Chapitre 8: Insigne

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Après avoir longuement courru à en perdre haleine vers le campement, je fis demi-tour, pris par un soudain pressentiment. Il fallait récupérer l'insigne du sauveur ! Je devais la lui rendre.

Je rebroussai le chemin et retrouvai facilement le tronc sur lequel nous étions assis plus tôt. Je foullai quelques temps dans le sable et mes doigts tombèrent finalement sur le sceau du sauveur. Je le saisis, l'enroulai autour de mon poignet et repartis. Le contact avec la chaîne était électrisant. Elle était froide, glaciale or elle me réchauffait. Elle était lourde, lourde dans ma paume, cependant elle semblait si légère.

Je secouai la tête et détachai mon regard de ma main l'enveloppant pour regarder ailleurs : j'arrivais à hauteur des tentes et jetai au coup d'œil au champ de bataille. Un massacre. Un vrai massacre. Pire que celui des autres jours, jamais notre défense n'avait été aussi médiocre !

Tous semblaient surpris, et ça, je l'étais aussi... Le Sauveur avait dit qu'il n'y aurait pas d'assaut aujourd'hui. Nous aurait-il alors menti ? La réponse m'apparut finalement évidente. Il avait fait quelque chose pour empêcher les gobelins d'attaquer, mais quand il s'était énervé, il avait dû être déconcentré.

C'est de ta faute ! m'agressa aussitôt Aëris.
Je l'ignorai et continuai à avancer, pour rejoindre la tente de mon maître. Il ne devait sûrement plus s'y trouver, par contre le sauveur s'y était peut-être rendu. Je fixai son insigne que je serrais dans ma main.

Je n'avais plus envie de lui rendre. Je la voulais, pour moi ! Je ne désirais rien d'autre que son contact. Au fur et à mesure que je marchais vers la tente, j'avais comme de plus en plus conscience de sa lourde présence. De sa vitalité. De son aura bienveillante qui m'enveloppait. De mes battements de cœur qui s'affolaient et de l'impression qu'elle était vivante qui me prenait. Elle était si belle !

Je décidai de la garder, encore un petit peu. Après tout, il l'avait jetée, il n'en avait pas besoin aujourd'hui. Oui, pourquoi la lui rendrais-je ?
Je n'avais aucune raison de le faire. Je la passai autour de mon cou, et continuai mon chemin.

Je n'allais donc pas faire d'étape à la tente de mon maître, je me rendrais directement au puit pour récupérer de l'eau pour les chevaux et les combattants, je verrais là-bas ce que je devrais effectuer comme tâche ensuite.

Je dépassai donc le logement de sir Jildis. Je fus intrigué par l'agitation qui régnait juste après, un groupe d'hommes bloquait le chemin de terre qui reliait les quatre coins du campement. Je continuai à avancer jusqu'à leur hauteur avant d'être contraint de m'arrêter.

Je jetai un coup d'œil à l'homme devant moi: un esclave. Celui encore devant, esclave aussi. Ils faisaient la file visiblement. Mais que diable, pouvaient-ils attendre ? Ce fut la voix rude d'un Okitien qui me l'apprit :
-Les esclaves se battent aussi aujourd'hui ! lança-t-il.

Les battements de mon cœur devinrent alors incontrôlables. Ils s'affolaient, se faisaient de plus en plus rapprochés tandis que ma respiration haletante leur faisait bruyamment écho. Je n'entendais plus que cela, mon cœur tressautant dans ma poitrine.

Cogne ! Cogne !
Mon coeur qui bat...
Cogne ! Cogne !
Il faut se battre.
Frappe ! Frappe !
Contre mes tempes...
Frappe ! Frappe !
Sois fort.
Tape ! Tape !
Fort dans ma tête...
Tape ! Tape !
Je ne peux pas .
Pulse ! Pulse !
Dans mes artères...
Allez, avance !
Des coups ! Des coups !
Résonnent en moi...
Des coups ! Des coups !
Les monstres !
J'entends ! J'entends !
Mon sang qui bat...
J'entends ! J'entends !
Je ne veux pas combattre...
J'ai peur ! J'ai peur !
Vais-je mourir ?
J'ai peur. J'ai peur.
Calme-toi !

-Avancez ! intima l'Okitien.
Les hommes debout devant moi se mirent à descendre timidement la pente qui débouchait sur le massacre. Je regardai leurs mains :
Vide. Ils ne tenaient aucune arme. Ils allaient trépasser, aucune chance ne leur était accordée.

Okitio [En Pause] Où les histoires vivent. Découvrez maintenant