Harry était arrivé à Gravel Ridge depuis quelques jours et le temps s'écoulait d'une façon tout à fait rassurante. Il se levait tôt le matin, allait courir puis revenait pour prendre une douche fraîche et partager le petit-déjeuner avec ses grands-parents. Il les aidait ensuite à divers travaux, accompagnait Rose faire les courses, il était même aller pêcher avec son grand-père. Le calme, un rythme de vie différent, un décor autre, tout concourrait à l'apaiser. Il faisait encore des cauchemars mais les pics d'angoisse ou de colère avaient quasiment disparus. Les pages de son journal se remplissaient de son écriture légèrement arrondie. Il y parlait de beaucoup de choses, mais de rien de vraiment essentiel. Rien qui aurait pu l'aider à réellement cicatriser. Au lieu de ça, il se laissait doucement anesthésier sans vraiment chercher à guérir. Il muselait involontairement ce qui hurlait en lui pour ne pas en crever, sauf que le mal rampait, rongeait silencieusement les fils de sa résistance. Les progrès qu'il avait l'impression de faire n'étaient qu'illusion. On ne recouvre pas impunément les choses, le ressac des vagues qui passent et repassent dessus finissait toujours par le découvrir, le mettre à vif.
Mais pour l'instant, ce temps n'était pas encore venu et la mission de la journée pour Harry consistait à aller à The Meat Shoppe pour récupérer la commande passée quelques jours plus tôt par Greg. Ce soir, les voisins d'Hollyridge Court se rassemblaient pour un grand barbecue afin de fêter le Jour de l'Indépendance américaine. C'était un des grands événements, si ce n'est le plus grand, dans la ville. La rue dans laquelle habitait les Maine se terminait en un cul de sac où chaque année à la même date était installés plusieurs barbecues, des tables, des chaises et où tous se retrouvaient dans la bonne humeur, l'odeur des burgers et des épis de maïs pour fêter la date la plus importante de l'année.
Harry prit place au volant de la voiture de son grand-père et démarra avant d'enclencher la marche arrière. La radio diffusait de vieux titres rock des années 70, de ceux qu'affectionnait particulièrement son père. Queen anima son trajet jusqu'au restaurant qui vendait aussi de la viande, particulièrement lors d'événement comme celui qui avait lieu aujourd'hui. Greg Maine se plaisait à dire que l'endroit proposait la meilleure viande de l'Arkansas. Une fois l'immense sac récupéré, Harry passa à la station essence pour acheter des cigarettes. Le gérant était le même que la dernière fois qu'il était venu ici, sauf qu'à l'époque c'était pour acheter des bonbons, ce temps là était visiblement révolu. Il paya sa cartouche et rentra tranquillement pour aider à la préparation de la soirée.
Celle-ci se déroula dans la bonne humeur, des dizaines de hamburgers furent mangés et tous firent honneurs aux salades et desserts que chacun avait apportés. Lorsque la nuit fut tombée, les enfants s'amusèrent avec des pétards, sous la surveillance des adultes, lançant des gerbes d'étincelles rouges et bleues dans le ciel. A minuit passé, tout fut remballé et chacun se souhaita bonne nuit en se promettant de remettre ça l'année suivante. Harry se coucha après avoir aidé ses grands-parents à remettre de l'ordre dans la cuisine qui avait été en effervescence toute la journée et alla se coucher. Il prit le temps de faire un tour sur internet, les commentaires se multipliaient sur son blog à propos d'un article qu'il avait écrit concernant les élections municipales de Miami et il se promit d'y jeter un œil plus attentif le lendemain. Pour le moment, toute la nourriture qu'il avait ingurgitée lui donnait envie de dormir. Il avala les deux pilules habituelles, se glissa dans ses draps et partit rapidement dans un sommeil profond.
Le lendemain, il se réveilla dans une maison silencieuse. Ses grands-parents étaient partis chez leur autre fille à Little Rock. Harry avait poliment décliné l'invitation à déjeuner de sa tante arguant qu'il devait travailler sur plusieurs articles. C'était un demi mensonge, il avait effectivement plusieurs choses en cours sur lesquelles il devait se pencher, mais ça n'avait rien d'urgent. Il voulait surtout éviter la confrontation avec Katie, son mari et ses enfants parfaits. Elle et Harry ne s'étaient jamais vraiment bien entendus. Elle rejetait sur lui la colère qu'elle éprouvait à l'égard de sa sœur. Lorsque Constance était partie à New-York pour poursuivre ses études de stylisme, Katie n'avait pas compris l'ambition de sa sœur, elle avait réduit cela à une seule chose : « sa sœur cherchait à fuir sa famille ». Elle avait encore moins compris qu'elle consacre une très grande partie de sa vie à son travail, c'était impensable pour elle de ne pas passer la majorité de son temps à tenir sa maison et s'occuper de ses enfants. Payer des gens pour le faire était invraisemblable selon elle. Katie ne comprenait pas et donc n'acceptait pas le mode de vie des Styles. Elle trouvait le père d'Harry arrogant et prétentieux et elle le tenait responsable de l'éloignement de Constante de sa famille. C'était à cause de lui que sa sœur était ainsi. Aussi différente d'elle. Bien qu'ils se soient rencontrés alors que Constance avait déjà terminé ses études et avait déjà décroché son premier emploi. Elle ne partageait pas l'ambition de sa sœur, ne cherchait pas à la comprendre et c'était donc très logiquement qu'elle était devenue très critique à l'égard de celle-ci. Jusque ici, c'était surtout Harry qui en avait fait les frais. Elle pensait de lui qu'il était un enfant roi, pourri-gâté, gavé d'argent jusqu'à l'asphyxie. Alors que si Katie avait été un peu plus lucide sur sa propre famille elle se serait aperçue qu'il était un ange comparé à ses propres enfants. Son fils fumait des joints comme Harry fumait des cigarettes et sa fille enchaînait les mauvaises notes comme les coups d'un soir au lycée. Mais critiquer les autres et se trouver des excuses étaient un passe temps bien plus amusant que de jeter un regard lucide sur sa propre vie. Harry n'avait pas vu ses cousins depuis longtemps, mais il les suivait sur les réseaux sociaux et il n'y avait rien de glorieux dans ce qu'il pouvait y lire. Il refusait désormais de perdre son temps à se battre avec cette partie de sa famille, préférant les éviter pour préserver un peu de sérénité. On ne choisit pas sa famille, mais on choisit ses amis avait-il entendu, c'était vrai, même si pour le moment il n'avait plus vraiment le choix quant à ses fréquentations amicales.
Il avait donc toute une journée devant lui à se consacrer et il l'entama avec une longue course. Il courrait tous les jours ici, mais ne se sentait pas fatigué. Son corps réagissait bien à l'effort et surtout le sport semblait avoir un effet positif sur son moral et la régulation de ses humeurs. Ses côtes le faisaient beaucoup moins souffrir et l'hématome sur son torse avait quasiment disparu. C'était étrange de voir tous les signes de ce qu'il s'était passé disparaître les uns après les autres. Il n'y aurait bientôt plus de preuves physiques, plus d'éléments tangibles. Uniquement la bile amère qui lui remontait parfois dans la gorge lorsque l'angoisse se réveillait.
Harry travailla jusqu'à tard dans l'après-midi sur son blog, tentant de trouver un angle original pour l'un de ses articles mais l'inspiration ne venait pas. Finalement, il s'allongea sur son lit, les bras croisés derrière la tête, une émission en replay lancé sur son ordinateur portable. Lorsqu'il se réveilla, il n'avait même pas eu conscience de s'être endormi. La couleur du ciel, lui indiqua que la soirée devait être bien entamée et son portable lui confirma que l'heure du dîner était passé. Le grognement de son estomac lui rappela qu'il avait sauté le déjeuner, par flemme de se préparer à manger et il ne se sentait pas plus motivé pour le dîner. Son grand-père lui avait laissé les clés de sa voiture, la petite, qu'il utilisait pour aller à la pêche ou pour les trajets quotidiens qui n'allaient pas plus loin que Sherwood. Et il quitta la maison après avoir fermé derrière lui, ses reflexes de citadin prenant le dessus.
Gravel Ridge avait beau être une toute petite ville avec très peu de commerce, un fast-food y avait pourtant sa place. Il était de taille modeste mais proposait les mêmes produits que les autres établissements de la chaine. Le concept était un peu particulier, ce n'était pas un restaurant à proprement parler mais plutôt un Drive-In. Autrement dit, on y venait en voiture, la commande se faisait à une borne et on vous remettait ensuite la commande à emporter. Toutefois, pour ceux qui souhaitaient se restaurer sur places, quelques tables étaient disponibles pour s'y installer. Harry commanda un menu à base de hotdog qui était accompagné de frites et d'une boisson. Un milkshake à la vanille venait parachever le tout. Il décida que manger seul ici ou à la maison ne changerait pas grand chose et il décida de s'installer sur place, songeant que lui et sa solitude s'étaient plutôt bien apprivoisés. Quelques familles et groupes d'amis dînaient autour de lui et il prit son temps pour déguster toutes ces calories et mauvaises graisses, ô combien réconfortantes. Il allait se lever pour jeter les restes de son repas quand une main se posa sur son épaule.
- Harry ?
VOUS LISEZ
Gravel Ridge (l.s)
FanfictionCETTE FICTION NE M'APPARTIENT PAS DU TOUT Je NE FAIS QUE LA METTRE SUR WATTPAD CAR JE PENSE QU'ELLE MÉRITE D'ÊTRE LUE PAR TOUT LE MONDE. Bienvenue à Gravel Ridge, Arkansas. 2500 habitants. Quelques commerces, des rues sans trottoir. Une ville où i...