Chapitre 13 : The Dinner

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L'après-midi touchait à sa fin, et le temps maussade de la matinée s'était transformé en une pluie diluvienne qui rendait l'atmosphère fraiche, grise et humide. L'eau ruisselait sur la terre trop sèche pour l'absorber et Harry avait l'impression de retrouver les automnes qu'il avait pu connaître sur le nord de la côte est, mais qu'il n'avait plus vus depuis qu'il résidait en Floride. C'était un temps à ne pas bouger de chez soi et à regarder des films en buvant du chocolat chaud lové dans un canapé. Pourtant, il alla prendre une douche et enfila une chemise à carreaux sur son éternel tee-shirt blanc. Ce soir, il était invité à dîner chez les Tomlinson et il avait rendez-vous à dix-huit heures trente. Emily repartait le lendemain et il était content d'avoir l'opportunité de pouvoir passer encore quelques heures avec elle et avec Louis.

Il arriva à l'heure après être passé à la station-service où il avait pu trouver un petit bouquet de fleurs pas trop défraîchies qu'il offrit à une Sally ravie de cette petite attention. Louis n'était pas encore rentré du travail et Emily était encore dans la salle de bain. Harry constata avec surprise qu'il n'y avait que quatre couverts, Leah ne serait donc pas là ce soir. Il n'avait absolument rien contre la jeune fille mais l'idée d'avoir Louis à 100% avec eux l'enchantait. Sally n'avait presque pas changé ces dernières années. Elle était toujours cette jolie femme mince aux longs cheveux blonds coiffés en tresse qui lui retombait sur l'épaule. Son sourire était toujours bienveillant et une force tranquille émanait d'elle. Il en avait fallut du courage pour élever deux enfants tout en travaillant suffisamment pour pouvoir remplir le frigo toutes les semaines et payer les factures. Elle avait réussi, songea Harry, à faire de Louis et d'Emily des jeunes adultes respectables et respectueux. Il n'imaginait pas le travail et l'énergie qu'il avait fallut déployer pendant près de vingt-ans afin d'assurer une vie de famille à peu près normale à ces gamins. Elle ne s'était jamais remariée, mais il savait que depuis qu'Emily était partie, Sally fréquentait un homme de Sherwood, ce qui faisait plaisir à Louis. Elle prenait enfin un peu de temps pour elle.

Là encore, Harry, fut accueilli chaleureusement, sans préjugé, sans jugement aucun sur ce qu'il était, faisait, étudiait. Le milieu dans lequel il avait grandi, régit en grande partie par l'argent et des conventions sociales qu'il connaissait parfaitement mais avait toujours eu du mal à appliquer, l'avait habitué à devoir montrer une façade lisse et parfaite en permanence. Tout était apparence et illusion. Ici, on s'intéressait à ce qu'il était vraiment, à ce qu'il aimait. Il était maintenant assez grand pour accepter cela, y répondre favorablement et comprendre que cette simplicité était beaucoup plus saine que l'ensemble de relations sociales complexes auxquelles ses parents prenaient part et dans lesquelles il avait toujours baigné. Peu à peu, il comprenait les raisons de son mal-être durant son adolescence et sa jeune vie d'adulte. Il ne tenait pas uniquement à sa sexualité, mais tenait pour beaucoup au milieu dans lequel il avait grandi et s'était construit. Sauf que la construction était bancale et que son séjour à Gravel Ridge était le déclic pour comprendre que tout ce qu'il connaissait ne lui convenait pas. Il ne suffisait pas d'un compte en banque bien garni pour être heureux. Maintenant qu'il touchait des doigts un univers tel que celui-ci, Harry réalisait bien des choses. Et surtout pourquoi il se sentait si bien quand, gamin, il venait passer ses vacances ici.

Emily lui sauta au cou alors qu'Harry discutait tranquillement avec Sally des avantages et inconvénients de vivre en ville.

- Tu as vu comme Harry est beau m'man ? balança Emily avec ce franc parler qui semblait la caractériser.

Le jeune homme rougit en baissant les yeux après lui avoir lancé un regard courroucé.

- Elle a raison, répondit Sally en leur versant des verres de soda, tu dois en briser des cœurs de nymphettes en Floride.

- Oh que oui, mais ça c'est pas uniquement parce qu'il est beau mais surtout parce qu'il préfère les beaux Apollon.

- Emy ! s'écria Harry en rougissant violemment.

- Désolée ! Mais c'est très sûrement vrai. Arrête de te planquer, Maman s'en fout, ajouta Emily en haussant les épaules.

- Emily, s'il te plait, l'interrompit Sally en s'asseyant face à Harry. Trésor, ma fille est merveilleuse mais comme son frère, elle parle plus vite qu'elle ne pense et elle devrait apprendre à se taire parfois.

- C'est pas que j'ai honte, commença Harry, il se sentait le besoin de se justifier.

- Tu n'as pas besoin d'expliquer quoi que ce soit ici, Harry.

Louis profita de cet instant pour entre dans la pièce, il salua tout le monde avant d'annoncer qu'il allait prendre une douche rapide. Puis il s'interrompit en voyant la scène, Harry assit face à sa mère qui avait posé une main sur les siennes et Emily qui boudait dans un coin.

- C'est quoi ces têtes ? Harry est enceinte et vous essayez de le rassurer ?

- Mais c'est pas possible, soupira Sally en tentant de ne pas sourire. Qu'est ce que j'ai fait au bon dieu pour que vous soyez aussi stupides ? Adorables mais stupides.

- Nan, j'ai malencontreusement dit à Maman que Harry était plus boxer Calvin Klein que petites culottes Victoria's Secret et il a paniqué et M'man était prête à lui faire le couplet du « soit toi même, tu t'en fous des autres, ton entourage t'aime comme tu es etc »

- Bah encore heureux qu'il préfère les boxers aux petites culottes, répliqua Louis très amusé.

Harry avait envie de rire ou de disparaître, il ne savait pas encore très bien.

- Louis, Emily, taisez-vous. Heureusement que vous ne dirigez aucun pays, vous feriez éclater trois guerres mondiales à vous deux. Donc Harry, ce que je disais, c'est qu'il faut que tu comprennes qu'il y a beaucoup plus de gens comme ces deux-là, ou moi, où ceux qui t'aiment plutôt que de gens qui vont te regarder en te pointant du doigt. Et crois moi, trésor, ceux-là, tu apprendras bien vite à les occulter pour avancer.

Sally savait de quoi elle parlait. Elever seule deux gamins dans une petite ville du fin fond des Etats-Unis en ayant des idées très libérales sur des tas de sujets lui avait valu de nombreuses remarques plus ou moins directes durant les vingt dernières années et elle s'en était visiblement plutôt bien accommodée.

- Désolée Harry, dit Emily tout bas une fois que Louis fut parti se doucher que sa mère était occupée à autre chose.

- Pas grave, c'est juste que...c'est pas habituel, j'ai du mal à m'y faire. Même ma mère réagit moins bien que la tienne. Du coup, je suis un peu trop sur mes gardes.

- Laisse toi aller ici, détend toi, on va passer une bonne soirée.

Et ils passèrent effectivement une bonne soirée, ponctuée d'éclats de rires. Sally n'était vraiment pas une maman comme les autres. Harry imaginait sans peine l'enfance de Louis et Emily. Libre mais suffisamment encadrée pour leur inculquer les valeurs nécessaires. Elle avait fait du bon boulot.

Le temps s'était levée et les nuages avaient quasiment tous disparus lorsqu'ils eurent finit de débarrasser la table. Louis proposa qu'ils aillent regarder les étoiles. Harry l'aida à mettre des couvertures dans le pick-up et ils partirent tous les trois après avoir embrassé Sally.

La nuit était tombée lorsqu'ils s'installèrent dans le cocon confortable fait de couvertures et coussins à l'arrière du véhicule. Harry était au milieu, serré juste ce qu'il fallait entre les Tomlinson. Ils parlèrent de tout, de rien, en fumant des cigarettes. Louis et Emily n'étaient pas seulement frère et sœur, ils étaient aussi amis, se confiant beaucoup l'un à l'autre. Harry leur parla des dernières années, de la solitude sur le campus, du fait qu'il n'y avait pas beaucoup d'amis et que c'était sûrement de sa faute, qu'il se renfermait trop sur lui-même pour pouvoir accepter que quiconque entre dans sa vie. Le moment était suspendu dans le temps, entre les étoiles qui brillaient dans le ciel au-dessus d'eux et l'odeur de terre humide qui remontait du sol. La chaleur sous la couverture était parfaite et les conversations ralentirent jusqu'à ce qu'ils s'endorment les uns après les autres. Emily d'abord, puis Louis et enfin Harry, bercé par la respiration des deux autres. Il se sentait apaisé et serein, comme rarement, entre deux personnes qui comptaient énormément pour lui, même après si peu de temps passé ensemble.

Ce fut les premiers rayons de soleil qui réveillèrent Harry, il mit quelques instants à se rappeler où il était. Il était allongé sur le côté, sentait le dos d'Emily contre le sien. Mais surtout, il sentait le poing fermé de Louis contre son ventre, son souffle contre son cou, son visage tout près du sien. Au fur et à mesure qu'il reprenait conscience, il percevait un peu plus son environnement. L'odeur de Louis qui emplissait son espace, ses jambes contre les siennes, ses cheveux qui lui chatouillaient la joue. Il resta sans bouger, profitant seulement de la situation tandis que tous les signaux étaient au rouge dans son esprit. Partout les mots « Mauvaise Idée » clignotaient et pourtant il était de plus en plus conscient de Louis contre lui, de ce parfum qui l'enveloppait, de ce que tout ce qu'il ressentait impliquait. Il était à la fois un peu triste et heureux. Il savait que les temps à venir ne seraient pas faciles, mais à ce moment là, il s'en fichait. Il s'en fichait tellement qu'il se sentit sourire. Puis Emily bougea et se redressa.

- Hey, commença-t-elle en voyant qu'Harry était réveillé. Puis elle pouffa en voyant comment son frère était couché avant d'ajouter : Il a toujours été un pot de colle quand il dort.

Louis se réveilla à son tour et Harry se dégagea doucement mais rapidement. Il ne voulait pas que quiconque soit mal à l'aise.

- Café, murmura Louis, la voix enrouée de sommeil.

- Excellente idée, répondit Harry.

Ils avaient encore un peu de temps avant que Louis n'aille travailler et s'arrêtèrent donc au Sonic pour partager un petit-déjeuner digne de ce nom. Harry ne pouvait s'empêcher de sourire devant l'agitation d'Emily déjà très en forme et le petit air grognon de Louis que l'enthousiasme de sa sœur parvint finalement à atteindre.

Lorsqu'Harry se retrouva dans sa voiture pour rentrer chez lui, l'odeur de Louis était encore partout sur lui. Et le juron qui sortit de sa bouche fut pourtant accompagné d'un sourire.

Gravel Ridge (l.s)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant