Souvenirs, Souvenirs

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Tard dans la soirée, avec Keith, nous sommes si crevés de notre journée que nos yeux se ferment tout seuls. Pourtant, nous n'avons qu'une envie, prendre la voiture et rentrer à Londres loin des festivités. Mais au lieu de tout cela, on se force à rester un peu discuter avec son père, son oncle et sa grande tante. On finira de toute façon par dormir ici alors autant profiter de tout ce petit monde.

Doug est encore plus imposant que Murray, ce qui est compliqué en soit. Il vient de se casser un orteil et est dégoûté de ne pas avoir pu participer aux jeux. Il a l'air incongru avec sa béquille.

Son physique est une suite de contradictions, il a le crane chauve mais une barbe très fournie, il a de grandes jambes fines mais un torse bien trop développé, il est terrifiant mais dès qu'il parle on se sent en sécurité. C'est une de ces personnes très charismatiques qui vous envoûtent de leurs anecdotes. Les deux hommes étaient justement en train de parler dehors avec leurs grosses voix quand je suis passée devant eux et que j'ai remarqué ce tout petit bout de bonne femme aux cheveux grisonnant qui m'observait sans vraiment me voir depuis un moment.

Keith s'avance vers elle et s'annonce avant de lui poser la main sur le bras pour lui indiquer où il se situe.

— Tante Fenella, je voudrais te présenter quelqu'un.

Doug hausse le ton.

— Ah mais c'est la Sasannach de la famille ! Elle a été impressionnante aux jeux, je me suis dis cette fille, il lui manque juste une paire de...

— Doug, gronde Murray.

— Enfin bref, ce soir je me suis plutôt dis que vous étiez la plus belle femme de la soirée après Maura.

Je rougis de plaisir et m'approche de Fenella.

— Bonjour madame.

Elle pose délicatement sa main sur mon visage et semble le déchiffrer, elle dit quelque chose en gaélique à Keith qui sourit de plus belle puis s'adresse à moi.

— Bienvenue ma chérie dans la famille, mon Keith a bien choisi, tu as l'air ravissante même s'il n'a pas fini d'en baver avec toi.

— Keith m'a dit que vous étiez un peu voyante.

Amusée, elle hausse les épaules mais ne nie pas.

Doug qui doit avoir un peu bu, c'est même certain, glousse.

— Elle doit voir que Calum va se mordre les doigts d'être pédé comme un ...

— Doug !

— Quoi, on a évité le sujet toute la soirée mais ce n'est pas vraiment ce qu'on s'imaginait en les voyant gamin faire la misère et se bagarrer sans cesse ! Ce n'est pas de chance pour toi avec Maura qui ne veut pas d'enfant de son veuf, celui-ci qui peut ne pas en avoir et maintenant voilà le dernier qui couche avec un anglais...

Murray frémit mais ne dit rien parce que c'est exactement ce qu'il pense, je me demande si cette famille a des secrets quand je vois la propension qu'ils ont à les étaler sur la place publique.

Doug continue sur sa lancée.

— Nous on se bagarrait, on est devenu de vrais hommes.

Je ne peux pas m'empêcher d'intervenir.

— C'est très constructif comme remarque et carrément homophobe !

Fenella attire un peu à part Keith me laissant seule avec les deux hommes.

Murray rit fort de ma remarque et de l'air contrit de Doug et tente de changer de sujet.

— En plus on ne se bagarrait pas tant que ça.

— Tu rigole, tu ne te souviens pas ? On était pire qu'eux, tu as même tenté de me noyer !

— Quoi ?

Murray ne rit plus et moi je ne suis plus énervée, je suis inquiète de la tournure que la conversation prend.

— Comment tu peux avoir oublié ? On avait quoi, quinze et quatorze ans et tu m'as dis que je n'étais pas capable de traverser le lac en bas de chez nous, c'était l'hiver, j'ai réussi à aller jusqu'au milieu du lac mais j'ai eu une crampe...

Je vois le visage de Murray qui a perdu toute substance et je sais ce qu'il pense alors que la voix de Doug poursuit, amusée.

— Heureusement papa est arrivé, il t'a poussé et il a pris le bateau à moteur pour venir me chercher sauf que j'avais commencé à couler. Bref t'as été puni pendant un mois et j'ai écopé d'une bonne pneumonie. Ça ne t'as pas empêché de continuer à me pousser de plus en plus loin.

J'aurais tellement aimé que ce ne soit pas le moment qu'ait choisi Keith pour revenir, qu'il n'entende pas ces derniers mots. Je vois son beau visage se crisper d'une colère sans nom.

Son père leur a reproché la mort de Stuart après avoir failli tuer son propre frère au même âge. C'est quoi le problème des hommes de cette famille ?

Murray est figé, je vois ses yeux s'emplirent de larmes, il réalise en quelques minutes que ce qui est arrivé à Stu aurait pu arriver à Doug et que cette culpabilité qu'il a laissé porter à deux trop jeunes garçons aurait du être la sienne également. Il réalise ça un peu trop tard.

— Tu as brisé Calum papa, Tu m'as brisé moi ! Sale hypocrite !

J'avais oublié ce que c'était que d'être aimée (TERMINÉ)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant