Charlie. [Terminé]

Cette neige qui tombe, qui recouvre ton coeur gelé.

Les flocons se soulèvent, la masse enneigée se déplace doucement autour de ses bras, enlaçant doucement son corps glacé par le froid lui mordant la peau. Charlie, frêle flocon parmi les autres, serrait les dents, soucieuse.
- Je n'ai pas froid, je n'ai pas froid... Soufflait-elle encore, le souffle coupé par cette brise hivernale s'acharnant sur elle.
- Je ne veux pas avoir froid, tout ça c'est dans ma tête, dans ma tête... Uniquement dans ma tête. Je ne ressent rien, rien, rien du tout. Je ne dois rien ressentir... Tout ça ne sont que des illusions.
Mais le froid lui, lui hurlait que ce n'était pas vrai, qu'il était bien là, la terrassant, rongeant sa peau rougie par cette si basse température. Les flocons de neiges écrasaient son visage et fondaient sur ces lèvres rosées, déclenchant chez l'adolescente de multiples frissons. Alors les larmes, elles, roulaient encore, de plus en plus nombreuses.
"Je suis là, Charlie, que tu le veuilles ou non, je suis là. Et, aussi longtemps que tu continueras de me haïr, je te ferais souffrir, tu le sais pertinemment, n'est-ce pas ?"
- Je voudrais tellement ne rien ressentir, m'affranchir de toi... Sussurait-elle désormais.

Comme un cri déchirant bravant l'infini, comme un hurlement brisant le ciel de ses plaintes prolongées, Charlie dépérissait. Elle se recroquevillait sur elle-même, ne sentant même plus ses membres les plus frêles.
Que la mort vienne la chercher, elle n'en avait plus rien à faire, puisque même ici, elle n'arrivait pas à vivre, emprisonnée comme un oiseau en cage. Ces barreaux dilapidaient sa peau, et elle se sentait alors si vide... Et, pourtant, il y avait encore cette contradiction, celle que lui dictait son corps, qui tentait désespérément de la convaincre de vivre encore. La jeune fille n'en pouvait plus de ses plaintes, et ne savait plus quoi faire. Fallait-il qu'elle l'écoute, lui, cet être infâme lui glaçant l'esprit, où fallait-il qu'elle le fasse taire ? Tout en revenait au même point, depuis le début, depuis le commencement même de sa pauvre vie de mortel. Se laisser crever, ou essayer de se relever ? Ses cris d'agonies s'éteignaient déjà, puisqu'elle ne savait même plus pourquoi elle pleurait, pourquoi elle souffrait autant, ce qu'elle souhaitait...     
Comme un message d'espoir traversant le ciel éteint, son corps lui soufflait:
"Arrête de lutter Charlie... Je veux que tu vives, que tu respires à travers moi, que tu cesses de me rejeter, que tu croies en moi, je veux que tu m'acceptes enfin. Je sais que tu en es capable, toi, mon alter-ego, toi qui réside en mon sein depuis la nuit des temps. Alors, relève-toi Charlie, crois en moi, crois en toi, crois en nous. "
Et alors, ravalant ses sanglots, les étouffants du plus fort qu'elle le puisse, Charlie se releva, fébrile, la mort dans l'âme, la vie au coeur.
- J'aimerais vraiment essayer tu sais, mais je ne sais même pas si j'en ai la force. J'ai passé ma vie à te détester, et toi, tu absorbais toute mes forces... Je ne sais même plus si je veux me relever où si cette situation me convient...
Et pourtant, ces larmes amères qui gelaient et roulaient comme des billes sur le sol enneigé lui prouvaient bien le contraire. Elle souhaitait que ça change, mais paradoxalement, ne parvenait pas à s'en convaincre, et c'était bien là qu'était niché le problème qui la poignardait si souvent...

Mais, puisque de toutes les manières, son corps retenait son âme prisonnière, pouvait-elle encore espérer dégeler sa vie enneigée et recouverte de givre ?