Le jeune homme s'avança vers moi. Il était visiblement bien plus âgé, me dépassait de trois tête et d'une bonne largeur d'épaules. Ses mains immenses serraient son bâton, si fort qu'on aurait dit qu'il voulait le briser. Elles étaient recouvertes de bandes vertes. Je fis tourner ma propre arme entre mes doigts, attendant qu'il lance l'assaut.
Soudain, il poussa un cri de bête sauvage et bondit sur moi, abattant le morceau de bois sur mon visage. J'esquivai au dernier moment, et lui assénai un coup sur la nuque qui le fit tituber. Il revint aussitôt à l'attaque, visant cette fois mon plexus. Visiblement, il voulait en terminer rapidement.
C'est fou, l'énergie que mettaient les gens pour me tuer.
De nouveau, j'attendis l'ultime instant pour faire un élégant saut sur le côté, frappant son poignet. Il gronda comme un animal blessé, lâchant son bâton. Il ne fit pas un geste pour le reprendre, jugeant qu'il avait plus de chance de me vaincre à mains nues.
J'aurais pu lui donner un coup à la gorge, qui l'aurait certainement mis au tapis. Mais se battre contre un ennemi désarmé, ce n'est franchement pas divertissant.
Il fronça les sourcils en me voyant jeter mon arme. Mais ses doutes ne l'empêchèrent pas de se précipiter sur moi. Je le vis sourire. Il était certain de sa victoire.
Ne le jugez pas. Il n'était pas d'ici. Il ne pouvait pas savoir.
Je déviai son direct comme j'aurais dévié celui d'un enfant. Et j'aperçus enfin, dans ses yeux, une lueur de désarroi.
Je profitai d'une ouverture dans sa garde pour lui donner un violent coup de poing dans le diaphragme, puis lui fracasser le nez. Aveuglé par la douleur, il tenta de me saisir. Je lui échappai en pivotant, avant de bondir dans son angle mort. Il voulut se retourner. Trop tard. Déséquilibré par un coup de pied à l'arrière du crâne et un autre au creux du genoux, il s'effondra. Ses yeux effrayés se tournèrent vers moi, juste à temps pour apercevoir le talon qui, l'instant d'après, l'assomma en percutant sa tempe.
La scène n'avait pas duré plus de quelques secondes.
Je jetai un regard mi-dépité, mi-écœuré à mon adversaire inconscient, avant de ramasser mon bâton.
Encore un incapable. Clairement un Inapte. Mais comme il était d'un grade inférieur au mien, je n'avais pas le droit de l'achever. Tant pis. Un guerrier de son niveau s'en chargerait.
-Hunter... Tu étais obligé de l'abîmer ? J'avais parié que tu le battrais sans le faire saigner !
Kerrick, un homme de trente ans, aux cheveux blonds en brosse et aux yeux d'un bleu déroutant, me rejoignit dans l'Arène. Il avait accédé au rang de Maître la même année que moi, et nos treize ans d'écart ne semblaient pas le gêner plus que ça. C'était un bon combattant, mais il préférait gagner de l'argent en pariant. Pourtant, personne n'aurait osé lui chercher des noises. A part moi, peut-être.
-Je sais, Kerrick. C'est pour ça que je l'ai blessé.
Il fit la moue, vexé. Il savait très bien que j'adorais lui faire perdre des paris, raison pour laquelle il se contentait généralement de miser sur ma victoire -j'avais horreur de perdre, et je ne comptais pas perdre la vie pour le simple plaisir de le voir s'endetter : j'ai un certain sens des priorités. Quand il faisait des paris plus osés, qui rapportaient beaucoup plus, il le faisait en cachette. Mais ce n'était pas mon genre de laisser les choses au hasard.
Pendant qu'il commençait à me réciter l'inévitable "Pourquoi tu me fais toujours ça ? L'argent ne court pas les rues, tu sais ? Et moi, j'ai besoin d'argent !" -et j'omets les parties les plus ennuyeuses-, je laissai mon regard dériver dans l'Arène. C'était une des rares parties de l'ancienne ville à ne pas être totalement en ruine. Avec ses gradins et ses colonnes majestueuses, elle semblait si ancienne que je n'osais même pas imaginer son âge. Sur le sable se battaient des dizaines de guerriers, qui jetaient de temps en temps des coups d'œil inquiets aux clepsydres à côtés d'eux.
Mon pays, Rauthrsandr, était entièrement dévoué à la guerre. Dès qu'un enfant était capable de courir, on lui collait une arme entre les mains et le faisait combattre ses camarades. On entrait dans le circuit des grades après avoir tué pour la première fois. On recevait alors la Zielka, cicatrice rituelle, puis les différents niveaux de compétences étaient marqués par des bandes de couleurs à enrouler autour des mains. Il était interdit de tuer un guerrier de grade inférieur. Quand on se battait contre un égal ou une personne de grade supérieur, une clepsydre décidait de la vie ou de la mort : à moins, comme je le disais, d'être d'un niveau inférieur, perdre un combat avant la fin de son écoulement valait d'être déclaré Inapte. Et Rauthrsandr ne pouvait se permettre de conserver les Inaptes.
Pour ma part, en tant que Maître, j'étais quasiment au sommet de la hiérarchie. Les bandes blanches autour de mes mains indiquaient que je maîtrisais à la perfection le maniements de toutes les armes et le combat à main nues -enfin, dans mon cas, elles restaient rarement blanches très longtemps, mais c'est sans importance. J'avais obtenu ce grade à treize ans, plus de dix ans avant la moyenne. Cela m'avait valu le surnom de Sheitan, en référence à ces créatures légendaires qui, selon les contes, mettent en échecs les plus grands combattants et les précipite dans le malheur.
-Tu es vraiment la pire plaie de Rauthrsandr ! clôt Kerrick -comme à son habitude.
Je balayai sa remarque d'un sourire, et il leva les yeux au ciel. Parfois, je me demandais s'il ne m'en voulait pas. Mais je doute qu'il eut souhaité être déclaré Inapte face à un gamin de dix-sept ans.
Même si ce gamin était craint par tout un village.
********
Salut tout le monde !
J'espère que ce premier chapitre de Hunter's Shade vous a plu.
Surtout, si vous avez une question, qu'un détail vous chagrine, ou que vous avez simplement envie de laisser un commentaire, n'hésitez pas ! Je ferais de mon mieux pour en tenir compte.
![](https://img.wattpad.com/cover/117639245-288-k156451.jpg)
VOUS LISEZ
Hunter's shade
FantasyAnnées 4000. Il y a mille ans, après avoir tué son créateur et détruit toutes les technologies, l'androïde Ouranos a réduit à néant la civilisation humaine. Sans l'intervention de la mystérieuse Gaïa, les hommes auraient été rayés de la surface de l...