Chapitre 11 : Loneliness

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La sensation était étrange. Harry savait qu'il rêvait mais était incapable de se réveiller et de se sortir de cette situation oppressante et effrayante. Sans comprendre pourquoi, il savait qu'il se trouvait dans des sous-sols qui sentaient l'humidité et la poussière. Il faisait si sombre qu'il pouvait entendre chacun des bruits qui l'entouraient. C'était sa main qui le guidait, il la laissait glisser le long du mur froid et rugueux, sans avoir aucune idée de la direction qu'il prenait. Les virages s'enchaînaient, achevant de l'étourdir. Il savait qu'il passait à côté de portes fermées, il avait essayé d'en ouvrir quelques unes mais aucune des poignées n'avait cédé. Chacun de ses pas, les battements de son cœur, le frottement de ses vêtements créaient une cacophonie qui l'angoissait presque autant que le manque de lumière. Sans cesser d'avancer, il entendit des bruits étouffés derrière. Impossible de se retourner, il ne pouvait qu'aller de l'avant. Son rêve ne lui permettait pas de prendre de décisions. Il sentait qu'on se rapprochait de lui. Soudain, il perçut un souffle chaud dans sa nuque, tous les poils de son corps, chacun de ses cheveux se hérissa sous la peur. Il tenta d'accélérer, d'ouvrir de nouvelles portes mais des rires montaient de derrière les panneaux et la présence derrière lui se faisait plus oppressante. Au moment, où il arrivait enfin à déverrouiller l'une des portes, il se réveilla en se redressant brusquement dans son lit.

La sueur trempait ses draps et son cœur battait la chamade. Après un long moment, il réussit à se calmer et regarda l'heure.

5 :58

Deux minutes avant que son réveil ne sonne. Harry se leva, les jambes en coton et alla se passer de l'eau sur le visage avant d'enfiler ses affaires de sport.

Il courut à s'en déchirer les poumons, à s'en faire des crampes. Et bien évidemment sa course fut solitaire.

Après le déjeuner, il s'était étendu dans le hamac installé à l'arrière de la maison à l'ombre de deux grands arbres. Il attendait que le temps passe, sans réussir à s'endormir. La douce saveur qu'avaient prises ces vacances étaient devenue très amère. Il entendit la porte arrière de la maison grincer et vit sa grand-mère s'approcher en souriant paisiblement.

Elle s'installa sur une chaise à côté du hamac faisant face à son petit-fils.

- Qu'est-ce qu'il se passe mon chéri ? demanda-t-elle doucement.

- Ca a totalement merdé, répondit Harry.

- Raconte-moi.

Et Harry raconta. Il lui parla de Jenny, de ce qu'elle lui avait dit, de ce qu'il avait répondu. Il lui parla aussi de la conversation de la veille avec Louis. Et quand il termina, il avait les larmes aux yeux.

- Les gens sont souvent effrayés par ce qu'ils ne connaissent pas. Et les enfants de Gravel Ridge ne sont pas beaucoup sortis d'ici. Tu mets Louis devant une situation qu'il ne connaît pas, qu'il n'a pas appris à gérer et si les mots que tu me rapportes sont effectivement les siens, je pense qu'il est juste perdu. Il ne sait pas quoi faire, quoi dire, quoi penser.

- Mais je reste moi ! On a passé de supers bons moments, on se connaît depuis...depuis toujours !

- Je sais, trésor. Mais tu dois lui laisser un peu de temps. Louis me semble être un garçon intelligent, il a toujours été plus malin que les autres gamins. Après je me trompe peut-être mais je suis à peu près sûre que tu vas être surpris, acheva-t-elle en souriant.

- Je connais les réactions des gens, tu sais. Je les vois depuis des années et ils ne changent pas d'avis.

- Ecoute, Harry, je n'ai aucune preuve de ce que j'avance mais je suis certaine que les choses vont s'arranger.

- Peut-être, soupira le jeune homme.

- Bon allez, viens avec moi, ton grand-père a ramené dix kilos de pêche et tu vas m'aider à les préparer pour faire des confitures.

Harry se leva en souriant, Rose essayait de l'occuper.

« Allons faire des confitures »

Les jours passaient avec une lenteur exaspérante. Harry n'arrivait pas à écrire, ses articles étaient mauvais et de toute façon, il n'avait pas envie. Il s'était replongé dans les bouquins de la bibliothèque de sa tablette, dévorant quasiment un ouvrage par jour. Les sorties avec le groupe lui manquaient, Louis lui manquait. Et il se sentait plus seul que jamais.

Après quasiment une semaine, son portable vibra enfin. C'était un SMS de Louis.

« RDV aux tables. Dans une heure »

« OK » répondit aussitôt Harry.

Il en avait trop envie et trop besoin. Même si c'était pour entendre des choses qu'ils n'avaient pas du tout envie de se voir dire. Il alla prendre une douche rapide et s'habilla avec soin. Son éternel jean noir, un tee-shirt des Guns'n'Roses et ses converses. Il arriva en avance au rendez-vous mais Louis était déjà là. Il lui présenta son poing. Harry le frappa doucement avec une pointe au cœur.

- Je suis désolé, commença Louis pendant qu'Harry s'asseyait.

- De ?

- J'avais besoin de réfléchir, de réfléchir au besoin que j'avais de réfléchir et je suis désolé à propos du fait que j'avais besoin de réfléchir. Putain, c'est incompréhensible.

- Je comprends, t'inquiète pas.

- Tu sais, je suis pas beaucoup sorti d'ici. Mais je suis pas con non plus. Et comme moi tu sais très bien que les mentalités des petites villes, c'est pas ce qu'il y a de plus ouvert. J'ai grandi là-dedans. Pendant plus de vingt piges. Mais j'ai aussi grandi avec ma mère et Emily et j'suis pas comme ça, pas comme eux. J'suis pas comme ce que je t'ai montré l'autre soir. Je m'en fous Harry, en fait je m'en fous vraiment. On est potes, t'es mon pote, tu aimes qui tu veux, je m'en branle, fait ce qu'il faut pour être heureux. C'est tout. Et encore une fois, je suis désolé.

- C'est ok, Louis, répondit Harry après un moment.

- C'est la première fois que je suis pote avec quelqu'un qui..., il chercha ses mots, ne soit pas hétéro et j'me sens vraiment comme une merde d'avoir réagit comme ça.

- C'est bon, je te dis, t'es pas le pire, je voulais juste...pas te perdre en fait, avoua Harry en ne baissant pas les yeux pour une fois.

- Je voulais pas que ça gâche quoi que ce soit et j'aurai pu vraiment tout faire merder.

Harry soupira.

- Tu l'as dit aux autres ?

- Non, j'imagine que c'est à toi de le faire, si tu veux le faire. Par contre, je pense que tu devrais le dire à Jenny, parce qu'elle est inconsolable.

- J'imagine oui.

- Tu sais, on t'apprécie sans savoir qui tu te tapes Harry, alors j'imagine que ça va continuer si on le sait. Et ouais, pour Jenny, c'est une bonne idée. Elle a vraiment eu un coup de cœur pour toi.

- Pourquoi elle est seule ? Elle est géniale.

- Parce que Jenny se fait prendre pour une conne tous les quatre matins. Parce qu'elle est trop naïve et trop gentille. Et qu'elle a du sacrément prendre ses couilles pour venir te voir.

- Ca me fait chier, mais je ressens rien tu vois. Je ressens rien pour elle. Si ce n'est des sentiments purement amicaux. Tu vois, tu te poses pas la question avec Ash par exemple, t'as pas envie de sortir avec lui, vous êtes potes et c'est tout. T'as jamais ne serait-ce que pensé à plus.

- Euh, ouais c'est clair.

- Ben voilà, c'est comme ça, ça sera jamais plus qu'une amie, parce qu'elle m'attire pas et que j'envisage même pas le fait qu'elle puisse m'attirer même si elle est très jolie.

- Tu envisages tous les mecs comme des cibles potentielles alors ? demanda Louis avec une pointe de malice difficilement dissimulée.

Harry leva les yeux au ciel.

- Calme toi, Tomlinson. J'en veux pas à ta jolie personne. T'as pas envie de lever toutes les filles que tu croises, si ?

- Je sais pas si je dois être vexé ou pas.

- Rapport à ?

- Au fait que tu n'en veuilles pas à ma jolie personne, répéta Louis.

Harry rit en s'allumant une nouvelle cigarette.

- Tu vois, tu viens de toucher l'un des grands paradoxes féminins du doigt. « Je suis pas une pute, je me fais pas baiser par tout ce qui passe, tu me prends pour qui ? » versus « Mais pourquoi t'as pas envie de me baiser ?! Je suis pas assez belle, assez bonne, assez bien ? »

- T'es con, répondit Louis en riant à son tour.

- Non, mais c'est vrai. Oui, tu es attirant. Non, je ne vais pas essayer de te chopper. Parce que sans même que j'y pense la barrière s'est montéz toute seule dans ma tête. Louis, hétéro, ami, Leah, non. Aussi simple que ça. Après je dis pas que la mécanique peut pas merder. Mais la plupart du temps, ça marche. Les choses se régulent ça.

Harry était étonné de la facilité avec laquelle se déroulait cette conversation. Il n'avait pas été aussi explicite et honnête avec quelqu'un depuis...toujours. Enfin, pour l'honnêteté totale et parfaite, il repasserait, mais c'était une conversation à cœur ouvert qui lui faisait beaucoup de bien.

- Tant mieux, Styles. J'aimerai pas avoir à dire « non » à ta belle gueule.

- Mon dieu, t'es vraiment en train d'en plaisanter ?

- Ben visiblement pourquoi, c'est mal ?

- Nan, c'est rare surtout. Ca met les gens mal à l'aise d'habitude, surtout les mecs.

- Si on peut pas rire sur le cul avec ses potes, on peut juste tous se mettre en cercle et commencer à pleurer.

Ils rirent ensemble avant que Louis reprenne.

- Au fait, comment t'as su ?

- Que j'étais gay ? Je sais pas, c'est même pas intéressant comme histoire. J'étais plutôt attiré par les garçons depuis tout petit. Sauf qu'on m'a vite fait comprendre que c'était pas comme ça que ça se passait dans la vraie vie. Du coup, comme les filles m'intéressaient pas, j'ai décidé de m'intéresser à rien, puisque les garçons c'était interdit. Et je suis tombé vraiment amoureux, j'ai rien dit. C'était pas la période la plus cool du monde, l'adolescence.

- Tu as déjà eu des copains ?

- Ouais, des relations courtes. Le dernier en date m'a poliment largué sans réellement me le dire à la fin de l'année scolaire pour aller sucer des queues en vacances.

Harry haussa les épaules.

- T'as déjà été amoureux au moins ?

- J'ai pas encore décidé, répondit Harry en le regardant. C'est compliqué.

Louis n'ajouta rien.

- J'suis vraiment désolée Harry, répéta le jeune homme.

- C'est bon, arrête, vraiment, j'me suis sentie comme une merde ces derniers jours, mais c'est ok maintenant. J'ai juste besoin de savoir que je vais pas être mis à l'écart à cause de ça.

- Ce ne sera pas le cas, pas ici, pas avec moi. J'suis là, j'te l'ai dit. Mais t'aurais quand même pu me le dire avant.

- On s'est pas vus depuis dix ans, Louis. J'allais pas arriver et te dire « Salut, je fais mes études en Floride, comment va ta mère, au fait je suis homo »

- Certes.

- T'as pas de filtre quand tu parles, déjà quand on était gosse, tu balances tout ce qui te passe par la tête.

- Désolé. C'est juste que du coup, je pense à tout ça, je sais pas comment me positionner par rapport à toi. Pas à genoux, c'est sûr, ajouta-t-il avant d'éclater de rire.

- Putain ! Louis !

- Ta tête scandalisée valait tout l'or du monde.

Ils rirent de nouveau.

- Merci, dit Louis après un moment.

- De quoi ?

- D'être revenu, d'être honnête, d'être toi. J'ai pas l'impression qu'on se soit pas vu depuis si longtemps, c'est tellement facile et évident, j'sais pas, c'est juste normal, tu vois.

- Je vois très bien, répondit Harry en soupirant puis en souriant calmement.

Et ils continuèrent à parler une bonne partie de la soirée, jusqu'à ce que Louis réalise qu'il fallait qu'il aille travailler le lendemain. Harry rentra beaucoup plus léger qu'il n'était arrivé. Même si un poids subsistait dans son esprit, celui de quelque chose qui était en train de se dévoiler lentement mais avec précision. Le chemin qui s'ouvrait était piégé, il le savait, mais c'était le seul qui lui permettait d'avancer. S'il la jouait finement avec lui-même et avec les embuches, peut-être qu'il pourrait s'en sortir sans trop de dommages.

Gravel Ridge (l.s)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant