11 | c'était "comme d'habitude"

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Je touche les bleus qui recouvrent mon avant-bras, comme d'habitude. Des bribes de la soirée d'hier me reviennent en tête, et je ne peux réfréner l'envie de tirer sur mon sweatshirt pour couvrir ma peau. Comme ci un bout de tissu pouvait me protéger.

Je me mords la lèvre inférieure et plonge tête la première dans mon bouquin, ça fait tellement longtemps que je ne suis pas venu à la bibliothèque.
L'odeur de bois séché, les ouvrages aux pages jaunies et le sourire maladroit de la bibliothécaire me manquaient terriblement. J'essaye de me persuader à l'intérieur de moi-même que ce sont les seules choses pour lesquelles je suis passé à la bibliothèque aujourd'hui. Je ne peux malheureusement m'empêcher de jeter un coup d'oeil au rayon Psychologie entre chaque paragraphe de mon thriller.

La porte grince, marquant l'entrée de quelqu'un dans le lieu.

Je tourne immédiatement la tête. Une septuagénaire, recroquevillée sur sa canne et aux allures frivoles.

A qui je m'attendais bordel ? Une métisse, un sourire joueur peigné sur le visage, affichant fièrement sa nouvelle paire de lunettes sur son nez et ses sourcils sursautant autant que son humeur ?

Je ferme alors mon bouquin et me lève. Ce n'est pas en attendant que les choses vont se faire. Si je dois parler à Salsa, autant le faire.

()()()

C'est une dizaine de minutes de trotte plus tard que j'arrive devant le jardin luxuriant de sa maison. Les plantes sont fraîchement arrosées, comme toujours. Youssef est tellement délicat, même avec ses fleurs. Je m'avance sur le petit chemin de pierres jusqu'au perron et sonne.

J'appréhende assez ma venue. Salsa et moi, ça fait une semaine que nous nous ne sommes ni vus, ni parlés.

Le père de ma métissée préférée m'ouvre. Il paraît au début déboussolé, des cernes entourant ses yeux rieurs, mais il reprend vite de l'entrain en me voyant. Un sourire charmant occupe ses lèvres garnies :
"Calum ! Cela fait si longtemps !"

Il a un léger accent en prononçant mon prénom, ce qui me fait instantanément sourire moi aussi. Il est d'un rassurant, et je ne peux empêcher mon coeur d'être réconforté face à un naturel aussi sincère, c'est tellement rare bordel.

Comme avec Salsa, me susurre une petite voix intérieure.

Youssef me fait entrer dans son salon si atypique. Un vert pomme orne les murs, de vieilles horloges qui datent de l'an 1800 y sont accrochées, et les meubles semblent facilement venir d'un autre siècle ce qui contraste fortement avec la cuisine ultra design qui se trouve dans la pièce d'à côté. Bon, une chose est sûre : Youssef n'a pas le sens de la déco.

"Salsa arrive dans quelques minutes, j'ai envoyé cette morveuse acheter du fromage à l'épicerie. D'ailleurs il est grand tant que tu goûtes mes lasagnes petit chenapan !"

Ses surnoms affectifs me font rire. Il a toujours su instaurer une ambiance paisible et me mettre à l'aise, je pense que les blagues c'est de famille ici.

Cette aisance disparaît aussitôt la porte d'entrée claquée.

"Papa tu m'énerves ! Payer avec des pièces de cinq centimes me fait passer pour une grosse chieuse, la caissière est prête à me tuer dès qu'elle me v..."

Et ce qui devait arriver arriva : Salsabile me vit dans le salon.

"Qu...qu'est-ce que tu fous ici ? me demande-t-elle sans préambule.
- Pourquoi tu t'énerves mon poussin ? dit le papa-poule en fronçant ses sourcils. Calum est venu nous rendre visite comme d'habitude."

fleur rouge ✔Où les histoires vivent. Découvrez maintenant