3 | c'était à l'hôpital

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Je trottine. Je cours. Je saute.
Je me retourne vers le score.

"Putain..."

Mes pensées ne sont plus cohérentes. Barry me regarde. Je le vois croiser les doigts d'ici.
Bordel qu'est-ce que je fous ?
Je ne veux pas perdre. Je ne PEUX pas perdre. Depuis quand Calum perd hein ?

"Balle de match !"

On est ex-æquo. Je me concentre. La balle s'élève, pas plus somptueuse que ça. Mon service est raté.
Quel cadeau suis-je en train de faire à mon adversaire ?

Heureusement pour moi, elle se pose à ras du filet dans le camp opposé. Mon concurrent enchaîne sur un smash que je réussis à brillamment arrêter. La balle file alors, les yeux des spectateurs la suivant dans ses moindres mouvements.
Il est fort celui-là.

Mon adversaire lève sa raquette. En une trajectoire bêtement pure, rapide, il fend les airs et le ciel ramassé sur lui-même. Notre échange est interminable, la tension insoutenable, le stress palpable.
Il est très fort.

Je veux répliquer mais, sans savoir pourquoi, je dérape au sol.
Il est trop fort.

Surprise générale. Je vois la balle tomber comme mon espoir de remporter le championnat de printemps.
Je ne me relève même pas.

J'ai perdu.

"Calum Harch, vous allez bien ?"

L'arbitre se penche au dessus de moi.
Et puis tout s'est fait flou.

()()()


La première chose que j'ai vu en ouvrant les yeux, ce fut une paroi lisse d'un blanc immaculé.
Ensuite, j'ai entendu des voix parler. J'ai refermé les yeux et ai fait semblant d'être encore endormi.
Et depuis tout à l'heure je suis là, écoutant un médecin parler.

"Ses parents ne sont pas là ? interroge ce qui me semble être un docteur.
- Hum...non, ils arrivent bientôt le temps de quitter leur travail. Je m'appelle Barnabé Johannesburg, je suis son entraîneur.
- D'accord... Calum a sûrement fait une overdose de stress. Vous en connaissez l'origine ?
- Hum...Peut être est-ce le fait qu'il se lance constamment des défis plus grands que ce dont il est capable ? Je sais qu'il faisait souvent des crises quand il était petit.
- Je note...est-ce qu'il consomme des substances particulières, des médicaments par exemple ?
- Non.
- Il faut que Calum pense à prendre un peu de repos. Vous pouvez prévenir ses parents qu'il pourra quitter l'hôpital d'ici ce soir si tout va bien. Je vous laisse, passez une bonne journée !
- Au revoir."

Une porte se claque.

"Hé Calum, il est parti ! Arrête de faire semblant de dormir."

Légèrement stressé que Barnabé se soit rendu compte que je ne dormais pas, je reste toujours les yeux fermés.

"Pfff t'es pas croyable toi..."

Soudain je sens deux grandes mains épaisses me prendre par les côtes.

"Barry arrête ! je me mets à rire. Tu...non pas en dessous des bras !"

Je suis hyper sensible lorsque l'on me chatouille, je n'en peux plus et me met à rire aux éclats.

Il me lance un sourire espiègle avant de me chuchoter :
"Tu ne m'auras pas la prochaine fois !
- Ouais c'est bon je ne dormais pas ! Allez lâche moi..!"

Il se relève alors aussitôt.

"Ah merde il faut que je te laisse, souffle-t-il en regardant sa montre. Tes parents arrivent bientôt, et tu sors ce soir si tout va bien.
- Ok, tu vas chercher Jilian ?
- Oui !
- Tu lui passeras le bonjour, lui dis-je avec un sourire.
- Normalement sa mère la laissera tout le week end ici donc tu auras le temps de la voir.
- Cool.
- Bon allez p'tit monstre, surtout repose toi bien !"

Et il s'en va, me laissant seul dans la chambre d'hôpital. Je ne sais pas combien de temps est passé après, mais cela m'a paru interminable.
Je n'avais ni Wi-Fi, ni télé, et la fenêtre donnait sur un parking. La joie ultime.

Je me mets à compter les trous dans le mur, le summum même de la représentation de l'ennui. Je m'attarde alors sur la porte, espérant en mon fort intérieur que mes parents arrivent vite.
Cette chambre me rend malade. Toute cette blancheur, ce calme omniprésent, ça me stresse. J'ai vraiment hâte de me barrer d'ici.

Je commence alors à avoir soif, je me dirige vers le fond de la chambre à la recherche d'eau, mais il n'y en a pas.
Je lance un regard à la porte puis à ma blouse blanche. Je m'en contrecarre, tous les patients d'ici en sont vêtus.

J'ouvre la porte et entame la recherche d'une fontaine à eau - il y en a toujours une dans un hôpital, je ne suis pas fou ?

J'ai dû tourner dans tout l'étage avant de tomber sur ce qui semble être un coin attente, juste à côté du secrétariat et des toilettes. J'y ai enfin trouvé mon bonheur : de l'eau gratuite à disposition.

Je m'empare d'un gobelet lorsqu'une voix me sort de mon bonheur :
"Salut mec.
- Euh...bonjour."

J'appuie sur le bouton, prêt à partir. Sauf que son visage me dit quelque chose.

"Je voulais m'excuser pour ce qui s'est passé hier avec Sasha."

Je me retourne. C'est le châtain d'hier que j'ai croisé en remontant la rue. Il a ce même sourire collé à la tronche, un mélange d'air supérieur et de condescendance. Il me fout la gerbe, ses excuses semblent tout sauf sincères.

"Pas la peine de t'excuser pour les autres ça ira.
- Je me présente, moi c'est Noah." entame-t-il en se servant aussi de l'eau.

Pitié, j'ai tout sauf envie de socialiser en buvant de l'eau. Déjà que je nécessite un effort surhumain pour parler à Salsabile, je ne suis pas du genre à taper la discute avec des inconnus à l'hôpital.

Le sourire de Noah s'agrandit face à mon silence. Il boit son verre d'eau en deux secondes, le jette à la poubelle avant de me lâcher un bref "A la prochaine Calum". Je n'ai pas eu le temps de lui répondre quoi que ce soit qu'il s'est volatilisé, me laissant là, mon eau et moi.

fleur rouge ✔Où les histoires vivent. Découvrez maintenant