Pourquoi toi et moi nous ne pouvons aimer

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Cécile frissonne de colère.

— Keith ! J'exige que tu arrêtes tout de suite.

Cal s'installe à côté de moi et chuchote.

— De quoi elle parle ?

— De me draguer je crois.

— Ah, j'arrive au bon moment.

Il se frotte les mains et se serre contre moi comme s'il s'installait devant un bon film. Je réalise que cette famille adore les mélodrames, la mienne était plutôt du genre à aimer le calme, ça change !

Là, elle parle en gaélique à Keith qui s'énerve et c'est à moi de demander à Cal se qu'il se dise, il fait une sorte de grimace.

— Je ne le parle pas assez bien ! Et là, ils font exprès de parler rapidement. En gros, de ce que je comprend,ça parle de toi et Keith mais je n'arrive pas à dire si ça dérive sur une conclusion où tu serais une salope ou sur Keith qui serait un don juan.

Cécile et Keith se sont un peu éloignés.

— Ça te fais rire toi ? Je ne trouve pas ça drôle.

— Oui, pourquoi ça ne le serait pas ?

— Parce que tu crois que si ça dérive vers moi étant une trainée, Keith laissera faire ?

J'ai touché dans le mille, il se crispe et me fusille du regard.

— Tu as promis que tu tiendrais jusqu'au mariage ! Tu n'es pas foutu de garder tes mains là où il faut, tout ça parce qu'il est écossais, il faut que tu lui tombe dessus.

Amusée, je le regarde par-dessus mon steak, il a l'air bougon.

— Tu sais Cal, j'ai énormément d'affection pour toi, mais tu es très immature. Je ne te comprends pas, tu as Charles, il t'aime, ça ne compte pas assez ?

— On est à l'instant de vérité là ?

Je hoche la tête.

— Oui Cal, on est à l'instant de vérité entre toi et moi.

— Toi d'abord, que se passera t'il quand tu devras fuir, tu préviendras Keith ou tu t'en iras.

— Je ... on n'y est pas, ça fait treize ans que les choses n'ont pas changé, pourquoi devrais-je fuir.

— Parce qu'il s'est passé plus en trois mois qu'en six ans, alors ?

Je suis soudain plus sérieuse, plus malheureuse.

— Je devrais, je suppose te dire que je m'en irais sans me retourner.

— Alors à quoi joues-tu avec lui ? Laisse-le tranquille, tu ne vois pas, que non seulement il ne va pas cesser de t'aimer en un claquement de doigt mais que chaque jour avec lui renforce ce sentiment.

— J'ai dis que je supposais que c'était ce que je devais te dire, pas que c'est ce que je ferais... et puis m'aimer ... c'est un bien grand mot, il apprécie ma compagnie c'est tout.

Le silence s'installe, Keith affronte sa mère du regard et moi je me tasse sous celui de Cal. Ses yeux sont noirs, mon malheur se reflète dedans, s'alimentant du sien.

Cal pose sa main sur mon épaule.

— Le bonheur, ce n'est pas pour toi et moi Oly. On fait semblant d'y croire mais c'est inscrit depuis le départ comme ça.

— C'est la réponse à ma question alors ?

— Oui... Peut importe l'amour que Charles me porte, ça ne m'empêchera pas de couler, inexorablement. J'ai beau l'aimer en retour, ça ne couvre pas la béance que Stu a laissé. Et peu importe l'amour que Keith te porte, le jour où tu devras partir, tu le feras... sans lui, sans nous.

Ses mots sont coupants comme des lames de rasoir. Je me lève et dépose le steak sur la table, il faut que je m'en aille loin de lui et de cette dépression qui englouti tout sur son passage. Je n'avais pas encore perçu ce gouffre sans fond qui creuse son âme. Il n'est pas juste égoïste, il est vide. Et ça me fait peur, ça ressemble trop à ce que je ressens, à ce que je tente de fuir. Et contrairement à lui, j'ai l'impression d'arriver à m'en sortir... grâce à Keith.
J'ai besoin d'air, je sors.

J'entends au loin Keith qui se penche, menaçant, vers son frère.

— Qu'est-ce que tu lui as dit ?

— La vérité, elle ne voulait pas voir ce qui va arriver.

Il me court après et me rejoint un peu plus loin, il s'approche de moi et m'embrasse comme si c'était notre premier et dernier baiser. Chacun de ses baisers est différent, c'est toujours déstabilisant et grisant.

— Qu'est-ce qui s'est passé ?

— Toi d'abord ?

— J'ai dis à ma mère qu'on ne faisait pas de mal à Cal et qu'elle devait faire semblant de croire les mensonges de Cal jusqu'à ce qu'il soit prêt à lui parler lui-même même. Elle a promis de ne pas parler à mon père mais elle était vraiment en colère.

— Elle à globalement compris que je ne sortais pas avec Cal ?

— Oui, je crois.

Nos fronts sont posés l'un contre l'autre, je lui caresse la joue.

— Keith, je suis en train de m'attacher à toi et ... Je ne devrais pas.

— Ça a un rapport avec ton travail ?

— Oui et non.

— Ecoute, je ne peux pas te forcer à rester près de moi, mais je veux que tu saches que Stu en partant a emmené un bout de mon être, j'ai mis un genou à terre et ne me suis jamais relevé. Jusqu'à ce jour, à tes côtés, je marche la tête haute. Ne pars pas.

— Je voudrais tellement ...

Je pleure, les larmes coulent sur mes joues.

— Je vois bien que tu caches encore des milliers de blessures mais je sens que tu les surmontes aussi, avec moi. Traite-moi de fou si je me trompe ! Je ... Je t'aime.

Je porte mes mains à ma bouche dans un mouvement de stupeur.

— Non !

Je recule mais il attrape ma main et la retient.

— Tu n'es pas obligée de rien, tu peux vivre au jour le jour, avec moi pour voir où cela nous mènera.

Les mots de Cal résonnent, mes yeux se ferment un instant.

— J'ai besoin de réfléchir.

Et je m'en vais, sans me retourner cette fois-ci.

J'avais oublié ce que c'était que d'être aimée (TERMINÉ)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant