Je rentre dans la salle. Une table, trois chaises, deux l'une en face de l'autre, et une autre sur le côté, un néon crépitant... Comme dans les films. Un homme roux avec une moustache me fait assoir sur une chaise. Je crois le connaître, mais impossible de remettre le nom dessus... C'est sûrement un parent d'élève. Il indique à Gabriel la seconde chaise. Puis il s'assied sur la troisième.
- Bon... Dit le policier. Déjà, sachez que si vous êtes ici, c'est que chacun à accepté d'y participer. La confrontation n'est pas obligatoire, mais vivement recommandée. Vous pouvez toujours dire que vous ne voulez pas la faire, auquel cas, on s'arrête ici.
Il regarde Gabriel, qui fait oui de la tête, puis il tourne son regard vers moi : je tremble, je stresse, j'ai chaud, mais je dis que je suis d'accord pour continuer.
- Très bien. Vos avocats sont dehors. Voulez vous qu'ils vous accompagnent ?
Je dis oui de la tête, et Gabriel aussi. Nos avocats arrivent, deux chaises sont ajoutées.
- Très bien. Je vous donne la parole, chacun votre tour. Vous expliquez tout. Vous ne parlez pas à celui en face de vous, mais à moi.
Il sort un carnet et un stylo.
- J'écris tout la dedans. Si quelque chose me manque, m'étonne, me parait illogique ou impossible, je vous poserais des questions pour éclaircir le tout. C'est clair ?
On hoche tout les deux la tête, tandis que les avocats se regardent.
- Très bien. Je vais commencer par vous, Mr. Ivain, qui êtes la victime.
Non, il n'est pas la seule victime de l'histoire. Mais ce n'est pas à moi de parler.Je me tais. Il commence :
- Très bien. Nous étions en cours, et y avait du bruit, comme toujours.
"Comme toujours depuis que TU as posté cette photo de moi et Imanol sur Facebook" me dis-je dans ma tête.
- Ensuite, je ne sais plus très bien ce qu'il s'est passé.
"Normal, tu m'as craché dans la main !"
- Je devais lui donner mon portable, mais j'avoue ne pas avoir voulu...
- Pourquoi ? Demande le policier.
- Euh... Je... Je crois que je faisais quelque chose d'interdit..
- Tu étais sur le Spotted, et tu ne voulais pas que je le vois ! M'écriais-je.
Zut. Mon avocat ma dit de ne pas parler, que ça peut aggraver notre cas, mais le policier note ce que je viens de dire.
- Bref, reprend Gabriel, elle a récupéré mon portable, mais comme j'étais énervé, je lui ait tiré sur le bras pour qu'elle me le rende. Je crois que je lui ait fait mal...
"Il a le mérite de l'avouer..."
- Et elle a pété un câble. Elle m'a frappé, fort, très fort. Je crois même que j'ai pleuré...
A l'entente de ces mots, je baisse la tête. J'ai honte.
Je m'en veux merde !
- Je tente de me défendre, les autres élèves interviennent, mais rien n'y fait, je suis seul contre elle. J'ai mal, et puis d'un coup, tout devient noir, après une grosse douleur au niveau de la tempe.
C'était mon ultime coup. Un de moins, et il ne se serait pas évanouit. Enfin je crois. J'en ai peut-être donné plusieurs à la tempe. Je ne sais plus...
- Okay... Dit le policier en notant ce qu'il vient d'entendre.
Il se relit.
- Hum... Je crois que c'est bon. A vous maintenant, Mme Sevenson.
Je raconte la même histoire, mais avec le contexte, c'est-à-dire : la photo. J'avoue m'être énervée. Je rajoute aussi que Gabriel m'a craché dans la main, ce qui a aiguisé le couteau avant la bataille. Le policier note. Il se relit, et pose des questions à Gabriel :
- Tu as vraiment posté cette photo ?
Gabriel fait oui de la tête, et regarde son avocat, qui lui fait un signe d'approbation. Dans ces circonstances, mieux vaut ne pas mentir.
- Et c'est toi qui l'a prise ?
Gabriel regarde à nouveau son avocat. Ce dernier lui dit : "Dit juste la vérité..."
- Oui c'est moi. Avec Fanny. On attendait le bon moment pour la prendre...
- Comment ça ?
- Ben... Ca faisait quelques heures qu'on suivait les deux profs dans l'espoir qu'il se passe un truc. Dès qu'il se sont embrassés, on a sauté sur l'occasion.
Non... C'est pas vrai !
Sa méchanceté va donc à ce niveau là ?
Il termine :
- Mais... C'est Fanny qui a mis la photo sur le Spotted.
- Tu viens de me dire que c'était toi !
- C'est fait depuis mon portable, j'étais plutôt d'accord... Je croyais faire la justice. Mme Sevenson trompe Mr Sevenson ! J'ai pas pensé aux conséquences. J'ai dit oui. Mais s'il n'y avait pas eut Fanny, j'aurais rien fait.
- Bien... La confrontation est terminée...
Rien fait. Ces mots résonnent. Sans Fanny, ma vie aurait suivi son cours.
J'ai frappé un presque innocent.
Il a suffit d'une seule personne en plus dans l'équation pour que tout vole en éclat...
Putain que la vie est mal faite !
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Le quatrième harcèlement
Short StoryBarbara Sevenson, professeure d'anglais au lycée Arthur Rimbaud, a connu parmi ses élèves trois types de harcèlement différents. Celui fait de mots, celui fait de coups, et celui fait de commentaires sur Internet. Barbara est donc persuadée que le p...