Le vent sifflait à mes oreilles, les battements d'ailes me secouaient en tous sens mais un immense sourire éclairait mon visage.
Je me sentais si puissant à survoler les soldats, si important à avoir l'honneur de toucher un dieu, si... Différent. Différent de tout ce que j'aurais pu croire sur moi.
Comme si le simple fait de changer de prénom m'avait permis de me révéler. En tant qu'Alex l'esclave, aurais-je osé monter sur L'Aigle ? Aurais-je eu le courage de mentir devant un large public ?
Non certainement pas. Mais en réalité, cela m'importait peu en ce moment. Cela ne faisait aucune différence.
Tout ce qui comptait c'était cette sensation grisante que je vivais. C'était ce vent frais qui caressait mon visage. C'était ces plumes douces que je sentais sous mes doigts.
Et plus que tout, c'était mon cœur qui s'emballait, bondissant à un rythme effréné dans ma poitrine, mes yeux qui ne savaient plus où se poser, mes sens qui exaltaient.Je hurlais de joie, je m'extasiais devant le spectacle qui s'offrait à moi. Je vivais tout simplement. Je me sentais vivant en tout cas. Je respirais un air pur revigorant. Je ressentais des émotions vives, réelles. Pas de celles qui nous surprenne quelques instants, ni celles qu'on oublie après une deuxième sensation.
Loin de ça. Je prenais le temps de les ressentir pleinement, de les ancrer à jamais dans ma mémoire.
Cependant les histoires finissent toujours mal pour nous donner une leçon et la mienne ne fit pas exception à la règle. L'Aigle entama sa descente vers la tête ferme.
Avec un soupir, je jetai un dernier regard à la foule qui gardait la tête levée pour nous apercevoir puis je ne vis plus rien, gardant les yeux fermés à cause de la secousse qui me fit trembler.
L'Aigle posait ses serres au sol, me secouant en tout sens. Je déposai ma tête contre son long plumage brun, doré aux teintes rousses, reniflai son odeur fraîche qui portait la pluie et le soleil, cette odeur rassurante que je tentais de voler, d'emporter avec moi.
Il inclina la tête, je descendis à contrecœur. Je gardai une main appuyée contre lui tandis que mon maître le fixait de ses yeux ronds d'étonnement.
Il s'approcha à petits pas hésitants jusqu'à n'être plus qu'à un mètre du dieu. Aussitôt, il se jeta à ses pieds, écrasant ses deux genoux au sol simultanément.Une partie de la foule l'imita, agenouillée dans une position humble, tandis que l'autre moitié se prosternait, plaquée contre le sol. J'effectuai le même mouvement que les seconds, ayant appris de mes parents que les divinités méritaient ce respect.
Notre dieu déplia ses larges ailes pour se faire plus impressionnant encore et lança un cri perçant.
-Peuples d'Okitio, annonça-t-il d'une voix rocailleuse.Mon cœur lâcha. C'en était trop ! Après avoir touché un dieu, être monté sur son dos, voilà qu'il s'adressait à nous. Il articulait les mots rugueusement mais de façon compréhensible. Il contenait une si grande sagesse dans cette tonalité grave que j'en restais ébahi.
De plus, il démontrait le contraire de ce que j'avais toujours pris comme acquis : que les Aigles Sages ne parlaient pas notre langue.Or c'était faux. Et en même temps, comment est-ce qu'un dieu aurait pu ne pas parler le dictalecte de son pays ?
-Relevez-vous, continua-t-il après une pause.
Malgré son ordre, peu osèrent se mettre debout. Contrairement aux plus timides, le sauveur se leva presque avec dédain comme s'il avait dû prendre sur lui pour s'agenouiller.
-Je ne puis rester parmi vous plus longtemps, mais sachez que pour toujours je veillerais sur vos maisons, à jamais je m'assurerais que vous ne souffriez pas d'injustice, ni de la cruauté des baghros. Ce garçon, cet apprenti sauveur est un premier pas vers la victoire.
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Okitio [En Pause]
FantasyLes dieux les ont abandonnés. Les gobelins les ont massacrés. Les baghros vont les envahir à nouveau. Le sauveur maudit n'est plus capable de protéger Okitio. À moins que... À moins qu'il n'agisse sans le consentement des divinités. À moins qu'il ne...