Chapitre 21 : Rancœur

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Ses bottes claquèrent méchamment contre le sol. D'un pas régulier, il avança. Il savait où il était et où il devait se rendre. Il ne dénombrait plus le nombre de fois où il avait foulé ce sol taillé dans la montagne.

Et pourtant, cela faisait à présent plus d'une centaine d'années qu'il n'y avait plus mis les pieds. Il faut ce qu'il faut soupira-t-il en arrivant près de la dernière porte à franchir.

Il la poussa sans aucune cérémonie, continua à marcher en ignorant les huit paires d'yeux qui s'étaient posées sur lui, le scrutant avidement. Il n'était en effet pas courant qu'un de leurs invités vienne les déranger avec aussi peu de manière. Mais bien vite, une fois qu'ils reconnurent l'identité de l'homme, ils retournèrent à leurs occupations.

-Noal, lâcha une voix neutre.
-Kackling, répliqua le second sur le même ton.
-Que me vaut l'honneur de ta visite ?
-Tu le sais déjà.

L'Aigle Sage secoua la tête en levant les yeux au ciel. S'il l'avait pu, il aurait affiché un sourire énigmatique.

-Laissez nous seuls, je vous en prie, ordonna-t-il.

Les sept membres du conseil des Aigles Sages s'en allèrent aussitôt, heureux de voir leur chef donner un ordre. C'était signe qu'il reprenait son rôle !

La porte claqua et Noal se retrouva seul face au dirigeant des divinités.

-Je ne suis pas là par choix, commença-t-il.
-Je m'en doute. Tu ne serais jamais revenu sinon. C'est d'ailleurs bien dommage.
-Dommage ? Vraiment ?
-Oui. Tu le sais parfaitement. Tu me manques Noal. Mon meilleur ami me manque.

Noal se raidit. Il cracha aux pattes de L'Aigle.

-Je ne suis pas ton ami. Je ne suis que ton pantin et tu le sais très bien.

Kackling lui jeta un regard noir.

-Tu n'es le patin de personne. Tu n'acceptes aucune règle, ne suis aucune de nos traditions. Mais tu n'es pas venu pour te disputer avec moi. Nous devons mettre nos légers différents de côté et s'allier pour triompher. Comme nous l'avons toujours fait.

Le sauveur hocha la tête, refoulant sa colère.

-Ils sont là.
-Tu penses que je ne suis pas déjà au courant ? ricana le dieu.
-On ne sait pas, depuis que tu as abandonné ton peuple on ne sait plus.
On ne peut pas savoir si cette fois-ci tu seras un lâche ou pas.

Noal fut propulsé contre un pan de roche, à l'autre bout de la salle. Il s'écrasa contre ce dernier puis glissa jusqu'au sol. Il peina à se relever, assommé par la violence du sort.

-Je t'interdis de me traiter de lâche, tonna Kackling.

Le sauveur ne put s'empêcher de frémir face à la rage du second. Il tituba jusqu'au centre de la salle pour rejoindre le dieu.

-Excuse moi, marmonna-t-il.

L'air victorieux, L'Aigle Sage inclina la tête. Il n'avait pas l'habitude de voir son ancien ami s'excuser, il n'admettait jamais ses erreurs, sa fierté l'en empêchait souvent. "Il doit être vraiment préoccupé" , constata la divinité à présent inquiète.

-Ils sont là et le nouveau sauveur ne l'est pas pourtant, continua Noal. Pourquoi ?

L'Aigle baissa la tête, l'air embêté. Il fixa obstinément le sol, refusant d'affronter le regard de Noal. Ce dernier garda le silence, tentant en vain de déchiffrer les émotions du dieu. Il comprenait bien qu'il s'était passé quel chose de grave, il ne connaissait que trop bien Kackling. Il savait à quel point son ami était fier -et pour cause il était une divinité- et il ne l'avait jamais vu baisser les yeux comme un enfant réprimandé ainsi.

Okitio [En Pause] Où les histoires vivent. Découvrez maintenant