Chapitre 1: H.

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Le soleil se levait sur Gainesville, baignant les pelouses verdoyantes du campus de sa lumière dorée. La nuit avait à peine réussie à rafraîchir l'air brûlant de ce début d'été et déjà la Floride s'éveillait doucement entre chaleur et humidité. Harry ralentit sa course tout en relevant le bas de son tee-shirt pour essuyer la sueur qui coulait sur son visage et qui commençait à lui piquer les yeux. Il n'y avait pas de meilleure heure que l'aube pour courir dans la région. A quelques minutes près, l'effort devenait impossible tant la chaleur écrasante alourdissait les membres, comprimait les poumons et coupait le souffle. Il regarda sa montre, soupirant face à ce qu'il estimait être une contre performance. Ses côtes l'empêchaient encore de courir à son niveau habituel, elles étaient douloureuses et le ralentissaient. Le médecin lui avait pourtant dit d'attendre un mois avant de recommencer toute activité sportive. Mais Harry avait tenu une semaine, le manque de sport le rendait dingue, avoir du temps pour penser le rendait dingue. Avoir mal dans l'effort l'occupait, la douleur s'imposait, occultant le reste. Il marcha quelques minutes pour reprendre son souffle et bifurqua pour s'engager dans une allée bordée de palmiers qui menait vers un petit immeuble de deux étages. Il composa le code qui permettait de déverrouiller la porte d'entrée et grimpa jusqu'au premier étage en retirant le bandeau qui retenait ses cheveux mi-longs en arrière. Tout en refermant la porte de son appartement, il jeta son tee-shirt trempé de sueur au sol et se passa la main dans les cheveux pour qu'ils arrêtent de lui chatouiller le visage. Harry savoura la climatisation indispensable dans la région qui tenait le lieu au frais, tout autant qu'il savourait la bouteille d'eau glacée qu'il venait de sortir du frigo. Il monta le son de la radio qui diffusait les dernières informations pour l'entendre depuis la salle de bain et se déshabilla complètement pour entrer sous le jet d'eau tiède. La douche post-jogging était l'une des meilleures, elle rafraîchissait, délassait les muscles tendus et  redonnait de l'énergie. Harry eut du mal à en sortir et le regretta d'autant plus alors qu'il croisait son reflet dans le miroir bien éclairé de la salle de bain. Des gouttes d'eau s'échappaient de ses cheveux pour s'écraser sur ses épaules et son torse, torse barré d'un ecchymose violacé qui commençait à tirer sur un brun-jaunâtre du plus mauvais effet. Il soupira et sortit de la salle de bain.


Harry avait la chance d'avoir des parents aisés. Ce qui lui permettait non seulement de se payer des études à l'Université de Floride sans avoir à s'endetter pendant des années, sans avoir à s'épuiser dans un boulot alimentaire en dehors de ses heures de cours, mais aussi d'avoir un bel appartement confortable à la lisière du campus. Il n'était pas obligé de vivre comme beaucoup dans une petite chambre sans climatisation, dont le mobilier se composait en tout et pour tout d'un lit une place, un bureau, une chaise et une armoire. Et surtout il n'avait pas à partager sa chambre avec un quelconque colocataire imposé. Ah ça oui, Constance et Richard Styles étaient aisés, voir même riches. Directeur marketing orchestrant certaines des plus grandes campagnes publicitaires du pays pour l'un et styliste attachées à des magazines luxueux pour l'autre. Harry n'avait jamais manqué de rien et à seulement vingt-deux ans, il avait posé un pied sur presque tous les continents, et ce plusieurs fois. Il était fils unique et avait été traité comme un petit prince depuis sa naissance même si ses parents avaient fait en sorte de lui inculquer des valeurs qui leurs semblaient essentielles. Il connaissait la valeur de l'argent, du travail, les valeurs familiales et d'autres qui faisaient de lui un jeune adulte responsable et intègre. Les relations qu'il avait avec ses parents s'étaient un peu distendues pour diverses raisons ces derniers mois, mais les Styles continuaient tout de même à encourager leur fils dans la voie professionnelle qu'il avait choisi. Harry savourait sa chance alors qu'il fumait une cigarette sur son petit balcon blanc, le soleil caressant sa peau déjà dorée. Il était presque huit heures et il allait devoir partir bientôt pour sa dernière journée de stage au sein de la rédaction du journal de Gainesville. A dix-huit heures ce soir, il serait en vacances pour deux mois. Dans huit semaines, il retournerait sur les bancs de l'université, assisterait aux cours, rendrait des devoirs et dans un an, il serait diplômé, quitterait la Floride pour New-York ou Washington et avec un peu de chance, il ne reverrait plus aucun de ses camarades actuels. Harry attendait ce jour avec impatience, surtout depuis que ceux-ci lui avaient montré ce que l'humain peut faire de pire.

Gravel Ridge (l.s)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant