J'observais le camp encore endormi, le soleil venant tout juste de pointer le bout de son nez. J'en profitais pour écouter le calme du matin, seul moment de la journée où du répit nous était offert.
Les respirations paisibles de mes compagnons berçaient mes oreilles. Des chuchotements doux me parvenaient. J'aurais pu me sentir apaisé, vraiment. Mais il manquait une chose essentielle au chant matinal : des sons naturels. Où étaient donc partis les oiseaux ? Où étaient passés les animaux nocturnes et les bruissements de feuilles qu'ils éparpillaient en se baladant ?
Ils s'étaient enfuis. Ils avaient compris qu'il n'y avait plus rien pour eux ici. Et ils avaient eu raison. Les déserteurs aussi avaient eu raison. Les seuls à s'être trompés sur toute la ligne étaient mes dieux. Et mon maître aussi, sire Jildis.
Sire Jildis... Quel homme honorable. J'aurais pu éprouver du respect pour lui: chaque jour, même s'il avait cessé d'y croire, il s'avançait bravement vers les monstres qui nous attaquaient. Il répondait avec sagesse et patience à tous les pauvres qui se plaignaient à ses pieds avant la guerre. Il ne prenait aucune décision qui ne soit approuvée préalablement par ses membres du conseil. Il encourageait ses soldats et les traitait avec justesse.
Oui, c'était un homme d'honneur. Un homme bon sur qui les autres pouvaient compter. Mais pas moi. Moi il m'avait arraché à ma famille il y a dix ans de cela. Je m'en souvenais très bien, je n'étais qu'un gamin de cinq ans alors.
-Alex... Papa et maman ont quelque chose à te dire. Tu vois ce gentil monsieur là-bas ?
Le petit garçon avait hoché la tête avec timidité.
-Il va repartir chez lui maintenant... Tu vas aller avec lui, d'accord ?
Le cœur fragile de l'enfant s'était serré et ses lèvres s'étaient mises à trembler. Il avait agripé la jambe de sa maman du plus fort qu'il pouvait et l'avait fixée de ses doux yeux bleus.
-Je veux rester avec toi, avait-il soufflé du bout des lèvres.
-Non mon grand, tu verras le monsieur s'occupera bien de toi. Allez va !
Elle le repoussa avec un sourire désolé, faisant mine d'ignorer la détresse de son fils. Il avait crié, pleuré, supplié ses parents de le garder. Il n'avait pas réellement compris ce qu'il se passait. Il ne savait pas pourquoi ses parents lui demandaient de partir. Il ne voyait que la tête de cet homme, cet homme qui l'arrachait à sa famille. Cet homme qui lui souriait, mais ne l'écoutait pas.
Il l'avait porté, le serrant très fort contre son torse. Mais le petit ne voulait pas être emmené ailleurs, même par un gentil monsieur. Il voulait rester près de ses frères et ses parents !
-Lâchez moi ! avait-il crié.
-Mais non, mais non, allez sèche tes larmes gamin.
Et à nouveau le monsieur avait souri.
Le regard d'Alex s'était alors posé sur sa ferme, celle où il avait joué avec ses frères, celle où son papa lui avait montré comment changer les vaches de champs, celle où sa maman lui avait lu des histoires. Et bizarrement, la seule pensée qui lui avait traversé l'esprit quand il avait compris qu'il était trop tard pour revenir chez lui un jour était :
J'ai oublié de prendre doudou avec moi.
Je fus tiré de mes pensées par une voix grave, résonnant étrangement dans la douceur du matin.
-Que fais-tu ?
-Je pense, maître.
-À quoi donc Alex ?
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Okitio [En Pause]
FantasyLes dieux les ont abandonnés. Les gobelins les ont massacrés. Les baghros vont les envahir à nouveau. Le sauveur maudit n'est plus capable de protéger Okitio. À moins que... À moins qu'il n'agisse sans le consentement des divinités. À moins qu'il ne...