Nous arrivâmes à destination une heure plus tard. Je remerciai pour la énième fois Lucien de m'avoir parlé de Chloé (la confiance qu'il me faisait me réchauffait le cœur) et de m'avoir amenée jusqu'ici.
Lorsque j'habitais à Solivar, il n'était pas rare que l'on se rende à Albertville avec maman. Sauf qu'à l'époque, le centre commercial était bien plus petit. La ville avait connu de nombreuses modifications depuis mon départ.
— Elle est à l'intérieur, lança Lucien en me donnant un coup de coude pour que j'arrête de détailler le bâtiment et que je le suive.
J'étais un peu stressée à l'idée de revoir Chloé, surtout maintenant que je connaissais un peu plus son histoire et que je savais quelle relation elle entretenait avec mon frère. Bon sang, n'avais-je pas la mauvaise place désormais ? Si, j'avais celle de la meilleure amie qui n'avait rien su voir et comprendre. Celle qui lui avait tourné le dos. Enfin, qui avait fini par lui tourner le dos.
Pourtant, j'aurais pu insister. Certes, peut-être ne m'aurait-elle jamais répondu, mais j'aurais pu essayer. J'aurais pu ne pas abandonner aussi facilement. Chloé l'aurait mérité. En effet, elle aurait mérité d'avoir une amie qui se batte pour elle.
— La bijouterie est de l'autre côté, m'informa Lucien que je suivais toujours silencieusement, mais avant je dois t'amener voir quelqu'un.
Comme il ne donna pas plus de détail, je fronçai les sourcils. Je marchai, non sans laisser mon regard se poser sur quelques vitrines décorées et écouter la musique que diffusaient les hauts parleurs. Le centre commercial était bien illuminé mais je préférais tout de même Solivar. C'était plus magique encore chez nous. Plus petit. Plus conviviale. Plus sincère.
— Tiens, regarde, souffla Lucien qui venait de se stopper.
Il me montra quelque chose du doigt mais le problème était qu'il y avait tellement de monde que je n'arrivai pas à voir de quoi il s'agissait. Alors mon frère me suggéra d'avancer, chose que nous fîmes, non sans nous attirer quelques regards noirs. Sa main attrapa la mienne dès l'instant qu'il se rendit compte que j'étais en difficulté pour me faufiler parmi les gens.
Nous nous arrêtâmes finalement devant un traîneau dans lequel était installé un homme barbu et vêtu d'un costume rouge. J'envoyai un regard noir à mon frère. Quel sale coup me préparait-il encore ? Ma famille était vraiment épuisante parfois quand même !
— Tu ne veux pas apporter ta liste au Père Noël ? se moqua-t-il.
— Très drôle Lucien, moi qui me disais tout à l'heure que tu étais mature, finalement, je crois que je me suis plantée.
Mon frère rigola et cela me donna envie de le critiquer un peu plus.
D'ailleurs, je regrettai de ne pas l'avoir fait, une minute plus tard lorsque en repartant, il me fit longer la petite scène et me donna subitement un coup de hanche. Déstabilisée, je perdis équilibre et finis honteusement à quatre pattes dans la fausse neige, sous le regard de tout le monde.
Doux Jésus, ce... J'aurais aimé avoir un super pouvoir pour me téléporter n'importe où ailleurs qu'ici dans la seconde qui suivait, sauf que je n'étais pas Diablo.
— Ho ho ho, eh bien ! lança le Père Noël en se levant dans son traîneau. On dirait que certains sont pressés de venir donner leur liste, rigola-t-il avant de descendre et de se diriger vers moi.
Non non non, dîtes-moi que c'est une plaisanterie...
Le Père Noël s'agenouilla devant moi puis me tendit la main. Mes yeux remontèrent sur ses bottes noires puis son costume rouge et enfin son visage.
— Peut-être que cette charmante demoiselle voulait prendre une photo ?
J'eus envie de lui arracher sa barbe, rien que pour me venger (par procuration) de mon frère, mais je songeai aux enfants qui regardaient et me dis que je ne pouvais pas détruire leur rêve de la sorte.
— Non, merci bien mais je passais ici seulement par hasard ! rétorquai-je, causant quelques fous rires dans l'assemblée.
Que y avait-il de marrant ? J'allais tuer Lucien. J'aillais le tuer. Oui, j'allais commettre le premier meurtre de ma vie.
— Voyons Amandine, c'est pas bien de mentir ! déclara le Père Noël.
Mon sang se glaça et mes yeux s'agrandirent. Comment se faisait-il que cet homme connaissait mon prénom ?
— Mais... comment est-ce que... bafouillai-je.
— Je connais le prénom de tous les enfants sur Terre ainsi que ceux qui ne sont plus tout à fait des enfants.
Il me tendit la main et je compris que j'allais devoir accepter son aide si je voulais savoir comment cet imposteur connaissait mon identité.
— Qu'est-ce que c'est que cette histoire ? murmurai-je en fronçant les sourcils.
— Alors dis-moi Amandine, répondit en contre-partie le barbu qui tenait toujours ma main, que veux-tu pour Noël ?
Roman. Oh oui, Roman tout entier, rien que pour moi.
Je voulais que Roman me serre dans ses bras. C'était tout ce que je souhaitais. Il était le plus important à mes yeux.
L'homme au costume rouge remonta sur son traîneau et je me figeai en réalisant qu'il m'entraînait avec lui. Ah non ! Il était hors de question que je monte dans ce machin ! Pas devant tant de monde, pas en compagnie du Père Noël. C'était une menace d'humiliation. Que disais-je ? Une tentative d'humiliation même !
— Qu'elle est mignonne, souffla l'homme en lâchant son vieux rire.
J'eus envie de rouler des yeux mais mon attention se porta soudainement sur son apparence. C'était étrange, ce regard clair, ces sourcils blonds et ce nez me disaient quelque chose. Pourtant impossible de mettre un nom sur ce visage...
Je donnai un coup d'œil vers Lucien qui, les bras croisés et un sourire ridicule collé au visage, ne ratait pas une miette de la scène. Quel diablotin !
— Viens donc t'asseoir Amandine, dit le Père Noël en tapotant ses genoux. Alors dis-moi, as-tu été sage cette année ?
Ça suffisait avec cette plaisanterie de mauvais goût ! La situation était complètement ridicule et bien qu'il y avait plus d'enfants que d'adultes, j'étais certaine que je n'étais pas la seule à trouver tout ceci déplacé.
— Qui êtes-vous ? demandai-je à voix basse.
Il suffit d'un simple coup de main pour que je finisse sur les genoux du barbu.
Figée comme pas possible, je regardai autour de moi, le visage en feu. J'avais l'impression que j'étais en train de cuir. La honte. La honte de ma vie...
— Un petit sourire pour la photo ! s'écria une femme vêtue d'un costume vert de lutin.
— Quand je raconterai ça à Chloé, elle sera morte de rire, souffla une voix soudainement plus jeune qu'avant. Dire que c'est la première fois que j'ai l'honneur de servir de chaise à ce beau petit cul. Ce moment restera gravé à tout jamais dans ma mémoire.
Je tournai la tête et ouvris grand les yeux.
Non ! Comment avais-je pu passer à côté ? Évidemment, il ne pouvait s'agir que d'un ami à mon frère... Voilà pourquoi ces iris bleues m'avaient paru familières.
— Bravo Gauthier ! répondis-je en prenant le chocolat que me tendait la lutine.
J'avais autant envie de l'étriper lui que mon frère. Il venait de m'humilier en public, même si je savais que ce n'était pas partie d'une mauvaise intention de sa part.
— Tu as réussi à me faire flipper et à me foutre la honte. Je suis certaine que ta sœur sera ravie d'apprendre que même si tu as rembourré ton costume avec des coussins pour te donner de l'embonpoint, que tu portes une barbe affreuse et que tu essayais de prendre la voix d'un vieil homme, tu es toujours le crétin d'ami de mon frère et que tu n'as même pas la moitié de tes vingts ans en âge mental !
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Noël chez les Carlier (Terminée)
Literatura FemininaLe jour où Amandine reçoit un mail de sa mère lui annonçant que sa grand-mère Rose est mourante et que le dernier souhait de cette dernière est de revoir sa petite fille, la jeune femme est catégorique : il est hors de question qu'elle revienne dans...