Chapitre 20 : Désarroi

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Je retrouvais mon corps assis à la table du sauveur. Je battis des paupières et fixai Noal, à la recherche de réponses.

-Il t'a vu ? demanda-t-il aussitôt.

Je me souvins de son regard perçant, menaçant, glaçant et aux pupilles rouges sang.

-Je... crois.

Son poing frappa le bois.
-Et merde ! Reste ici, ne sors sous aucun prétexte, ne touche à rien, ne rentre pas dans ma chambre, n'abîme pas ma carte.

Il débita le tout en se relevant, ajusta sa cape et posa sa main sur la poignée de la porte.

-Noal ? interrogeai-je.

Il fit volte-face :
-Quoi ?
-Vous allez où ?
-Chez Kackling. Je reviens bientôt.

Sans un mot de plus il disparut. Kackling ? Osait-il parler avec tant de désinvolture de L'Aigle Sage ? Je me remémorai le ton violent employé alors que je contemplais notre dieu prendre son envol et conclus que oui.

Mon cœur s'emballa. Il se rendait chez nos divinités. Alors qu'il y a encore peu je croyais qu'ils avaient disparus ou juste oublié notre existence, j'avais une occasion de les voir à nouveau. De sentir leur aura rassurante et grandiose planer au dessus de moi. D'admirer leur taille et leur prestance. De m'émerveiller devant leurs pouvoirs...

Mais non. Il partait les voir sans moi et surtout sans respect.

Une partie de moi me rappela à l'ordre : enfin, tu n'es qu'un esclave et un imposteur, voir les dieux une fois est déjà trop. Souviens toi de ta place.
Cependant, la seconde, celle que le sauveur cherchait à tout prix à faire ressortir me hurlait : suis le ! Tu es son apprenti, tu dois l'accompagner partout. Puis tu serais le plus heureux des deux après cette visite...

Je vis la porte se claquer. C'était maintenant ou jamais... Maintenant ou jamais... MAINTENANT ! Je me précipitai vers l'entrée, me glissai au dehors de la chaumière et débouchai sur la clairière. Je n'eus pas le temps d'admirer la course du soleil dans le ciel, se ruant vers la fin de notre monde pour nous abandonner une fois encore, je devais me dépêcher.

Je repérai des traces de bottes dans l'herbe qui s'arrêtaient sans prévenir. Il était déjà trop tard, Noal avait disparu.

Je pestai entre mes dents, mi-soulagé, mi-énervé. Mes doigts effleurèrent l'herbe humide aplatie par la botte du sauveur. Un picotement désagréable parcourut mon corps entier. L'impression encore peu familière du pouvoir qui m'effleurait. C'était quelque chose de plus ténu que lors de la bataille ou de la téléportation avec Noal, mais c'était bel et bien un frisson de magie qui m'emplissait. Il suffisait de la réveiller...

Douleur et peur avaient étées sources de grandeur. Ma souffrance n'avait qu'à être réveillée. Sans perdre le contact avec le sol, je plongeai ma seconde main dans un pan de ma cape. J'en sortis une toute petite lame, seule arme que mon maître m'avait autorisé à porter.
"Tu risquerais de te blesser sérieusement avec un vrai poignard"

La pointe, bien qu'acérée était trop petite pour infliger une blessure mortelle... C'était suffisant pour moi. Je la plantai dans mon avant-bras, la peau tendre fut percée et le sang perla. Je serrai les dents. La douleur n'était toujours pas assez forte, je ne ressentais pas la boule furieuse grimper en moi.

Je remuai le couteau dans la plaie. L'agitai en tout sens, coupai le plus de mon bras, dégageant le plus de douleur possible. Je ne réussis pas à tenir le couteau plus longtemps et il s'écrasa au sol. J'étais trop faible pour le tenir... C'était bon signe ! Cette fois-ci, je fus traversé d'un frisson.

Okitio [En Pause] Où les histoires vivent. Découvrez maintenant