Duperie augmentée

seize.

Se noyer dans le travail était tout ce que j'avais réussis à faire durant ces six derniers mois. J'avais pondu un nouvel album, malheureusement inspiré en majeure partie par cette bonne femme. Elle devait être bien contente à cette heure-ci d'être le centre de mon art, elle qui se plaignait de n'être la muse de personne.

J'ai cessé de penser à elle dès lorsque l'album fut fini, je n'espionnais plus aucun de ses faits et gestes, je l'avais même bloquée sur Instagram, j'avais retrouvé l'ancien Moi, à courir après le cul d'autres gonzesses, parcourant le tour de la planète, traînant avec les vieux frères... Je profitais de la vie, en clair. Seulement, après six mois de dur labeur et de fête mélangés, je me devais de retourner sur Paname pour les affaires du label, ma sœur étant en vacances, je devais tenir la boutique tout seul. Puis, il y avait le début des interviews sur le fameux film... Le moment tant redouté où je devais revoir cette conne. 

Un matin frais pour ce début d'hiver, je me rendais sur le lieu de rendez-vous pour cette satanée interview. Ma veste en cuir sur le dos, ma casquette sur la tête et les mains dans les poches, je rentrais dans le café où Léna était déjà, l'équipe du magazine s'installait à peine. Elle était assise à une table, touillant son chocolat au lait, rayonnante. En même temps, quand on tourne avec Dolan, on a intérêt à garder la pêche, du moins j'imaginais.

- Ken ! Comment ça fait longtemps, mec, comment tu vas ? m'interpelle Matthieu, apparemment toujours vivant, très enjoué.

- Très bien et toi Matt ? je rétorques par politesse en m'avançant à petits pas vers la table où mon ancienne co-star est assise.

- Ça roule, tranquillement, il me donne une tape dans le dos et prend congé.

Quant à moi, je me résigne à enfin m'asseoir en face de la blondinette, en pleine discussion avec une maquilleuse. Elle était souriante, elle racontait comment ç'avait été dur de se lever ce matin, elle qui était habituée au train de vacances qu'elle avait pu adopter à la fin du tournage de Dolan. Dolan, Dolan, Dolan, elle n'avait que lui à la bouche. Je n'avais en rien à lui envier, je n'enviais personne d'ailleurs après tout. Surtout pas un mec qui avait eu à la côtoyer sept jours sur sept pendant des mois, certainement pas... J'en avais déjà fait les frais.

- Tu vas bien ? j'entends de sa part, la maquilleuse étant partie, une autre vient pour moi.

- Hm, et toi ? je réponds brièvement en me tournant vers la maquilleuse pour qu'elle me donne bonne mine.

- Ça va... sa voix est douce, fluette, je ne m'en souvenais plus.

Les quelques mots que l'on s'est échangés suffisaient déjà à me mettre dans un état pas possible. J'étais pourtant passé à autre chose, non ? Sa voix me rappelait ce moment où tous les deux nous nous sommes liés pour ensuite se quitter. Sa voix me rappelait cet instant où nous nous sommes dit au revoir. Sa voix me rappelait que... je l'aimais.

- Alors, bienvenue à vous deux, Léna et Ken pour cette interview avec nous, déclare la journaliste en s'installant en face de nous, vous pouvez vous mettre l'un à côté de l'autre ? Pour le cadre, elle ajoute, suite à cela, on s'exécute, je suis ravie de pouvoir vous interviewer, avez-vous hâte de voir le film ?

- Un petit peu, oui, ce sera une première pour moi de me voir à l'écran en tant que personnage principal, du coup, ce sera un peu bizarre mais agréable, du moins j'imagine, commence à répondre Léna, complètement à l'aise.

- Hmhm et toi Ken ? C'est le deuxième film dans lequel tu apparais en tant que personnage principal au moins, n'est-ce pas ?

- Oui, en effet, mais bon, disons que j'aime pas trop me voir à l'écran, je trouves ça un peu gênant mais j'serais ravi de voir cette jeune femme ici présente qui envoie du lourd, j'illustre mon propos en montrant Léna, celle-ci un peu surprise d'ailleurs.