Chapitre 3: Sauveur Noir

600 113 439
                                    

L'arrivée du sauveur noir me procura une joie intense, une émotion que je n'avais plus ressentie depuis dix ans. Mon idole était dans le campement ! J'allais peut-être pouvoir l'apercevoir et même avec beaucoup de chance le servir le temps de son passage ici.

Ce serait un tel honneur !

Je dûs sortir de mes rêves et folles envies quand un homme me bouscula violemment. Aussitôt, je baissai la tête et m'écartai à toute vitesse, de peur d'avoir pu l'offenser.

Les yeux rivés au sol, je vis ses chaussures s'approcher de moi. Je priai pour qu'il s'éloigne. Allez va-t-en, s'il te plaît !

Mais une main me saisit la mâchoire et me força à lever la tête. Mes prunelles se fixèrent sur une tête balafrée de cicatrices, toutes plus horrifiantes les unes que les autres.

Ses yeux luisaient de méchanceté, ses poings serrés trahissaient sa colère. Moi, je m'obligeai à afficher un air désolé et une attitude neutre. Ne cherche pas les ennuis, pas alors que tu vas peut-être rencontrer le sauveur noir !

-Tu étais dans mon chemin, aboya l'homme sans me lâcher la mâchoire.

-Désolé messire je n'ai pas fait exprès, m'empressai-je de répondre.
Il m'envoya une gifle magistrale de sa main libre et son bruit résonna un long moment dans mes oreilles. Plusieurs soldats se tournèrent vers nous et durent voir la marque des esclaves sur mon bras nu parce qu'aussitôt ils se mirent à me pointer du doigt en riant.

Je clignai des yeux pour chasser la douleur et ne tentai pas de me défaire de sa poigne. Il se mit à serrer ma mâchoire entre ses doigts énormes.

Il va me la briser, pensai-je effrayé. Je tentai de tourner la tête pour apercevoir mon maître.
Sire Jildis se tenait à deux pas de moi. Il pourrait signifier à l'autre de cesser. Il pourrait, mais il ne le ferait pas. On ne risquait pas de se faire des ennemis juste pour un esclave, cela n'en valait pas la peine. Surtout en temps de guerre où il était malvenu de perdre des alliés précieux. Il ne pouvait pas se le permettre, vraiment pas.

Je devrais m'en sortir par mes propres moyens, sans paraître irrespectueux aux yeux de la brute qui me faisait mal.

Je tentai d'ouvrir la bouche. Cela fut laborieux, mais j'obtins quelques centimètres de liberté et essayai d'articuler du mieux que je le pouvais :
-Essire, che 'uis de'olé.' e vous en chupplie.

Il s'esclaffa, vite imité de tous les autres mais relâcha sa prise.
Il me toisa, des pieds à la tête. Je ne bougeai pas d'un millimètre, tétanisé. Enfin il demanda :
-À qui appartiens-tu ?
-À messire Jildis, sire.

La brute eut une moue hésitante, comme si elle ne savait pas si mon maître approuverait sa conduite ou pas. Il ignorait mon réel statut, si j'étais de la première ou de la seconde classe d'esclaves. Ainsi il ne pouvait juger si j'étais utile et cher ou si mon maître pouvait me jeter sans problème.
Bonne chose pour moi.

Il se mit à chercher sire Jildis du regard, l'air anxieux. Il fronça des sourcils brousailleux, dont le gauche était quasi absent, disparu, remplacé par une cicatrice.

Celui ci s'approcha et lâcha:
-Il faut se préparer pour l'assaut d'aujourd'hui, les ennemis ne sont toujours pas partis. J'ai encore un peu besoin de lui, il doit m'aider à mettre mon harnois en place.

Il eut ensuite un air hésitant et ajouta, sûrement pour ne pas déplaire à l'autre :
-Je te le prêterais après la bataille d'aujourd'hui si tu le désires. Tu pourras le garder jusqu'à demain matin.
L'autre accepta d'un signe de tête, tendit une main que mon maître serra. Un léger sourire aux lèvres, il me toisa une dernière fois d'un air mauvais et s'éloigna, bientôt suivi de ses acolytes.

Okitio [En Pause] Où les histoires vivent. Découvrez maintenant