Les saisons passèrent, le temps se ternissait, puis les nuages revinrent masquer le sourire de l'astre solaire guidant nos vies, et ce fut alors la recrudescence de l'hiver...
C'est dans ce triste paysage que progressait Charlie. Le visage fouetté par l'air glacé garni de flocons de neige, elle avançait, ses cheveux balayés par ces bourrasques amères et violentes. Toutefois, réchauffée par cette écharpe rouge lui encerclant le cou, elle voulait tenter de vivre une expérience nouvelle, venant parfaire toute les précédentes... Et, aujourd'hui, le souffle de l'hiver serait son confident, son unique complice, son coffre fort.
S'approchant des rives d'un étang entièrement gelé, Charlie s'extirpa de ses chaussures molletonnées, afin d'en glisser de nouvelles, bien plus intrigante, au bout de ses pieds. Déséquilibrée, la jeune fille mystérieuse tenta de se relever. Le pantin désarticulé, le canard boiteux qu'elle était désormais tenta de se stabiliser sur la surface glissante. La lame gisant sous ses patins l'en aida brièvement, puis la laissa bien vite retomber sur le sol froid et dur. L'esprit plein de rage et de volonté, Charlie recommença, et, comble de bonheur, elle réussi enfin à tenir debout. Un large sourire lézardait son visage, et, tel un funambule, la jeune fille se déplaçait péniblement, traçant ainsi des sillons de glaces partout autour d'elle. Puis, Charlie prit de la vitesse... Le vent de l'hiver soufflant dans ses cheveux et faisant couler ses yeux, elle en était désormais certaine: plus rien ne pouvait l'arrêter. Et alors, entre arabesques et glissades, Charlie se senti libre, comblée de joie, dans ce moment intime qu'elle acceptait de partager avec son corps. Ils étaient en harmonie parfaite, ou presque...
Et alors, perdant le contrôle de ce dernier, laissant s'enfuir ses émotions, l'adolescente fut emportée dans un fou-rire extraordinaire, et puis, un soubresaut la fit basculer en avant. Elle s'écrasa sur le sol dur et froid en un gémissement de douleur... Oscillant entre réalité et rêve, il fallu quelques instant à Charlie pour comprendre qu'elle n'était plus en train de danser sous le ciel enneigé. Lorsqu'elle se redressa sur elle même, elle vit ces griffures qui recouvraient les lames de ses patins à glace. Ceux-ci avaient appartenu à sa mère, qui les avaient vite abandonné, faute du manque de pratique. Attristée de voir l'objet de son bonheur dans un si triste état, Charlie se senti brusquée, bousculée, heurtée. Ces lames étaient comme elle... Enfermées et condamnées à servir ce patin indéfiniment, esclaves de leur moindre mouvement. Et alors, même si ces lames sont émoussées, griffées, brisées, peu importe, puisque personne ne le verra, ou presque... Emprise d'une transe et d'une tristesse immense, la jeune fille caressa la lame, puis, retirant ses doigts de l'objet, une vive douleur la poignarda. Au bout de ces doigts perlaient une, puis deux gouttes de son sang, qui s'échappaient d'une fine coupure fraîchement ouverte. Les fleurs sanguines coulaient encore, venant s'écraser sur la surface lisse et parfaite qu'était le miroir des glaces, puis venant mourir sur le tissus blanc du patin à glace. Charlie se senti alors vidée, perclue. Elle se laissa sombrer, juste là, allongée sur cette mare dont la froideur lui brûlait le dos. Laissant ces roses rouge qui fleurissaient sous sa peau s'épanouir autour de sa main, elle songeait, les yeux perdu dans l'immensité du ciel:
"-Alors, c'est comme ça que tu me montres ta souffrance, c'est comme ça que tu me prouves que tu souffres tout autant que moi ? Tout bien réflechi, nous sommes assez similaires, toi et moi... Moi, je pleure des armées de larmes salées et incolores, et toi, tu pleure cette couleur vive et transcendante, tu laisses le bouquet de roses se faner. J'ai l'esprit d'une chrysanthème tu sais... On forme un bien beau jardin, toi et moi..."
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Charlie. [Terminé]
Short StoryMais puisque de toute les manières, son corps retenait son âme prisonnière... Pour elle, plus rien n'avait aucune importance.