6. Sainte écriture

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Austin me propose d'écrire tout ce qu'il s'est passé durant ces premières semaines dans un carnet, afin que ça ne me reste pas trop sur le cœur. Voire même qu'il puisse enfin comprendre ce qu'il s'est réellement passé, à condition que je lui laisse lire.

Alors, ce matin, on a acheté un petit livret avec, en guise de couverture, l'inscription "Liberty" en blanc sur fond noir . Ce qui me va tout à fait.

C'est donc pleine de bonne volonté que je commence à écrire ce dont je me souviens. Le Comment-tout-ça-à-commencé.

Je crois que c'était un Jeudi puisque j'avais mes premières. En tout cas, si c'est pas un Jeudi, c'est un Mardi. Mais bon, c'est pas ça le plus important. Gabriel Ivain et Fanny Deleperre, deux élèves d'habitude calmes, on démarré un jeu digne de sixième, à savoir se lever et crier "moustache" en cours pendant que j'ai le dos tourné , et se rasseoir avant même que je puisse les voir. Au début je leur ai juste demandé de se taire. Puis j'ai pris le carnet de Gabriel, qui a nié en bloc son jeu débile, et enfin celui de Fanny, qui elle n'a pas pu se défendre puisque je l'avais clairement vue.

Et oui, quand on fait un jeu de rapidité, mieux vaut avoir de bons réflexes !

Enfin bon. Tout aurait été normal, si Gabriel, dans toute la splendeur de la pauvre victime à qui je venais de prendre la carnet "sans raisons valable," n'avait pas demandé à tout le reste de la classe de suivre son idiotie ! Résultat, je me suis retrouver avec trente voix qui gueulaient "moustache" dès que j'écrivais un mot au tableau.

Mais j'ai tout de même gardé les carnets, et j'ai collé collectivement la classe pour la première fois de ma carrière.

Juste d'écrire ça, ça commence déjà à me peser. Au fond, il n'y avait rien d'offensant dans ces gestes, c'est juste qu'ils dérangeaient le cour.

Mais le soir je me suis quand même épilée le (très fin) duvet que j'ai au dessus de la lèvre.

Et j'ai appris plus tard que moustache était le diminutif de moustache de souris, le surnom que mes élèves m'ont donné. Ben oui, Barbara (barbe à rat), Moustache de souris.

C'est bien connu...

J'arrête ensuite d'écrire. La suite est déjà plus grave, plus lourde, plus importante. Je décide qu'Austin peut lire ce passage, et je lui montre. Mais je ne veux pas le voir lire, alors je sors de la pièce.

Quelques secondes plus tard, Austin sort de la chambre où il lisait, et vient pour me câliner.

- A ta place, j'aurais sans doute fait pareil...

- C'est vrai ? Dis-je pleine de soulagement.

Puis je reprend :

- Parce qu'en écrivant ça, je me suis sentie un peu sévère...

- Depuis quand on devrait laisser nos élèves nous insulter ? Non, non, tu as bien fait...

- Mais ils ne m'ont pas insulter... Ils ont juste fait un jeu de mots sur mon prénom.

Austin me regarde de ses yeux doux, et commence tout bas :

- Tu fais comme les victimes de harcèlement, tu nies que ce que Gabriel, Fanny et tous les autres font, ça t'offense.Tu t'es même épilée après, c'est bien que ça t'a touché !

Je réfléchis à ses paroles. C'est vrai ça. Koaku et Hélène, les deux élèves que j'ai "sauvés" du harcèlement, ne voulais pas accepter le fait que les actes de leurs camarades leur faisaient mal. Et je fais exactement la même chose.

- Tu as raison, dis-je. Ils m'ont effectivement harcelé.

- Parce qu'en plus ce n'est pas fini, je suppose. Tu n'aurais pas frapper...

Il se tait et reprend :

- Tu ne serais pas aller jusqu'à risquer ton poste juste pour une histoire de jeu de mot.

Un larme coule sur ma joue, à cause du mot qu'il n'a pas eut le temps de cacher.

- Oh... Barbara, ne pleure pas s'il te plait... Je t'aime, je sais que tu n'as pas voulu tout ça, et que tu as agis sur un coup de tête !

- Oui... mais, s'il te plaît, n'en parlons pas avant que je n'ai pu finir d'écrire la suite de mon... de cette histoire.

On fini par enfin se lâcher, lui pour aller cuisiner, et moi pour aller lire.

Mais vous me connaissez, vous savez très bien que quand je suis préoccupée, je n'arrive pas à lire.

Le quatrième harcèlementOù les histoires vivent. Découvrez maintenant