Le quatrième harcèlement

5. Un bric à brac de souvenir

Je n'arrive pas à dormir. Pourtant, je suis seule dans la chambre. Je viens d'atterrir et je suis fatiguée. Et en plus, il y a Austin pas loin, ça devrait me détendre. Mais non. Mes pensées décident que faire des flash-back c'est drôle, et que comme ça je pourrais me souvenir de toute ma vie en détail, même de ceux que je préférerais oublier.

Petite liste de tous les souvenirs qui passent par ma tête, du meilleur au pire :

- Ma rencontre avec Austin, ainsi que mon mariage et tout ce qui se rapproche aux moments de joie passés avec lui.

- Mon père qui me tient la main avant de retourner à la lecture de son journal.

- Ma mère qui m'offre un porte-clé, que j'accroche à mon lacet de chaussure, parce que j'étais petite et pas très intelligente.

- Ma rencontre avec Imanol.

- Mes années d'enseignement. C'est toujours aussi génial, et j'hésite à placer ce souvenir avant ma rencontre avec Imanol.

- Mon père et ma mère à leur mariage, pendant que je suis aux toilettes parce que j'ai mangé trop de dragées. (J'étais encore petite et pas très intelligente.)

- Ma dispute avec ma mère, à propos du fait que je me marie avec un étranger. Elle pensait que c'était un mariage blanc. Maintenant ça va mieux.

- Le jour où j'ai failli embrasser Imanol.

- Le jour où Imanol m'a embrassé.

- Ces photos sur les réseaux sociaux.

- Gabriel Ivain qui me pose des questions très embarrassantes.

- La mort de mon père.

- Les années de folie de mon père.

- Les pleurs de ma mère.

- Mes propres pleurs. Pour tout un tas de raisons, mais en particulier à cause de :

- La sensation du sang sur mes poings.

Je compte, et il y a plus de mauvais souvenirs que de bons, alors ça m'énerve, alors je m'efforce de trouver de bons souvenirs, mais j'y arrive pas, alors mes pensées tourbillonnent, et il y a trop de questions, je demande à Austin de me consoler, et il vient, mais Austin ne parle pas, et un truc sonne, du coup Austin s'en va, et j'en ai marre, alors j'essaie de dormir, alors je ferme les yeux, alors je vois du noir, mais j'aime pas le noir, alors je broie du noir, et je m'énerve encore, contre moi, contre Gabriel, contre Imanol, mais surtout contre moi, moi, moi et moi et encore moi, parce que je suis débile et que j'ai rien à faire ici, alors je suis fâchée, et j'attends, et la mort ne vient pas, alors je ferme encore les yeux, pour dormir, mais comme je suis énervée, j'y arrive pas, alors je me calme.

Et je pleure.

Un esprit tourmenté dans un corps fatigué.

Voilà ma dernière pensée avant de partir chez Morphée.