Noël chez les Carlier (Terminée)

Prise de décision

À peine fus-je de retour à mon étage que des regards se posèrent sur moi. Encore sur les nerfs par rapport à ma conversation avec Roman durant le déjeuner, je tentai d'ignorer mon cœur lourd qui pleurait depuis que j'avais quitté la cafétéria. Je m'en voulais déjà de m'être énervée de la sorte. Mais je savais bien, également, que je ne pouvais pas revenir en arrière. Du moins, pas tout de suite. Pas tant que je devais me rendre au boulot.

Alors par conséquent, j'avais besoin de calme.

Je me doutais que mon visage fermé allait être source de nouvelles rumeurs concernant ma supposée séparation avec mon petit ami. Celle qui les créerait serait bien évidemment Elsa qui, justement passa à côté de mon poste et fit celle qui ne m'avait pas vue.

— Pauvre Amandine, le mec et maintenant le boulot, souffla-t-elle faussement embêtée.

Sa réplique m'interpella. Je fronçai les sourcils et quittai aussitôt ma chaise en voyant que la langue de vipère continuait sa route. Avait-elle vraiment dit « boulot » ? Qu'est-ce que cette fouine savait que je ne savais pas ?

— Elsa ? l'appelai-je en passant la tête par l'encadrement de la porte (toujours ouverte pour faciliter les déplacements, paroles du directeur en personne). Le boulot ? répétai-je.

Cette dernière feignit la surprise en me voyant. La main sur la poitrine, elle regarda autour d'elle puis après cinq secondes de fausse hésitation, elle balança :

— Ne me dis pas que tu n'étais pas au courant que monsieur Marchant ne comptait pas renouveler ton contrat ?

Même si je ne pus voir ma tête dans un miroir, je sus que celle-ci plût à Elsa. Elle semblait carrément réjouit.

Si j'avais pu croire durant mes deux premiers jours ici qu'elle m'aimait bien, j'avais vite réalisé que c'était dû à un sale tour de mon imagination et un bon jeu d'actrice de la part de cette peste. Car avec elle, les mots gentils, les sourires, toutes les attentions données à autrui ne se résumaient qu'à un seul mot : l'hypocrisie.

— Oh c'est vraiment moche de sa part ! continua-t-elle. Je suis sûre qu'il comptait bientôt t'en parler...

Oui évidemment, la veille de la fin de mon contrat, autrement dit le 30 décembre ?

En reprenant le boulot à partir du 26 décembre, cela ne lui laissait pas énormément de temps pour me mettre au courant de la situation... Quand je repensais au fait qu'il n'avait pas arrêté de faire des louanges sur mon travail pendant plus de trois mois ! Quel hypocrite ! Peut-être pire qu'Elsa même !

J'avais fait du bon boulot durant deux ans. Comment pouvait-il revenir sur ses mots et ne pas m'en faire part ? Comment pouvait-il me laisser croire que je serai encore là l'année prochaine alors qu'il n'avait nullement l'intention de renouveler mon contrat ? Même moi, comment avais-je pu gober une telle chose ? Quelle idiote j'étais, une fois de plus !

— Ne t'en fais pas, personne n'est au courant. Sauf la directrice de collection et moi puisque j'ai entendu leur conversation, rajouta Elsa qui bien sûr ne me disait pas cela pour véritablement me rassurer.

Celle-ci ne s'attarda pas, trouvant comme excuse le fait qu'elle reprenait bientôt le boulot.

Je la regardai s'éloigner en zieutant à droite à gauche, à la recherche de secrets croustillants à découvrir. Elsa était une sale garce. Oui, enfin je m'autorisais à le penser !

Elle ne me manquera pas, c'est sûr, me dis-je pour me remonter le moral. Au moins, je n'aurais plus à craindre qu'elle déforme tous mes propos.

Cette annonce additionnée à ma dispute avec Roman et voilà que j'avais envie de me glisser sous ma couette pour pleurer comme une madeleine. Bien que je n'étais pas du genre à inonder les locaux (ou ma chambre) pour un rien, je devais reconnaître que le médecin avait raison : le bouleversement hormonal jouait sur mes émotions et je devenais vulnérable.