Un mail qui chamboule tout

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Une bonne semaine après ma séance de remémoration des Noël de mon enfance, je dus reconnaître que je me sentais plutôt mitigée. Pour être plus exacte, j'étais en pleine période de réflexion sur moi-même.

Mon salaire mensuel n'était pas spectaculaire contrairement à certains, mais il était loin d'être minable par rapport à d'autres. Je ne faisais pas le métier de mes rêves, même si en vrai, je pouvais le toucher du bout des doigts. Mon appartement était basique, de même que sa décoration et son loyer, pas des plus excessifs par rapport à ce qu'il proposait.

Heureusement tout de même, parmi les vrais points positifs je pouvais compter l'homme avec qui je partageais ma vie, puis mes quelques amis.

Seulement voilà, mon esprit lui, n'était pas tranquille. Pour être plus exacte, je me sentais coupable. Coupable d'une vieille dispute inachevée et inexpliquée. Coupable d'avoir fui. Coupable de ne pas avoir tenté de renouer les liens. Coupable de penser encore à tout cela des années après.

Il m'arrivait parfois de me demander si j'avais suivi la bonne route. Qui pouvait vraiment savoir s'il avait fait le bon choix ? La vie n'était qu'un nuage de statistiques, de probabilités ou comme j'aimais dire : de chemins parallèles, plus longs, plus courts, plus joyeux, plus sombres que ceux des personnes que nous avions croisées à l'angle d'une rue. J'avais beau avoir fait des études littéraires, j'avais toujours apprécié l'esprit mathématicien... de collège disons.

Malheureusement, à cette heure-ci de la matinée, je ne pouvais désormais plus laisser mon esprit divaguer et tout ça à cause d'Elsa Pivoine, ou plutôt de ses plaintes. Cela faisait bien cinq minutes que je l'entendais parler de son bouledogue français qui boudait sa gamelle depuis pratiquement deux jours.

Sauf que pour être tout à fait honnête, le véritable problème était qu'en partant au boulot ce matin, j'avais vu que j'avais reçu un mail de ma mère (chose qui était assez rare) et comme je n'avais pas eu le temps de le lire à l'appartement, je m'étais dit que je prendrais quelques minutes pour le faire ici, à 12h01. Car contrairement à ma collègue de boulot, qui braillait de plus en plus fort, je ne passais pas ma vie sur mon portable. Pour dire, je ne consultais jamais mon courriel sur celui-ci, pas plus que je ne prenais de photos. Pourquoi ?Peut-être parce que j'étais de la vieille école et que je faisais partie de ceux qui n'utilisaient un portable que pour contacter les gens et non pas comme un Polaroid ou un MP3.

Tout cela pour dire que j'avais ouvert mon mail sur l'ordinateur, tout de suite après avoir pris ma pause du midi. Et c'était là que ma grossière erreur avait débuté. Je regrettais désormais mon geste car l'annonce de cette dernière avait réussi à me contrarier. En même temps, qui ne l'aurait pas été compte tenu des circonstances ?

C'était la troisième fois que je soupirais en l'espace de deux minutes. Ce message devait m'amener à prendre une décision, et justement, j'avais horreur de cela. Je me retrouvais une fois de plus devant ce schéma de routes se croisant, et j'étais incapable de savoir laquelle semblait la plus sécurisée, la plus fiable, la plus courte, la plus juste, la plus...

— Qu'est-ce qu'il y a ? demanda subitement Eve que je n'avais pas entendue arriver.

Ma collègue de boulot se posta derrière moi pour voir ce qui me tracassait et son coude cogna malencontreusement dans mon dos tandis qu'elle réajustait ses grosses lunettes carrées rouges. Je grimaçai sous la douleur. Il n'y avait aucun doute, j'allais avoir le droit à un petit autographe pendant quelques jours puisque ma peau marquait énormément.

Ankylosée à cause des nombreuses heures que j'avais passées assise, je décidai de bouger un peu sur ma chaise pour détendre mes muscles. Alors que je faisais ma petite séance de rotation de buste, Eve se pencha en avant pour lire mon mail. En effet, c'était un de ses passe-temps favoris : se mêler de ce qui ne la regardait pas. Et elle le faisait toujours sans être ne serait-ce qu'un peu gênée...

Noël chez les Carlier (Terminée)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant