La course matinale du lendemain se fit à nouveau en compagnie de Louis, toujours en silence. Cette fois, il ne s'arrêta pas à Hollyridge Court, mais bifurqua en direction de chez lui juste avant d'entrer dans la rue en faisant un signe à Harry accompagné d'un clin d'œil.
Il était presque dix-sept heures cet après-midi là, lorsque la sonnette retentit. Ses grands-parents étant partis au supermarché, Harry alla ouvrir et tomba nez-à-nez avec Jenny.
- Hey...salut ! dit-il surpris.
- Salut, répondit-elle doucement avec un petit sourire.
- Tu veux entrer ? demanda Harry en reculant.
- Oui, je voulais te parler.
- Ok, la voix d'Harry était moins assurée. Il l'emmena jusqu'à sa chambre où ils s'assirent sur le lit après qu'il lui eut offert un verre de limonade.
Elle tripotait nerveusement son bracelet, sans lever les yeux, sans toucher à sa boisson.
- Tu voulais me parler ? tenta Harry, ne sachant plus vraiment s'il avait envie que cette conversation ait lieu.
- Oui...Voilà, commença-t-elle en se redressant et en le regardant droit dans les yeux, soudain très sûre d'elle. Je voulais te dire que...tu me plais beaucoup.
« Merde, super merde », pensa rapidement Harry. Il inspira longuement et voyant qu'elle attendait une réponse, posa sa main sur la sienne.
- Je suis désolée Jenny, il la sentit se raidir sous son contact. Comment dire...je...c'est un peu compliqué. Je ne peux pas m'engager dans une relation maintenant même si je t'apprécie beaucoup.
Il la regardait toujours, sincèrement désolé.
- Oh, tu es avec quelqu'un, j'aurai du m'en douter...
- Non, non, c'est pas ça, il n'y a personne, c'est juste que...ce n'est pas possible pour le moment et ce n'est absolument pas de ta faute.
Les yeux de la jeune fille se remplirent brièvement de larmes et elle se leva, se dégageant doucement du contact de Harry.
- Je...je vais y aller dit-elle en récupérant son sac.
Harry se leva pour se mettre face à elle et attrapa son poignet.
- Ecoute Jenny, quand je dis que je t'apprécie beaucoup, c'est que vraiment je t'apprécie. Mais c'est disons...compliqué. Dans d'autres circonstances, je te promets que j'aurai répondu avec plaisir à ce que tu es venue me dire. C'est d'ailleurs super de part, j'aurais jamais eu le courage. Mais là ce n'est pas possible. Et je suis vraiment, vraiment, désolé.
Jenny tenta un petit sourire et murmura un « c'est pas grave » avant de tourner les talons pour quitter la maison.
« Merde » pensa à nouveau Harry en entendant la porte d'entrée se refermer.
Il aurait du lui dire la vérité. Peut-être qu'elle aurait pu comprendre. Sans le juger. Et qu'elle se serait sentie moins mal. Parce qu'il ne doutait pas qu'elle puisse se sentir mal. A sa place prendre son courage à deux mains, aller se déclarer à la personne qui lui plaisait et se faire rabrouer, il ne l'aurait pas bien vécu du tout. Mais il ne pouvait pas mentir à ce point là, il ne pouvait pas faire ça. Il avait été sincère, dans d'autres circonstances, dans une autre vie, ils auraient pu être ensemble. Mais dans celle-ci, ce n'était juste pas possible. Et il aurait du lui dire pourquoi, il aurait du. Au lieu de ça, il était resté vague et imprécis. « Merde ».
Une heure plus tard, Harry avait fumé plus de cigarettes qu'il n'en fallait pour rendre sa voix encore plus rauque qu'elle ne l'était. Son téléphone sonna. Louis.
- Allô ?
- Ca va mec ?
- A peu près et toi ?
La réponse était sincère.
- Tranquillement. Ca te dit qu'on se retrouve aux tables de pique-nique vers vingt et une heures ?
- Okay, ça marche, répondit Harry.
- A toute alors !
Ils raccrochèrent et Harry eut un drôle de pincement au creux du ventre. La coïncidence était trop belle.
A l'heure prévue, Harry retrouva Louis. Ils se saluèrent et s'allumèrent chacun une cigarette.
- J'ai parlé avec Jenny, commença Louis sans faire de détour comme à son habitude.
- Les nouvelles vont vite, dit simplement Harry.
Il aurait du s'en douter, le groupe était tellement soudé qu'ils devaient déjà tous être au courant de tout.
- Elle ne te plait pas ? demanda Louis.
Harry se passa la main dans les cheveux en soupirant longuement.
- Comme je lui ai dis, je l'apprécie beaucoup. C'est une super nana, vraiment. Mais c'est un peu plus compliqué que ça.
- Je peux essayer de comprendre, si tu m'expliques.
- J'en doute, répondit Harry avec un sourire qui sonnait faux.
Les deux garçons commençaient à être vraiment complices, ils s'entendaient plus que bien et c'était comme s'ils s'étaient toujours connus.
- Essaye, répéta Louis, son regard trahissait une douce inquiétude.
- La raison est toute simple, commença le jeune homme, je suis gay.
- Oh, wow, répondit Louis après un long moment de silence.
- Ca fait souvent cet effet là, ironisa Harry.
- Je ne sais pas quoi dire, reprit Louis après un nouveau silence.
- Ca change pas grand chose à qui je suis.
- C'est pas ça. C'est juste que je ne m'attendais pas à ça.
- Je suis toujours Harry.
- Qui est gay.
Harry se figea. Il avait l'impression d'avoir pris une claque. L'air était devenu glacial.
- Je vois, répondit-il simplement en se levant.
- Attend ! Harry !
Louis se leva à son tour.
- Laisse tomber. Bonne soirée.
Et il le laissa planté là, reprenant sa voiture pour rentrer chez lui.
- Putain de merde ! cria Harry en donnant un coup sur le volant, seul dans l'habitacle. Il avait les larmes aux yeux, de frustration, de colère et d'autres sentiments tout aussi forts.
Il roula longtemps pour se calmer avant de rentrer. La musique à fond, les doigts serrés autour du volant. Tout ce qui était devenu positif depuis quelques semaines venait de s'écrouler en quelques heures.
Son premier coming-out, il l'avait fait à ses parents. Son père était parti de la maison plusieurs heures et quand il était revenu, il lui avait simplement dit :
« Okay, c'est pas grave, d'accord ? », Harry s'était demandé s'il ne cherchait pas à se rassurer plus lui-même qu'autre chose.
Sa mère lui avait dit qu'elle s'en doutait et qu'elle s'en fichait. Qu'il fallait juste qu'il soit heureux.
Progressivement la famille avait été au courant, la plupart de ses membres s'en fichait. Les Maine tout particulièrement, ils étaient suffisamment ouverts d'esprit et suffisamment concernés par le bonheur d'Harry pour n'en avoir rien à faire.
Ensuite, il s'était affiché publiquement avec des garçons, les réactions avaient principalement été neutres, l'indifférence s'était toutefois teintée de haine et de violence parfois. Et il en portait encore les traces, visibles et moins visibles.
Mais la réaction de Louis était pire que beaucoup de celles auxquelles il avait été confronté. Et il avait bien peur d'en comprendre la raison.
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Gravel Ridge (l.s)
Fiksi PenggemarCETTE FICTION NE M'APPARTIENT PAS DU TOUT Je NE FAIS QUE LA METTRE SUR WATTPAD CAR JE PENSE QU'ELLE MÉRITE D'ÊTRE LUE PAR TOUT LE MONDE. Bienvenue à Gravel Ridge, Arkansas. 2500 habitants. Quelques commerces, des rues sans trottoir. Une ville où i...