Chapitre 1 (Partie 2) : Un cours passif

28 6 4
                                    

Le cours ne m'intéresse pas des masses. En fait, je crois que j'étais juste fatiguée et que les gargouillis de mon ventre m'empêchaient d'être pleinement concentrée sur les paroles assommantes de Monsieur Holmes. Deux heures qui allaient être longues. Je m'amusais à faire du Pen spinning pour rester éveillée. Il n'y avait pas une seconde où je ne faisais pas tomber mon stylo sur mon bloc note vierge de toute écriture. Le lycée et moi ou plutôt l'école et moi ça fait deux en fait... depuis mon plus jeune âge, je n'ai jamais aimé être comme tout le monde, rentrer dans le moule très peu pour moi. Avoir l'étiquette de la  « marginale » et de « l'élève sans sous » me va très bien. Est-ce que j'ai pris mes exercices de math, moi ? Je pense que non me connaissant. Un petit rire nerveux sortait de ma bouche (le coach va me le faire payer à l'entrainement). Monsieur Holmes parlait de sa voix monocorde qui a dû assommer la moitié de la classe.

Quelqu'un toqua, monsieur Holmes arrêta son cours magistral pour dire d'entrer à la personne qui venait de toquer.

C'était un homme pas très grand, à la mâchoire carrée, au menton arrondi, les yeux étincelants malgré un âge avancé, un peu à l'étroit dans son costume noir, un pin's avec la mascotte du lycée accroché sur le revers de son col. Des cheveux châtains foncés parfaitement coiffés malgré deux mèches se battant en duel, un bouc et des favoris (ou rouflaquettes comme vous voulez) parfaitement entretenus (le barbier est passé par là). Je remarquai sur la joue gauche une longue cicatrice qui recouvrait aussi l'oreille. Cet homme était le proviseur du lycée, Monsieur Théodore Thompson, surnommé par les élèves, « l'ours » à cause de sa morphologie : petit-homme au gros ventre mais aux bras de charpentier et au fait qu'il était rare de le voir dans les couloirs du lycée.

Ses yeux marron clairs se portèrent sur moi et un petit rictus apparu sur son visage renfrogné d'ours mal léché. Il se racla la gorge avant de prendre la parole :

- Vous savez que demain votre camarade Ashley à un match de boxe qui aura lieu ici, déclara le proviseur de sa voix claire.

Pourquoi me regardaient-ils tous comme ça, c'est juste un match, certes le premier du tournois qui se déroulera pour la première fois au lycée, mais bon pas de quoi en faire un plat.

- Et vous devez tous venir ! J'ai bien dis tous pour encourager votre camarade ! insista lourdement le proviseur qui menaçait quasiment les élèves de venir. Le match est à 16H00. C'est noté ?!

Tous les élèves répondirent tout en cœur d'un oui plus au moins convaincant. Franchement, qui aimerait gâcher son vendredi après-midi au lycée pour voir un match où deux nanas vont s'entretuer sur un ring durant au moins une heure ? Rien que d'y penser mes poings se crispaient, prêts à en découdre. L'excitation de la veille d'un match, je tremble rien que de penser au tonnerre d'applaudissements de la foule en délire, scandant mon surnom « False» car durant mes 14 matchs « officiels » mes adversaires n'arrivaient qu'à de rares occasions à me toucher et me revoir arriver.

- J'ai aussi une autre nouvelle à vous annoncer, votre camarade Sarah Blair va dès aujourd'hui réintégrer le lycée et la spécialité Art.

Les dernières paroles du proviseur disparaissent petit à petit. Sarah Blair, va revenir... pourquoi ? Après tout ce qui lui est arrivé ? Même moi j'aurais fui loin d'ici ce lycée fait de faux-semblant, d'ailleurs cette ville entière est pourrie jusqu'à la moelle, j'en ai eu la preuve il y a quelque heures. Je dirais même que ce monde ne tourne pas rond.

Le proviseur Thompson fit rentrer Sarah en présence d'une personne que je connaissais que trop bien par le passé mais dont je préférais éviter tout contact visuel, du moins pour le moment (un jour viendra où je lui collerais une balle entre les deux yeux à cette enflure). Je portais mon attention sur Sarah, qui cachait tant bien que mal ses yeux verts rougis par les larmes derrière ses longs cheveux d'or. Je pouvais sentir d'ici que rien n'allait pour elle, et revenir dans ce lieu n'était pas la meilleure chose à faire à mon avis.

Monsieur Holmes, lui, avait le sourire aux lèvres de retrouver l'une de ses meilleures élèves. Tu m'étonnes, personne ne savait ce qu'il lui était arrivé ou faisait semblant de pas savoir.

Un petit bruit renfrogné sortit des lèvres des élèves et des murmures arrivèrent à mes oreilles « Qu'est-ce qu'elle fait là ? », « Je pensais qu'elle était morte », « Ouais Russell m'avait dit qu'elle s'était suicidée durant l'été », « Non, Ferres m'a dit que sa mère l'a envoyé dans un centre pour adolescents », « Ouais, c'est vrai, ma tante qui y travaille l'a vue », « P'tain la pauvre » « Quoi la pauvre, t'a vue la vidéo, elle brulera en enfer pour ça » «  La religion n'a rien avoir avec ça, t'es con ! ». Et pour lancer des rumeurs, attendez que la personne ne soit pas là, ce serait sympa.

- Sarah tu peux t'assoir à côté de Ashley, fit monsieur Holmes sourire aux lèvres n'entendant pas les commentaires de ses élèves. Elle pourra aussi te donner ses notes pour que tu ne sois pas trop perdue.

D'un pas lent, Sarah s'avança vers le fond de la classe, sous le regard et le chuchotement accusateur de nos chers camarades de classe. Je trouvais ça dégueulasse, ils continuaient à remuer le couteau dans la plaie ! Une plaie déjà bien assez profonde à mon avis...Mes poing me démangeaient. Elle s'installa à côté de moi, c'est à peine si elle m'adressa un regard, sa tête toujours baissée, elle sortit ses affaires. L'étincelle de vie qui animait autrefois ses yeux avait disparu sous la force et le poids des autres qui prétendaient être ses amis. Une journée et elle était devenue une paria alors qu'elle trônait au sommet, un sommet mérité : elle était membre du conseil des élèves et allait être élue président. Toujours investie à 200 % dans tous des événements du lycée, elle donnait des cours de soutien aux collégiens (l'établissement fait lycée-collège), et elle avait le cœur sur la main. Je me rappellerais toujours de ses dessins exposés un peu partout dans le lycée, elle nous surpassait tous, même Monsieur Holmes s'inclinait par moment. Il faut savoir que c'est un grand artiste qui est exposé dans les plus grandes galeries du monde.

Etant encore plus passive, j'observais l'écriture excitante de Sarah visiblement à cran. Ses notes ne ressemblaient plus à rien à cause de ses larmes qui coulaient le long de ses jolies joues creuses (manque d'alimentation d'après moi), et ses yeux...je n'en parle pas. La voir comme ça me fait de la peine, je sortis de ma poche intérieure de ma doudoune un mouchoir.

- Tien, lui dis-je amicalement en essayant de sourire du mieux que je pouvais. Pleurer devant eux leur donne de l'importance, montre leur que leurs paroles ne te touchent pas.

Elle prit mon mouchoir, et jeta un petit regard vers moi, puis me remercia d'une voix faible.

Le Masque Du Mensonges Où les histoires vivent. Découvrez maintenant