chose qu'elle aimait un temps soit peu chez elle: ils n'étaient nullement responsable de son malheur, eux. Alors, elle recula lentement, et se regarda, forcée de constater qu'elle détestait toujours autant ce corps faible et fébrile.
Effondrée, Charlie s'écroula. De chaudes larmes coulaient maintenant de ses yeux émeraudes... Elle lézarda ses bras de ses ongles, tira la peau de son visage de toute ses forces, en vain. Elle ne voulait pas de cette peau, pas de ce sang, pas de ce coeur ni de ces poumons, elle n'en voulait plus depuis bien longtemps. Se laissant sombrer sur le carrelage froid, elle serra les poings, et frappa durement le sol.
- Pourquoi tu ne veux pas partir hein ? Pourquoi tu ne peux pas crever, pourquoi tu ne pourrais pas fondre ou te noyer ? Dit moi pourquoi ? Dit le moi... S'égosilla la pauvre enfant.
Se noyant dans un torrent de larmes et de gémissements, Charlie songea, pour la énième fois: puisque ce corps est ma cage, ma prison, mon bagne, ma punition, puisqu'il retient mon âme prisonnière... Alors ma vie n'a plus aucune importance.

Charlie. [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant