La fatigue de ces derniers jours m'affaiblit énormément. J'ai un rythme effréné entre mes 6 heures d'entraînement par semaine et les championnats du week-end. Les autres membres de mon club de tennis me regardent souvent de travers, incompréhensifs quant au fait que je fasse toutes les compétitions. C'est juste évident : j'ai un meilleur niveau. Il est donc normal que Barry me désigne pour aller affronter les plus grands du pays.
"L'entraînement est fini !" me crie Barnabé à l'autre bout de la salle.
J'acquiesce doucement et me dirige vers les vestiaires pour me changer. Coup d'oeil à mon téléphone : 18h02. J'ai un appel manqué de ma mère et un message de Salsabile.
Je refais mes lacets tout en ouvrant ledit message, elle me demande si je vais bien depuis la dernière fois.
Je ne peux retenir un léger sourire. Salsabile me fait sourire, rire et pleurer en même temps. Ça me rend limite nerveux. Je ne sais plus comment me comporter en sa compagnie. Dès que je la vois je jubile intérieurement, dès qu'elle me propose de se voir je ne suis plus qu'un enfant capable de tout.
Je n'ai jamais eu un rythme aussi effréné de toute ma vie, mais elle me permet de tenir le coup. Elle me comprend sans que je ne parle, elle m'écoute avec son cœur.Avant, si vous m'aviez parlé d'amitié je vous aurais rit au nez, déclarant que ce n'était qu'un prétexte que les hommes s'étaient trouvés pour vivre en société. Depuis Salsa, toute ma vision des choses a été remise en question. Je me sens heureux. Je suis heureux. Heureux de pouvoir enfin confier mes craintes, heureux de passer des heures à s'appeler, heureux d'aller au cinéma avec quelqu'un.
Je suis heureux d'avoir une amie, n'est-ce pas pitoyable ?
Je réponds rapidement à son message, lui disant que ce n'est pas la peine de s'inquiéter. Je lui demande si elle va bien en retour.
Ayant fini de me changer, j'appelle de suite ma mère qui me crie au combiné qu'elle est devant le gymnase. Ma génitrice peut paraître très calme en extérieur, mais elle a vraiment du mal à contenir ses émotions. On peut lire en elle comme dans un livre ouvert. Si le stress s'accumule à son travail, elle aura la manie de toujours lever les sourcils. Si elle est énervée elle plisse les yeux, et quand il y a des problèmes avec mon père elle se met à crier pour rien.Me voilà en train de faire l'éventail de sentiments de ma mère : Salsabile déteint vraiment sur moi.
Je sors des vestiaires en vitesse et vais rejoindre Luce, ma mère, qui m'attends dans son 4×4.
En entrant dans le véhicule je constate que ses mains, de parts et d'autre le volant, se serrent."Tu en as mis du temps."
Sec. Froid. C'est toujours comme ça avec mes parents. Je ne leur parle jamais. Ils ne s'intéressent quasiment jamais à moi.
Je suis reconnaissant envers Dieu de ne pas rentrer en bus, les quelques trajets en voiture qui ponctuent mes semaines sont un des rares moments que je peux passer avec eux.La tension est omniprésente. La situation est toujours glaciale. Mais ça me fait plaisir.
Je dois probablement passer pour un idiot fini, mais je me complais mystérieusement dans cette situation. Peut être que j'ai tout naturellement baigné dans cette ambiance depuis ma tendre enfance, et que ça en devient naturel pour moi ? Quand j'ai le souvenir des parents de Salsabile, ils avaient l'air tellement plus affectifs. Tellement plus attentifs. Ils avaient l'air d'être des parents aimants, pas de ceux qui ont un enfant et qui se contentent de l'élever sans lui accorder d'attention. Mais je ne peux pas juger : l'apparence d'un couple est souvent trompeuse, et mes géniteurs en sont le parfait exemple. On pourrait croire qu'ils sont le duo parfait, sans embrouille, sans emmerde. Mais depuis que les affaires d'argent ont éclatés, tout est parti en vrille. Ils n'ont jamais voulu divorcer, car pour eux je devais vivre dans un environnement stable. Je ne suis plus qu'une chaîne qu'il les relie, et le jour où je partirai tout lien qui les unis sera détruit. Ça fait mal d'en avoir conscience, et ce depuis tout petit.
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fleur rouge ✔
Short Story"On se complaît un peu trop souvent dans une situation qui ne mérite aucune action de notre part. Je suis passif, mais je le vis bien." qu'il disait. C'était sans compter le bouquet qui a fait déborder son vase. [ HISTOIRE ARCHIVEE ✔ ]