Avec Imanol, on passait le plus clair de notre temps ensemble. Parce que quand on était entre deux cours, il n'y avait pas d'autres collègues assez sympas. Et aussi parce qu'on s'appréciait mutuellement. Enfin, quoiqu'il en soit, c'est que ça serait pas arrivé sans lui.
C'est sûr, comme j'étais seule à la maison le week-end, je l'invitais parfois. Où lui m'invitait, c'était selon nos envies.
Je le trouvais de plus en plus sympa, c'est certain.
Je crois même que c'était plus fort que ça.
Il était beau, doux, calme, sûr de lui, et... c'était tout ce qui me manquait. Il me rappelait beaucoup Austin, la couleur des cheveux et des yeux en moins. Austin est châtain aux yeux bruns, et Imanol est brun aux yeux gris.
Je sais pas si je ferais lire cette partie à Austin, il va être jaloux.
Enfin, quoiqu'il en soit, c'est que la semaine après l'incident de la moustache, Imanol et moi étions en ville, pour se détendre. On discutait de tout de rien, mais surtout de nos amours. Je parlais bien-entendu d'Austin, et lui me racontait qu'il n'était plus en couple. Après un blanc, je l'ai ̶r̶e̶g̶a̶r̶d̶é̶ dévisagé et lui aussi, et je me suis précisément dit que je l'embrasserais bien, là, tout de suite. Et Austin est surgi dans mon esprit, alors je me suis retenue.
Et puis j'ai totalement regretté d'avoir voulu ça, alors j'ai changé de sujet de conversation, et on est reparti à marcher parmi les magasins. Enfin, on s'est arrêté dans un parc, et on s'est installé comme des adolescents sur la pelouse.
Et je jure que c'est lui qui s'est penché sur moi pour m'embrasser. ̶M̶a̶i̶s̶ ̶j̶'̶a̶v̶o̶u̶e̶ ̶n̶e̶ ̶p̶a̶s̶ ̶l̶'̶a̶v̶o̶i̶r̶ ̶r̶e̶p̶o̶u̶s̶s̶é̶e̶.̶ Puis finalement, il s'est écarté, et j'ai dit :"non." Et il a dit : "Pardon." mais entre temps, je m'étais relevée, et j'étais partie.
Et Imanol m'a rappelé le soir, j'ai pas répondu.
Je lève le stylo du carnet, et puis je quitte la chambre où j'écrivais. Austin est déjà parti, il a encore cour dans son lycée écossais. Mais moi, je suis seule, en attendant, et dieu sais que la solitude ne m'a pas fait de bien depuis l'incident.
Oh, et puis, tant qu'à faire, autant arrêté de dire "incident" sans savoir de quoi je parle. Je vais aller écrire la suite, comme ça, tout sera sorti, et j'irais mieux.
Peut-être.
Alors je me rassois et je reprends.
Ce n'est que le Lundi d'après que j'entends des rumeurs au sein du lycée, concernant un potentiel couple Mr.Sontant/Mme.Sevenson. Je me disais que des lycéens nous avaient surpris au parc. Je me disais qu'au pire, ça serait oublié dans les trois jours.
Mais Imanol est rentré en trombe dans la salle des profs, et m'a montré une image sur son portable.
- We are in the BIG SHIT ! gueula-t-il.
Je regardai donc la photo du délit.
Et c'était nous deux, Imanol et moi, en plein baiser, au parc.
- Ah merde... dis-je, tu as vu ça où ?
- Facebook. Et elle a déjà cinq-cent likes, soit environ la moitié du lycée.
Je sentis mon corps se décomposer. Puis Imanol me demanda : "Qu'est-ce qu'on va faire ?"
J'ai pas répondu, je suis sorti, et je suis allé m'enfermer dans les toilettes pour pleurer. Je sortis mon portable, pour voir qui était l'auteur du post. Mais c'était pire que ça. C'était le Spotted. C'est à dire : l'endroit où chaque lycéen fait sa déclaration d'amour. Ils envoient leur écrit anonymement, et c'est publié anonymement par un gars anonyme, qui gère la page anonymement.
Et l'auteur de la photo était donc lui aussi anonyme. On ne pouvait pas savoir qui c'était.
J'essayais tant bien que mal de faire cours, avec mes secondes. Très difficilement, j'ai réussi à démentir cet acte, en faisant croire à un photomontage.
Puis le lendemain, ce fut avec mes Terminales, cour où normalement règne un silence royal. Cette fois, rien de tel. Des cris. Des insultes. Des jets de stylo. Je n'ai rien pu faire. Mon autorité s'était envolée loin, loin, loin, et le coup du photomontage n'a pas marché.
Ils connaissaient l'auteur de la photo, c'était la seule explication.
Le soir, je jetai un œil au Spotted du lycée.
Cette fois, c'était pire. Des élèves se faisaient passer soit pour Imanol, soit pour moi, et envoyaient des mots doux à l'autre.
Horrible.
Je vais m'arrêter là en fait. J'arrive pas à aller plus loin. Je lâche le stylo. Ferme le carnet. Cette partie, Austin ne la lira pas.
Enfin si. En fait je ne sais pas. J'ai peur qu'il soit jaloux. Bien entendu, il sait pour la photo, mais il ne sait pas pour ce qu'il s'est passé avant.
C'est avec angoisse que j'attends le soir.
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Le quatrième harcèlement
Short StoryBarbara Sevenson, professeure d'anglais au lycée Arthur Rimbaud, a connu parmi ses élèves trois types de harcèlement différents. Celui fait de mots, celui fait de coups, et celui fait de commentaires sur Internet. Barbara est donc persuadée que le p...