Le Chemin du Cœur

CHAPITRE CINQ

Je patientais en compagnie de Rose, devant la salle d'étude. Je me sentais relativement nerveuse et je cherchais Enzo des yeux, espérant le voir arriver. Rose ne comprenait pas pourquoi je voulais tellement le connaître et obtenir des réponses. Personnellement, je ne savais pas non plus. À une période de ma vie au collège, je n'étais pas réellement aimée et je connaissais l'engendrement des choses... Peut-être qu'Enzo attendait-il quelqu'un pour l'aider ? Je me trompais peut-être après tout.

Rose me donna un coup dans les côtes, je sursautais en ressortant de mes pensées profondes. Enzo arrivait en compagnie de ses deux amis, il portait un paquet de livres collés contre sa poitrine.

Ils se frayèrent un chemin et se positionnèrent à côté de la porte d'entrée, je retenais ma respiration en le regardant discrètement. J'étais également collée contre la porte, juste en face de lui. Il ne m'adressait pas un seul regard et fixait un point invisible devant lui, l'air intéressé.

Vexée, je l'observais encore plus intensément mais il ne semblait pas s'en rendre compte. Par contre ses deux amis, oui. Un des deux, le blond Ethan me fit un léger sourire timide, je lui rendis par la suite. Peut-être vaudrait-il mieux que j'aille lui parler ? Il serait sûrement plus bavard qu'Enzo ! Je l'observais une dernière fois lorsque le surveillant arriva pour ouvrir la salle d'étude. De côté, on apercevait des yeux en amande verts avec des reflets noisette, j'en étais persuadée. À moins que ce soit marron avec des reflets verts ?

La porte s'ouvrit et je le laissais rentrer en premier pour le suivre par la suite, il s'installa au premier rang. Je fis signe à Rose d'aller prendre place où elle souhaitait, car je me mis juste derrière lui pour l'observer. Pendant un moment, je me sentis comme une vraie psychopathe à l'épier ainsi. C'était plus fort que moi.

Ma camarade s'assit donc derrière moi en étouffant un léger rire, je jetais un vague regard à Aymeric et Ethan, installés à côté d'Enzo.

Je sortis mes affaires en me raclant la gorge alors que le surveillant prenait place devant son bureau en croisant les bras sur son torse. Faire cette heure semblait autant l'ennuyer que les élèves.

Me plongeant dans mon cahier de mathématiques je soupirais, ne comprenant rien. Je me doutais que notre professeur allait s'en rendre compte très vite...

Seuls les bruits de feuilles ou de stylo sur les papiers retentissaient dans toute la salle. Il s'agissait de la première fois où j'assistais à une heure d'étude tranquille, cela changeait de mon ancien lycée.

Enzo feuilletait un livre et écrivait avec rapidité, je ne voyais pratiquement rien. Il était beaucoup trop grand ! Je tentais de m'écarter sur le côté et j'aperçus une copie avec une écriture fluide et jolie. La mienne à côté paraissait un brouillon. L'œil sévère du surveillant me stoppait dans ma quête d'espionnage et je me concentrais une fois de plus dans mes exercices en soupirant.

L'heure passa rapidement, de temps en temps je jetais un œil sur mon camarade d'en face. Parfois, ses amis s'en rendaient compte, je me sentais terriblement mal de me faire prendre.

À un moment Enzo avait enlevé sa paire de lunettes, je mourrais d'envie de me lever et de le regarder. Comment pouvait-il être ainsi ?

La sonnerie retentit et me sortit de mes pensées, je sursautais en gémissant. Le rire de Rose me résonnait dans les oreilles lorsqu'elle passa devant moi avec ses cahiers dans ses mains.

— Tu es prête ? Il ne faut pas arriver en retard en maths, le prof est sévère, marmonna-t-elle en m'aidant à ranger mes crayons dans ma trousse.

Je la remerciais vaguement et pris mon sac de cours en jetant un regard à Enzo. Il avait disparu de la salle d'étude, pour arriver le premier en cours, je suppose...

— Tu n'étais pas discrète du tout..., souligna-t-elle pendant que nous montions les escaliers rapidement.

— Je sais et ses amis s'en sont rendu compte aussi, avouais-je en piquant un fard. Mais je m'en fiche, je veux avoir une explication avec lui.

— Tu es sûre que c'est nécessaire ? Il est vraiment comme ça avec toutes les filles. Il a peut-être été agacé quand tu lui es rentrée dedans, mais c'est tout le monde pareil.

— Je sais, je sais...

— Après, fais comme tu veux Lucy, conclut-elle.

Nous rentrâmes dans la classe, je m'installais à côté de Rose en contemplant un point invisible devant moi. Elle avait raison, pourquoi je m'acharnais avec un garçon qui n'en valait pas la peine ?

Durant tout le cours, le professeur remarqua ma difficulté, il passait régulièrement devant ma table et contemplait ma feuille vide. Je n'étais pas la seule, Rose aussi, et ne le cachait pas. Parfois elle comprenait et tentait de m'expliquer, mais c'était pire ; elle m'embrouillait.

Lorsqu'enfin la sonnerie de fin retentit, je me levais presque en sautant, pressée de rentrer chez moi. Je ramassais mes affaires avec hâte tandis que mes autres camarades partaient. Mais, le regard sévère de mon professeur de maths me fit ralentir dans ma course pour sortir de la classe.

— Lucy, j'aimerais te parler s'il te plaît, m'avertit-il avec un pincement de lèvres.

Je jetais un coup d'œil en direction de Rose, je sentais que j'allais passer un mauvais quart d'heure.

— À demain Lucy et... tu n'inquiètes pas ce n'est rien, me rassura-t-elle en comprenant ma peur soudaine.

Telle une condamnée je traînais les pieds devant l'enseignant de maths qui attendait, légèrement agacé. Il s'agissait seulement de ma deuxième journée, j'espérais ne pas déjà me faire remonter les bretelles.

— Oui ? fis-je d'une petite voix, la gorge sèche.

— Je vois que tu as de grosses difficultés, je comprends qu'il peut y avoir une différence avec ton précédent lycée, mais je ne vais pas le tolérer longtemps. Dans ma classe, j'ai des élèves qui travaillent et qui réussissent.

Le ton qu'il prit pour me parler m'énerva aussitôt, tout le monde n'était pas fort en maths ! Des chiffres, rien que des chiffres n'étaient nullement intéressants !

— Oui.

Il m'intimidait réellement avec sa grande carrure, ses cheveux gris et ses lunettes rondes sur son nez crochu.

— Je peux le comprendre, mais il va falloir vite rattraper le groupe.

Le professeur gonfla sa poitrine de poulet, je retins un éclat de rire. Peu de chances qu'il apprécie.

— Je peux te proposer d'aller au cours de soutien le vendredi soir. La journée se termine à 17h exceptionnellement pour cela, me dit-il en remontant ses lunettes.

Je me mordillais la lèvre, peu enthousiasme.

— Beaucoup d'élèves y vont, tu ne seras pas la seule. Je vais te trouver quelqu'un pour t'aider dans tes exercices de mathématiques, continua le professeur comme s'il avait lu dans mon esprit.

Aussitôt cela m'intéressait, quelqu'un... Il ouvrit son carnet de notes et défila les pages avec attention. Soudain, il posa son doigt sur une ligne, je retins ma respiration.

— Enzo qui est en terminale ES est très intelligent, je vais lui en parler demain. Tu es d'accord ?

— Bien sûr ! m'exclamais-je, prête à sauter au plafond. Mille oui !

Il remarqua mon entrain et sourit légèrement.

— Tu en parleras aussi à Rose, j'aimerais qu'elle y aille avec toi.

— Oui monsieur... Merci !

Je venais de me rendre compte que les mathématiques représentaient la chance pour me rapprocher d'Enzo ! Dire qu'il avait fallu que ça tombe sur lui !

Aussitôt le professeur qui me fichait la trouille devenait mon héros.

Je remerciais énormément l'intelligence d'Enzo sur ce coup-là...