CHAPITRE SEPT

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La semaine avançait lentement, trop lentement à mon goût. Je passais mon temps avec Rose, Léa et Matthieu à la cafétéria, discutant d'un plan pour rapprocher ce dernier et Ethan. D'ailleurs l'ami d'Enzo ne cessait de me faire des clins d'œil depuis notre rencontre à la supérette.

Tous les soirs avant de rentrer chez moi j'allais à la bibliothèque dans l'espoir de croiser Enzo, il n'y était jamais. Il essayait peut-être de m'éviter ? Ou je me faisais tout simplement des films, ce qui était fort possible.

Lorsqu'enfin la sonnerie annonçant la fin des cours du vendredi retentit, je me levais comme un ressort. Le professeur de maths ne m'avait pas reparlé d'Enzo et des cours de soutien, peut-être était-ce une bonne nouvelle ? Peu importe s'il fallait courir pour m'y rendre, je le ferais. Et si je devais le traîner par les fesses pour qu'il m'explique, je le ferais.

— Je suis prête, s'impatienta Rose en posant sa main sur mon épaule, je fis un bond. Désolée, je te voyais dans la lune depuis le début !

Elle commença à rire et je la rejoignis, nerveuse, malgré moi.

— Tu penses qu'Enzo va aussi s'occuper de moi ? me questionna mon amie lorsque nous sortions de la classe pour prendre la direction de la salle des cours de soutien.

— Franchement je ne sais pas... Mais j'ai hâte de lui parler.

— J'espère que tu vas tout me raconter quand même, je veux évidemment tout savoir !

— Pas de soucis je te détaillerai tout !

En ce moment j'avais surtout hâte de m'expliquer avec Enzo. Je m'arrêtais devant la porte et inspirais trois fois pour calmer les battements de mon cœur frénétique. Je ne venais pas pour un cours renforcé, mais pour mener ma petite enquête. Peut-être que dans une vie antérieure, j'étais une formidable détective ?

Rose poussa la porte, aussitôt des brouhahas arrivèrent jusqu'à nous. De nombreux élèves se faisaient aider par d'autres ou bien des enseignants. J'aperçus même notre professeur de maths nous faire un grand signe de main avec un sourire, heureux de nous voir, nous les catastrophes. Cela permettrait de ne pas faire chuter la moyenne de sa classe, il n'y voyait que des avantages.

— Lucy va avec Enzo, il est installé dans la pièce d'à côté. Rose, tu vas rester avec moi. Travaille bien.

Mon amie se décomposa, je serrais les poings pour éviter d'éclater de rire devant sa tête.

Tout en lui faisant un clin d'œil, je sortis de cette salle pour aller dans l'autre. Je n'aurais pas souhaité passer du temps avec notre professeur, quelle horreur ! Surtout qu'il allait sûrement soupirer toutes les 5 minutes.

Tout en posant mon oreille contre la porte, je perçus le son de l'aiguille de l'horloge. Aucun bruit. Personne ne se trouvait dans la pièce, à part Enzo bien sûr. J'allais donc passer un moment seule avec lui, je me sentais relativement nerveuse.

Je recoiffais mes mèches blondes rebelles et entrais après avoir brièvement frappé. Il était là. Enzo se tenait à une table, des manuels ainsi que des feuilles devant lui.

Le parfait élève, le dos droit et les mains serrées. Son regard croisa le mien et je retenais ma respiration. Mes joues s'empourprèrent au moment où j'arrivais devant lui, je déposais mon sac sur le sol et pris place juste en face. Aussitôt un silence gênant s'installa entre nous deux, il se racla la gorge.

— Quelles sont tes difficultés en mathématiques ? lâcha-t-il sans prendre la peine de me saluer ni de se présenter.

Ce comportement me vexa, seulement devant lui je n'arrivais pas à m'exprimer. Mes joues me brûlaient et mon cœur battait follement, j'avais même peur qu'il ne l'entende.

— Quelques trucs, dévoilais-je sans oser lui avouer la triste vérité.

Je n'allais pas lui donner la tâche facile, loin de là. À travers ses lunettes, j'aperçus ses yeux se plisser, il fronça les sourcils. Sa peau, parfaite et légèrement bronzé me donnait envie de la caresser.

— Ton professeur de mathématiques m'a expliqué que tu venais juste d'arriver dans ce lycée. Nous allons donc retravailler le programme depuis le début de l'année.

Chic, ça nous fera beaucoup de vendredis ensemble.

— D'accord, fut le seul mot qui sortit tant je ne savais pas quoi dire.

Enzo semblait blasé par mes maigres réponses, il passa une main dans ses cheveux ébouriffés.

— Bon, essaye de faire cet exercice. Je veux voir ton niveau.

Il me tendit une feuille avec son écriture fluide et claire, je sortis mes crayons. Pendant que j'essayais de résoudre l'équation, il lisait un livre. Qu'est-ce que ça pouvait être ? On aurait dit une pièce de théâtre, peut-être en faisait-il d'ailleurs ?

— Je n'ai pas eu le temps de me présenter lundi soir, je m'appelle Lucy, enchaînais-je en lui tendant la feuille avec l'exercice terminé.

Je me débrouillais plutôt bien en équation, Enzo prit le papier sans rien dire. On aurait dit qu'on lui avait peint un froncement de sourcils permanent. Piquée au vif je me lançais enfin :

— Pourquoi ne dis-tu rien ?

Il me jeta un regard surpris.

— Nous ne sommes pas là pour discuter, Lucy. Tu dois travailler tes mathématiques, c'est tout, répliqua-t-il d'un ton cassant et sec. Ce n'est pas une cour de récré, l'école.

Enzo commença à mordiller son doigt tout en corrigeant ma feuille, je boudais.

— Ce n'est pas intéressant si je suis face à une statue de pierre. T'ai-je fait quelque chose de mal ?

— Non, mais si tu continues de parler, oui.

Je compris la tension qui s'installait entre nous, j'avais tout fichu en l'air !

J'obéis donc et me concentrais sur ses exercices en grommelant. Les autres avaient raison, Enzo devait probablement avoir une dent contre les filles et je devrai laisser tomber.

— Bon tu t'en sors pas mal sur les équations, je vais te réexpliquer le principe pour être sûr que tu as bien compris. Après on passera à autre chose.

Il partit donc dans ses explications, me fixant de temps en temps dans les yeux. Ses indications claires et précises me faisaient comprendre pour la première fois les maths. Il semblait d'ailleurs passionné par ça.

— Tu veux faire quoi plus tard ? dis-je en posant ma tête contre ma main.

— Professeur de lycée.

En y réfléchissant, ça pouvait bien lui aller ce métier.

Enzo ne semblait pas vouloir en révéler davantage. Un silence s'installa et j'en profitais pour réfléchir à ce qu'il venait de dire.

Soudain il retira ses lunettes et sortait son étui et un chiffon en tissu. Je faillis bondir de mon siège et le fixais aussitôt dans les yeux. Ce que je vis m'époustoufla ; il était vraiment beau. Ses pupilles étaient bien vertes, comme le gazon, un vert magnifique. Cela donnait tout un charme à son visage fermé. Il me fixa.

— Un problème ? demanda-t-il en pointant du doigt ma figure. Tu es toute rouge.

Enzo remit ses lunettes sans attendre, je posais ma main sur ma joue, effectivement elle me brûlait. Pourquoi mon cœur battait-il si vite à ce moment précis ? J'étais bien trop occupée à sourire bêtement pour réfléchir à une réponse intelligente.

— Tu... Non rien.

Lorsque quelqu'un toqua contre la porte après une bonne demi-heure, il rangea immédiatement ses affaires comme s'il allait louper son train.

Je n'avais pas vu le temps passer.

— Le cour de soutien est désormais terminé, nous continuerons la semaine prochaine. À plus.

Le Chemin du CœurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant