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Il s'avance avec désinvolture vers la table où nous le regardons tous abasourdis, enfin c'est plutôt moi qui est dans cette situation là maintenant. Comment je ne me suis pas rendue compte de l'étrangeté des messages. Bien sûr! C'est pour ça qu'ils étaient tellement coïncidents. Ce n'est pas trop tôt, je croyais que tu n'allais jamais comprendre. Je suis trop occupée pour prêter attention à mes pensées, je jette un coup d'œil à maman, qui est toute aussi choquée que moi. Je suis soulagée de ne pas être la seule à l'être. Mais bien sûr, si je me fie à la chance que j'ai, des 1033 employés de la tour —d'après la brochure de maman— il fallait que je tombe sur la mère de mon éventuel petit copain. Hé ho, calme-toi, dis aussi que vous allez vous marier et que vous allez avoir deux enfants tant que tu y es!

Il sourit sournoisement en me regardant, sûrement face à la situation dans laquelle nous nous trouvons ou il se moque encore de moi. Je lui lance un regard 'quoi j'ai l'air d'être drôle?' avant de diriger mon regard vers mon père qui est un peu soupçonneux vis-à-vis de la circonstance. Je suis sûre qu'il se demande si ce n'est pas le même Bradley qu'il a traité de 'mauvaise influence' il y a quelques semaines maintenant. C'est drôle, mes journées ne sont pas de tout repos depuis que Brad est entré dans ma vie.

Je n'arrive ni à dire quelque chose ni à bouger, et ça c'est évidemment l'effet de surprise. Moi qui me demandais comment appeler Ingrid, puisque ce n'était pas très poli de l'appeler par son prénom, j'ai la réponse. Je suis officiellement chez les Denver.

—Bonsoir Mme Wright, quelle surprise! Fait-il en s'asseyant.

Ma mère qui est incapable de parler —la pauvre— répond avec un hochement de tête. Je me rappelle que moi aussi j'en suis incapable, et que si j'aurais essayé, je n'aurais pas pu articuler quelque chose de plus intelligent qu'un enfant de deux ans aurait dit. Ah! Saleté d'effet de choc!

Ingrid lance un regard interrogateur à son fils, qui est désormais bien assis sur la chaise puis à ma mère:

—Vous vous connaissez? S'enquiert-elle de poser;

—Euh... Oui en quelques sortes. Kristen et moi nous sommes dans la même classe.

Elle prend une mine surprise qui à mon goût ne lui va pas bien du tout.

—Ah bon, c'est vrai Kristen?

—Mmh...mhmm...Hmm...hum....

J'ajoute un hochement de tête à ma réponse complètement insensée, pour répliquer à sa question. Je vais arrêter de me taper la honte auprès de ma belle famille oui? Ouais, c'est ça rêve toujours Kristen, tu n'es bonne qu'à ça! Si je voulais que Bradley se moque de moi, eh bien c'est gagné! Il éclate de rire suivi de près par Jason. Ingrid me sauve en fusillant du regard ses deux fils, ce qui leur fait immédiatement se taire.

Après avoir parlé du sujet 'moi et Bradley', Ingrid dévie enfin le centre de l'attention sur les sorties en familles, et je n'ai jamais été aussi soulagée de changer de sujet de ma vie. Enfin nous nous attaquons à ce grand festin qui n'attendait que moi depuis les deux dernières heures. Manger, le seul mot qui me vient à l'esprit en ce moment devient ma devise. D'ailleurs, je devrais inventer une citation sur le fait de manger, à moins qu'il n'en existe déjà. Tu te crois être inventeur de la cuillère ou quoi Kristen? Reviens sur terre! J'ignore mes pensées. Tiens j'en ai une: "Manger, c'est bon pour la santé" non, on dirait une campagne de publicité qu'on voit à la télé pour des yaourts bio. Ah! J'en ai une autre meilleure: "Manger, c'est le verbe de la vie". Ne te prends pas pour Einstein, tu es loin de l'être. Quelles rabat-joies ces pensées! Je me concentre sur ma nourriture et fait en sorte de ne pas la gober comme un cannibale privé d'aliments nutritifs pendant un mois, mais je crois que j'échoue vainement à en juger la tête que fait Bradley. Eh voilà encore une honte de plus.

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