Mon crayon épouse maladroitement ma feuille de papier, il faut que je finisse mes maths avant ce soir.
Je bataille avec mes exercices alors que mon attention se perd petit à petit, et je me rends compte après que mon regard ait croisé l'horloge que cela fait une heure trente-deux que je suis à la bibliothèque avec Jilian.Ladite Jilian, une boule de joie ambulante d'un mètre trente, est d'ailleurs présente en face de moi et lit un roman. Ses yeux bleus sont rivés sur son bouquin et un sourire niais s'est emparé de son visage.
La voir ainsi me conforte dans l'idée que je l'adore. Et que j'adore les enfants en général.Je l'emmène ici tous les jeudi, au plus grand bonheur de son père. En effet, je suis son babysitter depuis maintenant un an, alors Barnabé a une confiance aveugle en moi.
Sa confiance a d'autant plus augmenté quant au fait qu'il soit mon entraîneur de tennis depuis l'an passé, et que, sans outrageusement me vanter, je suis le meilleur joueur du club. Quand les adultes se persuadent de ne pas faire de différence, cela est faux : je le vis tous les jours. Avoir un traitement de faveur je veux dire. Cela m'a d'ailleurs valu des étiquettes grossières du style "le fayot" ou "le toutou", totalement puéril.Je reste assis ici à griffonner des équations jusqu'à ce qu'il soit dix-huit heures, et me lève pour m'en aller.
"Tu viens Jil ? Il est l'heure de rentrer."
Comme chaque semaine, Barnabé, le père de Jilian, vient récupérer sa fille devant la bibliothèque.
"Wow, merci Calum ! m'assène-t-il. Grâce à toi le niveau en français de ma petite chipie a évolué de manière phénoménale, et puis il faut dire qu'elle t'adore ! Tu seras présent aux entraînements de demain ?
- Ce n'est rien. Et oui, je serai là."Il me sourit une dernière fois avant d'empoigner sa fille et de s'engouffrer dans un 4x4 gris.
Je soupire : mon entraîneur me désespère.
Je sais que je ne suis pour Barry - Barnabé préfère qu'on l'appelle ainsi - qu'un moyen de gagner les championnats. Habituellement, j'aurais quitté le club ; car se sentir proche de quelqu'un alors que ce dernier ne cherche qu'à tirer profit de votre talent pour servir sa propre gloire (et celle du club accessoirement), c'est putain de désagréable. Pourtant, quelque chose chez ce type m'intrigue. Pour tout vous dire, j'ai un peu un talent inné. Dès que je commence quelque chose je le réussis. Meilleur élève, meilleur sportif, meilleur musicien...
Mes parents disent que je suis béni de Dieu. Les gens disent que je suis souillé par Satan. Et Barry dit simplement que j'ai une vitesse d'adaptation hors-norme.Il est pourtant clair que je suis un génie ! Pourtant il refuse de me considérer comme tel, alors je compte bien lui montrer que la valeur de mon talent est au-dessus de ses espérances.
Je laisse mes pensées de côté et m'avance vers l'arrêt de bus pour rentrer chez moi. Sauf qu'en fouillant mon sac je ne trouve pas ma carte de bus. Je l'aurais oublié ? Impossible. Je trifouille encore un peu avant de me rendre compte qu'il me manque mon portefeuille avec tout mon argent, ma carte d'identité et mon pass Navigo.
Merde. Un pickpocket ? Je fronce les sourcils avant de faire demi-tour direction la bibliothèque. Avec un peu de chance je l'ai laissé là-bas.J'arrive dans la cage aux livres et fais un balayage des lieux. Je passe entre toutes les tables à la recherche de mon bien.
"Merde, merde, merde..!"
Le stress embue mes mains pendant que ma lèvre inférieure se loge sous mes dents.
"C'est ça que tu cherches ?"
Une voix cristalline s'élève à quelques mètres de moi, me faisant lever la tête.
C'est une fille d'à peu près mon âge, cheveux hirsutes se chamaillant au dessus de sa tête et des boutons placardant ses joues basanées.
Elle n'est pas belle à voir celle-là.Je regarde alors sa main qui se lève avec, entre ses doigts...
"Mon portefeuille !"
Je m'avance vers la métisse.
"Oh merci de l'avoir trouvé, je le cherchais partout."
Nous échangeons quelques formules de politesse avant de nous quitter. Quelle chance, j'ai failli perdre ma paye et mes papiers !
Je sors de la bibliothèque et cherche mon pass Navigo...sans le trouver. C'est une blague ? Il ne manque pourtant rien dans mon portefeuille : je l'ai vraiment oublié chez moi.
Je soupire avec un air irrité, ça me fait chier de marcher jusqu'à l'autre bout de la ville. Alors que j'allais fermer mon portefeuille, un bout de papier y tombe, et je le ramasse. C'est un numéro de téléphone. C'est bizarre, personne ne m'a donné son numéro aujourd'hui, qu'est-ce que ça fout là ?
Je le répète : personne ne m'a donné son numéro aujourd'hui. Alors pourquoi il a fallu que j'envoie un message aux dix petits chiffres griffonnés sur ce vieux bout de papier ?
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fleur rouge ✔
Historia Corta"On se complaît un peu trop souvent dans une situation qui ne mérite aucune action de notre part. Je suis passif, mais je le vis bien." qu'il disait. C'était sans compter le bouquet qui a fait déborder son vase. [ HISTOIRE ARCHIVEE ✔ ]