2. Il faut être prêt

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L'année dernière, j'ai été confrontée à une affaire de harcèlement. Ou du moins d'agression puisqu'il n'y a pas eut de répétitions.

Pourquoi je dis ça ? Parce que l'agresseur, Anthonin, a redoublé sa terminale, et se retrouve dans une des classes d'Imanol. Et il a changé. Il a certainement muri, et semble moins renfermé que l'année passée. Mais pour autant, si lui n'est plus renfermé, il ne se fait pas approché par les autres élèves. Et ça inquiète Imanol.

Parce que je lui aie raconté cette affaire. Après tout je me suis quand même retrouvée avec un adolescent à la nuque ensanglantée dans les bras, et à devoir le maintenir éveillé. Mickaël (c'était le nom de la victime) s'en est finalement bien sorti, et est resté avec Anthonin jusqu'à la fin de l'année. Mais Mickaël est parti désormais, et Anthonin est resté. Et les terminales de 2000 s'approchent difficilement d'un redoublant de 1999, qui plus est, a agressé un de ses camarades ! Alors j'essaie de rassurer Imanol en lui disant qu'Anthonin se fera rapidement des amis, mais moi même, je n'en suis pas persuadée.

Il a aussi peur de ne pas remarqué si ses élèves sont harcelés. Alors je lui raconte comment moi je l'ai appris, pour deux autres cas :

- En 2005, Hélène, une élève très douée en classe, voire même trop, mais ses parents avaient refusé qu'elle saute une classe, se faisait traité de tout les noms dans le couloirs. Au début, quand je passais, je n'entendais que quelques noms d'oiseaux, mais les jeunes sont de plus en plus vulgaires, et je n'y ai pas prêté attention au début. Mais les jeunes sont aussi de moins en moins discret, et cela s'est accentué pendant mes cours, alors j'ai pris en aparté la jeune surdouée, et je lui ai exposé le problème. Et elle m'a dit que c'était normal ! J'ai évité d'envenimer le situation, alors je n'ai pas collé les harceleurs. Mais à chaque fois que j'entendais une insulte en cours ou dans le couloir, je réprimandait par un point en moins sur un contrôle, puis par un mot dans le carnet, puis par une heure de colle si vraiment ça durait. Je doute que ça ait tout arrêté, mais au moins, ça a ralenti les choses. Aujourd'hui, elle me remercie, et est devenue une brillante généticienne.

- En 2014, Koaku, un élève très maigre, pas très sociable, et d'origine asiatique s'en est pris plein la tête sur Facebook. A coup de post pas très sympathique, de vidéo prise à son insu en cours, de clichés racistes, etc... Ses notes ont brutalement chuté, et c'est ce qui m'a alerté. Je lui en ai parlé, et il m'a d'abord dit que tout allait bien. Puis deux semaines plus tard, il est venu de lui même m'expliquer que ses camarades allaient trop loin, il était au bord des larmes, et m'a dit que si ça n'arrêtait pas, il allait faire une connerie. J'en ai informé le proviseur, qui a conseillé à la famille de porter plainte. Ce fut chose faite, il a été changé de classe, et son compte a été fermé, ainsi que celui des harceleurs. Désormais, il est en master de langue, spécialité coréen.

- Et l'année dernière, il y a eut le cas "Mick" qui a bouleversé le lycée, car les causes étaient quelque peu... confuses. Quand un prof a surpris l'agression avant que Mickaël ne s'écroule dans mon cours, on a d'abord cru a une sorte de règlement de compte. Puis ensuite on a pensé à du harcèlement régulier, jusqu'à ce que Dean, un des agresseurs nous raconte tout. La cause était purement homophobe. Et une grande vague de soutien s'est créée pour soutenir Mickaël, ce qui a émerveillé tous les professeurs. Anthonin a été viré un instant, avant de revenir, car il a présenté ses excuses, et qu'il avait des raisons légèrement atténuantes.

Imanol écoute sans broncher. Puis je lui dis :

- Avec tout ça, je pense que je suis prête à réagir rapidement au prochain cas de harcèlement.

Il rit :

- Oui ! Merci en tout cas, ça me permet de comprendre un peu comment faire !

- Mais de rien !

Je lui sourit, et me lève :

- Bon, aller, je dois rentrer chez moi, avant que mon chat ne meurt de faim !

Il rit à nouveau, et se lève à son tour :

- Je t'accompagne, j'ai fini moi aussi.

- Pas de soucis !

A défaut de faire le trajet avec mon mari, faisons le avec un début d'ami !

Le quatrième harcèlementOù les histoires vivent. Découvrez maintenant