Ce matin, quand j'ouvre les yeux, je sais plus trop où je suis. En même temps, je vois que la porte est ouverte, et qu'elle éclaire partiellement la chambre, signe qu'Austin est déjà levé. Je me mets debout et regarde autour de moi. A ma droite, "Le Dahuteur," journal local, est plié en deux sur le bureau, et il annonce dans un coin en bas de sa couverture que deux nouveaux bédéistes ont trouvés leur place dans les pages du journal. Je souris. Au dessus est affiché le calendrier. 2 Juillet 2019. A côté du journal, ma lettre de réhabilitation.
Je m'étire et rejoints Austin dans la cuisine. Il a des petits yeux, qui trahissent notre soirée mouvementée et érotique de la veille. Il m'embrasse, sans dire un mot, et me tend une tasse de thé. Aujourd'hui, on a prévu d'aller se promener au parc. Mais vu comme on a l'air réveillé, je pense que ça va plutôt être journée Monopoly.
Sur la table de la cuisine, trône la lettre de ma psychologue, ou j'ai entouré les mots "guérie, et prête à être réhabilité dans un nouvel établissement." J'ai d'ailleurs du mal à m'habituer à notre nouvelle maison, situé un peu plus au Nord du département. On a choisit une maison plutôt qu'un appart, pour penser un peu à un potentiel enfant. On s'est endetté sur dix ans, mais là, c'est vraiment pas ce qui nos préoccupe le plus. On cherche plutôt à retrouver le bonheur, et on est vraiment pas loin du tout.
Austin boit tranquillement son thé au lait, et moi je touille distraitement le mien avec ma petite cuillère.
- Bon, on fait quoi aujourd'hui ? Se risque Austin, en sachant pertinemment que je n'aurait pas la réponse.
- On peut... Commencé-je, sans rien trouvé de palpitant à faire. On peut... rester ici et profiter de notre nouvelle maison ?
- On a déjà bien profité du lit hier ! Dit-il, avec un sourire au coin des lèvres.
- On a pas essayé le canapé, répliqué-je.
Il rit, et reprend :
- Non, plus sérieusement, je préfèrerai aller dehors, il fait super beau !
Moi aussi finalement j'aimerais bien aller dehors.
- Allons au lac ! Dis-je toute sourire.
- Mouais, on risque pas de croiser d'anciens élèves ?
Je réfléchis. Une idée bizarre, complètement folle me traverse l'esprit.
- Alors, fais tes affaires, on prend la voiture, et on part en suivant les routes au hasard.
Austin se lève brusquement et rit, à pleine voix, c'est beau, c'est chaud, ça me fait sourire. Il réplique :
- Ce serait beaucoup plus fou d'y aller sans affaire, avec juste un peu d'argent !
- Alors allons-y, me réjouisse-je en prenant le porte-monnaie, sur un plan de travail de la cuisine.
A côté dudit porte-monnaie, il y a un petit mot de mes élèves.
"Pardonnez nous, madame Sevenson"
Et un autre de Gabriel : "Vous étiez quand même une super prof, j'ai juste un don pour tout gâché."
Je me bloque. J'ai du mal à pardonner. Austin me voit, et regarde ce que je regarde. Il tourne les deux petits mots. Et il dit :
- Oublie ça, c'est du passé, ça sert à rien d'avancer si c'est pour marcher à reculons.
Il me caresse le dos, et je le regarde :
- Oui, dis-je, quitte à avancer, autant regarder où l'on va.
Il me sourit. Puis je me rend compte que je dis ça alors qu'on s'apprête à partir vers l'inconnu avec à tous casser trente euros dans notre porte-monnaie.
- Bon, on y va ? Lancé-je enjouée.
- On y va.
Il se dirige vers la porte, prend les clés de la voiture et de la maison. Je le suis.
On monte dans la voiture, il démarre, et on s'en va.
Vers l'inconnu et l'au-delà, et surtout vers le bonheur, le vrai, celui qui ne nous quitte jamais.
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Le quatrième harcèlement
Short StoryBarbara Sevenson, professeure d'anglais au lycée Arthur Rimbaud, a connu parmi ses élèves trois types de harcèlement différents. Celui fait de mots, celui fait de coups, et celui fait de commentaires sur Internet. Barbara est donc persuadée que le p...