Retour au bercail

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Mes tracas concernant mon retour s'envolèrent dès l'instant que nous nous enfonçâmes dans Solivar.

Passer devant la boulangerie de mon enfance fit ressurgir des souvenirs. Je me revoyais aller quémander des pâtisseries avec ma meilleure amie de l'époque, Chloé.

La maison d'angle à la rue De la Montagne me valut un sourire mélancolique. Je me rappelais que les propriétaires de la demeure (qui avait l'allure cottage et que j'affectionnais particulièrement) étaient âgés à l'époque. Probablement n'étaient-ils plus en vie désormais. À mon départ, si je me souvenais bien, il ne restait déjà plus qu'Albert Pignard et il n'était pas en très bonne santé...

Penser à lui me fit songer à ma grand-mère et je me mordis les lèvres. Avec tout cela, j'avais presque oublié l'état de cette dernière. Je m'étais focalisée sur ma mère seulement. Une immense tristesse m'attrapa.

Heureusement, les décorations qui égayaient le village apaisèrent un peu mon cœur. Même si nous étions loin d'être aussi nombreux qu'à Nantes, les Solivariens étaient festifs et ne manquaient jamais une occasion pour faire briller les lieux.

La maison familiale était sur les hauteurs du village, au bout d'une voie sans issue. Même si nous n'étions pas les plus riches du patelin, nous avions une belle demeure. Celle-ci ressemblait plus à un immense chalet qu'autre chose d'ailleurs et c'était ce qui faisait son charme et sa différence dans le village.

Voir sa devanture éclairée par des dizaines de guirlandes électriques me fit quelque chose. Me garer devant cette dernière encore plus. Ce fut les jambes tremblantes que je sortis de ma voiture et Lucien me sauta pratiquement aussitôt dessus.

Était-ce moi ou bien il faisait encore plus froid que précédemment ? Évidemment, il était plus tard. Les températures négatives détraquaient probablement mon cerveau, ce qui faisait que je réfléchissais à deux à l'heure et n'importe comment surtout.

— Je sais que je ne devrais rien dire, mais ne sois pas surprise, il y a tout un attroupement dans la maison. Ton retour est la nouvelle du siècle pour la plupart, alors beaucoup ont souhaité être là pour ton arrivée. Je sais que tu n'affectionnes pas trop ce genre de manifestation alors... Puis comme je préfère t'éviter un arrêt cardiaque, je dois t'informer qu'ils ont prévu des pétards pour ton entrée.

Des pétards... C'était tellement digne de ma mère tout ça. Excentrique à souhait. Je me souvenais encore de la honte que je ressentais lorsqu'elle venait autrefois me récupérer au lycée, dans sa vieille épave qui crachait de la fumée, les collants rayés de toutes les couleurs, le bonnet de Noël sur la tête et qu'elle donnait un bon gros coup de klaxon car elle pensait je ne l'avais pas vue alors que j'essayais jute d'être la plus discrète possible pour la rejoindre.

C'était une scène assez facile à imaginer, n'est-ce pas ? Eh bien moi, c'était pire. Car je l'avais vécue ! Le cauchemar éveillé...

Lucien, ma valise à la main, me laissa passer devant. Maintenant qu'il n'était plus cagoulé et que son visage était éclairé, je pouvais le dire, mon frère devait avoir du succès avec la gent féminine (même si je trouvais que les cheveux pratiquement rasés n'était pas la meilleure des coiffures qu'il avait pu avoir). Ses pupilles noisette brillaient. Il s'agissait peut-être de la seule ressemblance entre nous deux, la couleur de nos yeux. Car hormis cela, il était grand alors que j'étais petite (enfin... moyenne), il était plutôt bien charpenté (contrairement à l'adolescent maigrichon que j'avais quitté cinq ans plus tôt) tandis que j'étais toute fluette. Il avait les cheveux souples (quand ils n'étaient pas rasés), je les avais raides comme des baguettes de tambour. Alors en effet, nous étions tous les deux châtain foncé. Mais il s'agissait là de la deuxième et dernière ressemble.

Noël chez les Carlier (Terminée)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant