Gravel Ridge (l.s)

Chapitre 9 : Summer buddies

Comme tous les matins depuis qu'il était à Gravel Ridge, Harry se leva tôt, alors que le soleil dépassait à peine la ligne d'horizon. Il avala un grand verre d'eau, enfila short, tee-shirt, baskets et quitta Hollyridge Court en trottinant pour s'échauffer. Ses cheveux étaient retenus par un bandana qui maintenait aussi ses écouteurs bien en place. Ses foulées s'allongèrent alors que la musique lui insufflait le rythme à tenir. Le premier kilomètre était toujours le plus difficile, mais il savait qu'une fois la maison des Tomlinson dépassée la course devenait plus aisée. Ses muscles chauds le portaient plus facilement, sa respiration se régulait parfaitement et son esprit était uniquement centré sur l'effort. La troisième chanson s'acheva et le court silence avant la suivante lui laissa entendre un bruit de course derrière lui. Intrigué, il se retourna brièvement pour voir Louis qui courait derrière lui. Un sourire naquit sur ses lèvres alors qu'il se concentrait à nouveau sur la route et sur sa respiration.

- A, B, C, D récitait-il mentalement à chaque inhalation. Qui se poursuivait sur « E, F, G » quand il expirait. C'était le meilleur moyen qu'il avait de garder un rythme satisfaisant sans trop s'essouffler.

Louis remonta jusqu'à son niveau et sans parler, chacun dans sa course avec sa propre musique, ils continuèrent leur jogging pendant près d'une heure. Ils arrivèrent ensemble à Hollyridge Court et Louis s'arrêta en même temps qu'Harry devant la maison des Maine. Alors qu'ils reprenaient leur souffle, toujours silencieux, il lui tendit son poing pour ce qui était devenu leur signe de salut.

- Désolé, c'était un peu creepy, mais je te vois passer tous les jours et je me suis dit que ça sera plus cool de courir avec quelqu'un plutôt que tout seul, expliqua Louis en suivant Harry dans la cuisine où celui-ci lui offrit un verre d'eau bien fraîche.

- Pas de souci, t'as raison, c'est mieux à deux. Surtout qu'on a l'air d'avoir le même rythme

- J'ai essayé de courir avec Ash, mais il parle, il parle, il parle, putain de pipelette, sourit Louis en finissant son verre.

A cet instant, Rose entra dans la pièce, et leva rapidement un sourcil en voyant ces deux grands garçons en transpiration dans sa cuisine. Mais elle se reprit bien vite.

- Oh Louis ! Ca fait si longtemps. Tu vas bien ? Tu restes avec nous pour le petit déjeuner ?  proposa-t-elle.

Louis lui serra la main, et reposa son verre.

- Merci Madame Maine, mais il faut que je rentre prendre une douche et après je file au travail, John va râler si je suis en retard.

- Toujours le même ! Je suis sûre qu'il parle toujours tout seul en râlant après ses voitures ?

- Tout à fait ! rit Louis.

- Je ne te retiens pas, mais il faudra que tu viennes dîner ! ajouta Rose en ouvrant le frigo pour sortir des œufs.

- Avec plaisir. Au revoir Madame ! Passez le bonjour à Greg de ma part !

Harry le raccompagna dehors en demandant :

- Tu veux que je te ramène ?

- Non, t'inquiète pas, je vais pas mettre longtemps. Au fait, on se fait un Sonic ce soir, tu viens ?

- Yep, quelle heure ?

- Dix-neuf heures là-bas, t'as une voiture ?

- Oui, j'ai celle de mon grand-père.

- Parfait, à ce soir !

Et Louis repartit à petites foulées après un dernier salut à son ami, accompagné d'un sourire éclatant.

Harry se rendit compte qu'il souriait lui aussi en pénétrant à nouveau dans la fraîcheur de la maison. Le sourire de Louis était contagieux. Louis était contagieux. Il avait choppé le virus, il le savait. Ces vacances prenaient une tournure surprenante.

- Toujours brouillés tes œufs, mon chéri ? demanda sa grand-mère alors qu'il la rejoignait à côté de la cuisinière.

- Toujours, répondit Harry en saisissant la cafetière. Il servit trois tasses ainsi que trois verres de jus d'orange, qu'il disposa sur la table. Il se choisit une belle grappe de raisin et mis des toasts à griller.

- Tu avais raison, le petit Tomlinson a bien grandi, il est devenu très beau garçon !

- Ah ça, je te confirme. D'ailleurs, si ça ne vous dérange pas, je vais dîner avec lui et les autres ce soir.

Il leur avait parlé du petit groupe d'amis de Louis, ses grands-parents avaient été surpris mais aussi ravis qu'Harry cesse de rester seul et isolé. Il semblait retrouver peu à peu un sourire qu'il n'avait plus depuis son arrivée, il avait plus de couleurs que quelques semaines auparavant et semblait plus présent, moins perdu dans des pensées qu'ils devinaient noires. Greg et Rose avaient clairement perçus ce net changement de comportement depuis que Louis était réapparu dans la vie de Harry. Ils n'avaient pas posé de questions sur les raisons de sa venue, même s'ils avaient rapidement compris que quelque chose n'allait pas. Il ne servait à rien de brusquer leur petit-fils, ils le savaient bien, il en avait toujours été ainsi, si Harry voulait parler, il parlerait au moment qu'il aurait choisi.

- Je vous prépare un petite quelque chose à grignoter ? demanda Rose, signifiant par la même son approbation.

- Non, merci, on va au Sonic.

- Tiens mon chéri, dit Rose en lui servant ses œufs, cuits à la perfection.

Son grand-père entra dans la cuisine à ce moment là et le petit déjeuner se poursuivit tranquillement.


Vêtu d'un jean noir serré sur ses longues jambes et d'un tee-shirt blanc qui mettait en valeur sa peau bronzée, Harry s'installa à la table que les autres avaient choisie avec le repas qu'il venait de récupérer au guichet. Ils le saluèrent tous et Jenny lui adressa un sourire tout aussi timide qu'au lac. Il était à peine assis, que les conversations reprenaient de plus belle, Ash s'agitant, un des quatre hotdogs posés devant lui à la main.

- Non, mais je crois que vous comprenez pas bien. Elle m'a dit d'aller me faire foutre !

- Qu'est-ce que tu as fait pour ça ? demanda Louis.

- Je lui ai dit que j'avais une heure de libre après le boulot, donc que je pouvais passer le chercher, et qu'on pouvait aller au lac pour baiser, répondit Ash en haussant les épaules.

- Mais t'as la subtilité d'un pachyderme ! Normal qu'elle réagisse comme ça, en plus elle a du caractère, donc forcément ça passe pas, réagit Leah.

- C'est quoi un pachyderme ?

- Une grosse bête, comme toi, répondit Tom du tac au tac.

- Je suis pas gros, je suis musclé.

Ils éclatèrent de rire devant un Ash outré.

- Peut-être que tu devrais essayer de la voir pour autre chose que baiser, suggéra Harry, ou du moins lui faire croire que.

- C'est ce qu'on se tue à lui expliquer, soupira Jenny.

- Ben, j'ai envie de la voir pour autre chose que baiser, comme tu dis. Mais j'ai aussi très envie de la baiser soupira le blond comme s'il se trouvait devant l'énigme la plus insolvable du monde.

- Ash, trésor, commença Leah. Emmène la dîner, parle lui, apprend à la connaître écoute la, fait un truc romantique, met la en valeur, offre lui des fleurs et je te promets que tu pourras avoir autant de sexe que tu le souhaites.

- Mouais, répondit l'intéressé.

- Elle a raison, ajouta Jenny.

- Elle a raison, répétèrent les jumeaux d'une seule et même voix.

- Elle a raison, ajouta Louis.

- Elle a raison, termina Harry.

Ash leva les mains en signe de reddition.

« Okay, okay, je vais faire ça, si j'ai pas ce que vous me promettez, vous vous cotisez pour me payer un strip teaseuse »

Ash était un gros nounours, un peu rustre, mais fondamentalement gentil et loyal. Il manquait juste cruellement de subtilité et ne semblait pas avoir découvert la plupart des modes d'emploi d'interactions avec les autres.

Ils terminèrent de dîner en devisant de tout et surtout de rien. Puis, ils reprirent leurs voitures pour aller jusqu'à des tables de pique-nique un peu en retrait de la route 63. Ils s'installèrent tous avec les restes de leurs boissons et les conversations continuèrent à la belle étoile, entre deux cigarettes.

Jenny était assise en face d'Harry et ils discutaient depuis un petit moment de leurs livres préférés.

- Le dernier que j'ai lu et qui m'a marqué, c'est « Looking For Alaska » de John Green, dit Harry. Je ne m'attendais pas du tout à ça et j'en suis ressorti vraiment...wow.

- Je l'ai lu aussi, je pensais que ça allait quelque chose de totalement niais et en fait pas du tout.

- Oui, il y a une double réflexion qui m'a pas mal fait gamberger. D'une part, sur le passage de l'enfance à l'âge adulte. Toutes ces questions et ces doutes, ces rites initiatiques obligatoires que tu dois traverser pour arriver à devenir « grand ». Et d'autre part, sur le deuil. J'ai rarement lu quelque chose d'aussi juste sur le ressenti de la perte de quelqu'un.

- Incroyable à quel point il arrive à mettre des mots justes sur des ressentis d'adolescents.

- Tout à fait, j'aurai jamais pu écrire de telles choses à l'âge de seize ans, mais je les ai ressenties. Et ca c'est super fort.

- Il faudrait que tu lises ses autres livres aussi, ils sont vraiment biens.

- Je les ai sur ma tablette mais j'ai pas encore eu le temps de m'y mettre.

- Bon ! C'est pas le tout mais il y a en a qui travaillent demain ! s'exclama Ash en se levant.

- Ouaip ! répondit Louis. Harry, ça te dérange pas de raccompagner Jenny ? Faut que je raccompagne Leah et c'est plus sur ta route.

- Pas de problème, répondit-il en souriant à la jeune fille.

Ils se saluèrent tous et chacun prit la route. Jenny le guida jusqu'à chez elle tandis qu'ils poursuivaient leur conversation sur John Green et juste avant qu'elle ne sorte de la voiture, après lui avoir souhaité une bonne nuit, elle lui planta un baiser sur la joue sans un mot. Elle ne se retourna pas et alors que la porte de la maison se refermait sur elle, le seul mot qui vint à l'esprit d'Harry fut « Merde ».