La petite clochette si particulière du Grind House retentit à mon entrée et l'odeur du café récemment torréfié enivra mes narines. L'intérieur mêle parfaitement le rustique et le moderne, tout ce qui plaisait à David. C'est un univers de hipster où il n'y avait pas un seul client qui ne prenait pas en photo son déjeuner ou son café pour le poster aussitôt sur internet.
Mon cousin à chaque fois quelque chose de nouveau. À peine la serveuse avait-elle eu le temps de déposer notre commande qu'il prenait une rafale de photos et me demandait quel filtre serait le meilleur pour mettre en valeur sa commande. Je le regardais un peu désabusée par ce comportement voulant dire: regarder ce que je bouffe ! C'est hyper cool hein ?!
Il avait beau m'expliquer, je ne comprenais pas cette démarche de montrer aux autres que notre vie est plus stylée que la leur. Je suis installée sur la banquette collée à la baie vitrée. Quelques minutes après, l'un des serveurs me proposa la carte composée de boissons et de plats végétariens ou vegans que David affectionnait particulièrement. Bien sûr, tout était sans gluten avec le label bio. Tout me faisait envie et mon estomac me le faisait comprendre.
- Un plat simple avec des spaghettis aux poivrons rouges grillés, s'il vous plait. demandais-je sans même ouvrir le menu.
- Bien et en boisson ?
- Rien du tout, merci.
- La préparation prendra 30 minutes, fit le serveur en me reprenant le menu.
En attendant mon plat, je sortis de mon sac de sport un de mes carnets à dessin ainsi que mon nécessaire de travail.
Bientôt son visage hantera mon esprit et mes rêves... Je haïssais ça par-dessus tout... Voir la dernière expression ou émotion de mes victimes rongeait le peu humanité qu'il me restait. Coucher ça sur papier me permettais d'extérioriser ce mal et de ne plus y penser...jusqu'à la prochaine fois. Chez moi se trouvait un nombre pharaonique de carnets remplis de ces portraits. Je retranscrivais à la perfection leurs traits, au point qu'ils paraissaient réels. Ma musique lancée, je commençais à faire l'esquisse de ma dernière victime : Henry White. Lui, c'était une expression de surprise mélangé à de la peur.
- Voici votre plat. dit le serveur machinalement
- Merci !
J'engloutis mon repas en seulement quelques secondes avant de retourner à mon dessin.
- Salut Ashley, comment ça va ? demanda une petite voix.
Je levai mon regard, c'était Sarah devant moi, les yeux fatigués et rougis par les larmes. Je bondis pour la saluer, ne l'ayant pas vue de la journée. Je lui fis la bise et l'invitai à s'asseoir à ma table.
- Merci, me répondit-elle d'une voix exténuée. Je ne voudrais pas te déranger dans ton travail.
- Tu ne me déranges absolument pas, lui assurais-je en me réinstallant. Et ce n'est pas un travail pour les cours de Monsieur Holmes, juste pour le plaisir de dessiner.
- Je peux regarder, si ce n'est pas trop indiscret ?
- Je n'y vois pas d'objection ! Mais si, espèce d'abrutie, imagine si elle reconnait une de tes victimes ! Aucune chance, c'est à peine si on a parlé d'eux dans les médias.
Après avoir commandé une salade gourmande et un smoothie pomme miel, elle feuilleta mon carnet et s'émerveilla devant mes portraits. Elle n'en revenait pas de la myriade de détails que j'apportais à mes dessins et l'incroyable palette d'émotions que je pouvais retranscrire avec une prodigieuse finesse et justesse. De l'émerveillement à la mélancolie quand elle referma mon carnet.
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Le Masque Du Mensonges
Mystery / ThrillerAshley Underwood est une fille de 19 ans sachant se fondre dans la masse grouillante de New-York, et qui, au quotidien, mène une double vie : le jour, une lycéenne préparant son avenir et la nuit, une tueuse à gage abattant ses cibles de sang-froid...