CHAPITRE XIV

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-Sam-


Je ne sais pas combien de temps j'ai couru dans les bois avant de me décider enfin à retourner dans la clairière, tout ce que je sais c'est que j'ai erré longtemps avant de rependre mes esprits et il me faut un moment pour retrouver mon chemin en suivant la piste que j'ai laissée. Lorsque je sors du couvert des bois, tout un scénario a été mis en place pour couvrir le meurtre : Corentin a été adossé à un arbre sur lequel du sang a été passé, de la plaie provoquée par le shuriken dépasse une branche brisée à sa base. Je lève les yeux en me demandant quelle excuse ils ont trouvé pour expliqué qu'il ait grimpé dans l'arbre et remarque dans les rameaux la casquette que Corentin portait. Tout a été disposé pour faire croire à un accident.

Je m'approche alors sur la pointe de mes coussinets de Julian qui est accroupi dans l'herbe, le regard dans le vide et ses bras l'entourant en un semblant de protection avant de m'asseoir à coté de lui. Il ne bronche pas et se contente de se balancer d'avant en arrière sur ses talons.

_ Je n'avais jamais fait de mal à un innocent, dit-il alors.

Ne sachant pas quoi faire, je pose ma tête sur sa cuisse en cherchant à le réconforter tout en me disant que les gestes valent parfois mieux que les mots. Lucas se dirige alors vers nous et je perçois du coin de l'œil qui tâtonne sa poche de jean. Je sens sa nervosité liée à ce qu'il vient de se passer, même si je pense qu'il ne se sent pas encore très à l'aise en ma présence. Or je sens que j'ai pleinement le contrôle sur mon esprit lupin. J'avise alors les vêtements qui se trouvent là où je les ai quittés et me lève pour les prendre dans ma gueule et me métamorphoser dans le sous-bois et ainsi rendre la situation un peu plus confortable pour tout le monde. Quand je reviens, je ne sens plus qu'une rage sourde dans le creux de mon ventre comme un rappel de ce que nous venons de vivre. Je retourne m'asseoir à coté du chasseur qui a été rejoint par sa sœur, Lucas et Annabel.

_ On va le laisser comme ça ? Je demande en faisant un mouvement de tête vers le cadavre de Corentin.

_ On est bien obligé, répond Marley. Nous ne pouvons pas dénoncer Matthew sans nous compromettre.

_ Il ne méritait pas ça... Soupire Lucas.

_ Non, c'est bien pour ça qu'on retrouvera Matthew et qu'on l'empêchera de nuire à nouveau ! Lance une voix derrière nous.


-Nathan-


Je fais face aux autres qui me dévisagent ouvertement. Je sais ce qu'ils se demandent tous, même s'ils n'ont pas le courage de me poser la question. Enfin, après un moment qui me semble interminable, Marley lève son regard gris redevenu dur ainsi qu'un menton arrogant.

_ Comment se fait-il que vous connaissiez ce psychopathe ?! Interroge-t-elle.

Je décide de ne pas y aller par quatre chemins car sur le trajet du retour, j'ai eu le temps de parler avec Albérie qui a été d'accord avec moi : cela ne servirait à rien de les ménager en voilant une part de la vérité, seulement les monter contre nous.

_ Matthew était mon meilleur ami.

Lucas ouvre une bouche de plusieurs mètres de long tandis que Marley renifle avec dédain et que Samuel sert les poings. Annabel qui se trouve à coté d'Albérie et n'avait encore rien dit ou fait se manifeste alors.

_ Comment « ça » a pu éprouver de l'amitié ? Demande-t-elle d'une petite voix. J'ai vu son aura tout à l'heure et elle était agitée et ne reflétait que l'horreur et le chaos.

Délaissant la position debout, je referme le cercle qu'ils forment en m'asseyant à leur niveau.

_ Il n'a pas toujours été comme ça, dis-je.

Je les dévisage pour leur faire comprendre de ne pas m'interrompre car je n'ai pas l'intention de redire mon histoire une deuxième fois puis je prends une inspiration.

_ Matthew et moi on s'est rencontré au collège à une période où l'on se sentait seuls tous les deux. Moi parce que mes parents évitaient tout contact avec les humains et lui parce qu'il était malade, je prends une pause. On a eu des liens très forts très rapidement parce que la solitude ça rapproche, jusqu'à devenir inséparables. Seulement, sa maladie a pris le dessus sur sa santé très vite et je l'ai vu s'enfoncer sans rien pouvoir y faire.

Je prends un brin d'herbe et commence à jouer avec car je n'ai pas envie de croiser leur regard.

_ Je suis un alpha de naissance, depuis tout petit, si je mords sous ma forme lupine je peux transformer quelqu'un en loup. C'est ce que j'ai fait à Matthew pour le sauver alors que mes parents m'avaient formellement interdit de mordre qui que ce soit sans son consentement. Matthew n'était pas au courant pour nous. Il s'est transformé sans savoir qui j'étais réellement et ce qu'il allait devenir, mais ça l'a sauvé.

J'arrache un nouveau morceau d'herbe et le découpe en petits bouts.

_ Je ne sais pas ce qu'il s'est passé dans sa tête mais dès qu'il a tout appris il est parti. Avec la meute de mes parents on a essayé de le retrouver mais il s'est volatilisé. Je ne l'avais pas revu depuis,jusqu'à aujourd'hui et apparemment, il est bien décidé à me faire payer ce que je lui ai fait.

Marley croise ses mains sur ses genoux.

_ Je tiens à te rappeler qu'il tue des gens, c'est pas seulement qu'il a une dent contre toi, il est carrément dérangé ton pote.

J'esquisse un pauvre sourire.

_ C'est pour ça je ne veux pas vous vous impliquiez, c'est trop dangereux.

_ Nathan, soupire Marley. Dois-je te rappeler que les chasseurs traquent les loups qui pètent les plombs ?

Je hoche la tête et Albérie entremêlent les doigts aux miens et me lance un regard significatif.

_ Mais comment tu le connais toi Albérie ? Demande alors Lucas qui a vu son geste.

La rousse se crispe et ses doigts serrent les miens tandis que son regard devient dur.

_ Je ne l'avais jamais vu mais j'ai reconnu son odeur et c'est le meurtrier de ma famille.

Ses prunelles bleues croisent les miennes.

_ Raison de plus pour que je t'aide, ajoute-t-elle avec hargne.

Julian qui était resté dans son mutisme trouve alors mon regard et le scelle au mien quelques secondes avant de replonger vers le sol. Je ne sais pas comment l'interpréter mais Samuel attire mon attention.

_ Il est hors de question de laisser ce fou furieux après ce qu'il a fait, intervient-il. On doit l'arrêter et tu vas avoir besoin de toute l'aide possible.

Tous hochent la tête en signe d'approbation mais je me tourne vers la traqueuse.

_ Annabel, je pense que tu devrais rentrer chez toi et oublier tout ça, dis-je.

La blondinette fronce les sourcils et relève fièrement son menton.

_ Tu plaisantes, après ce que j'ai vu tu crois que je vais pouvoir rester sans rien faire ? Vous m'avez appelée traqueuse et je compte bien utiliser mes talents pour vous aider.

Marley sourit alors sincèrement ce qui me surprend un peu.

_ Nous avons du travail alors au boulot ! Lance-t-elle.



SOUS LA PLEINE LUNEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant