Chapitre 5- 2 : Le Paradis est convoité, mais personne ne veut mourir.

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Malgré la pluie qui lui brouillait la vue, penché sur le toit de la Chambres des Lords, il surveillait la sortie de ces aristocrates pompeux nommés par la reine. Si quelqu'un l'avait aperçu à ce moment là, la ressemblance avec les chimères architecturales auraient été flagrante. De prime abord une statue à l'aspect fantastique et effrayante, les gargouilles avaient bien plus qu'un rôle décoratif. Elles étaient les gardiennes du Bien, celles qui éloignaient les forces du Mal par leur laideur. Ironique non ? Car il était Mastéma*, le Porteur de lumière. Celle qui obscurcit les cœurs, celle qui créer des monstres.

Il se trouvait donc à l'endroit même où la gargouille, à présent réduite en miettes, épiait quelques heures plus tôt. Son manteau noir avait depuis longtemps absorbé l'eau pluvieuse, pesant sur ses épaules. Sa main à la mécanique d'ordinaire si bien huilée, se voyait ralenti par la rouille, conséquence de ce temps humide. Il allait devoir rendre une petite visite aux sorcières, soit rabibocher une protection imperméable pour sa main, où elle ne ferait pas long feux sur les terres anglaises. Son éternuement résonna comme un puissant canon de guerre à travers l'arrondissement londonien de la Cité de Westminster. Il avait même cru voir la bordure de la rive gauche de la Tamise onduler sous le souffle de la déflagration. Pour la discrétion, on repassera. C'est dans ce moment de flottement que sa cible se décida à sortir de la Chambre. Il devait faire vite, le couvre feux tomberait bientôt sur la ville et des sphères d'un gris métalliques paraderaient dans les rues, surveillant les moindres recoins, à la recherche de celui ou celle qui oserait se rebeller contre les ordres de sa Majesté. Entre nous, seul un arriéré se baladerait au beau milieu de la nuit, dans une ville où se côtoyaient les plus terrifiantes créatures révélées à ce jour. Il ne les craignait pas, ni les sphères ni les monstres, oh non, le Diable ne craignait personne. Mais s'il avait fabriqué un détecteur de mouvement, ce n'était pas dans le seul but de pouvoir tuer en toute tranquillité.

Habillé d'un pantalon en daim trop serré, une veste par-dessus sa chemise blanche comme neige, son chapeau haut de forme sur la tête, que sa cible était belle se pavanant ainsi dans les rues sombres de Londres. Ignorante des dangers qui la guettaient, il la contemplait. Dans ses yeux, une lueur malsaine s'y été logée. Elle se retourna, suspicieuse, quand un bruit se fit entendre. Personne.

« Sûrement un rat profitant de son festin. Il faudra que j'en parle à la prochaine réunion des Lords, nettoyer les rues devient primordial. Et acheter une deuxième calèche. Qu'est-ce qui m'a pris d'autoriser ma femme à se rendre à la réunion hebdomadaire de Lady Gombrich ? Allé Gaston, vingt minutes de marche ne pourra pas te faire du mal. Comme dit ta femme 'vous vous empâtez mon tendre' ».

Des coups d'œil involontaires par-dessus ses épaules, des foulées plus grandes qui le faisaient légèrement tanguer, une goutte de sueur perlant sur ses tempes grisâtres. Il sait exactement à quoi pensait sa cible, les battements effrénés de son cœur lui parvenaient comme une suave mélodie. Il sentait sa propre excitation monter, la chasse commençait enfin.

Il sauta finalement du toit, avide de sang. Pour une raison encore inconnue, il se rappela de ces traditions druidiques de l'ancien temps. Celles qui, aux noms de dieux, se livraient à des rituels barbares. Il allait enfin pouvoir se défaire de tout ce qui entravait son esprit, se purifier. 

Mastéma plaqua sa cible sur le sol humide. Sa langue lécha l'air, s'imprégnant des phéromones émises par sa victime. Il prit son fameux fils à coudre doré, modifié en cette occasion par des fils en osier, et se mit au travail. Hop, une paupière cousue. Des râles de détresse échappèrent des fines lèvres de sa victime. Le sang perlait au bout de ses cils, créant de longs sillons de larmes. Elles se mirent à couler dès que l'aiguille transperça la peau sensible de sa deuxième paupière. Que les cris d'agonie de son sacrifice étaient délectables. Une fois le délicat travaille de couture finalisé, Mastéma sortit sa nouvelle acquisition. La pointe aiguisée du poignard se fit caressante sur sa peau abîmée par l'âge, il ne voulait surtout pas casser son œuvre d'art. Quand il eut fini de la perfectionner, l'aristocrate se tenait allongé sous la pluie, sans bouger. Mort. Torturé. Parfait... ou presque. Il lui manquait la touche finale : l'ardeur de son admiration. Et ses yeux clos s'enflammèrent.

« Ô douce Thémis, toi qui représentes la loi divine, mets mon monde en feu, regarde-moi brûler. Je t'attends dans mon lit drapé de soie, ivre de passion, prêt à obéir à tes moindres désirs tant que ton destin se mêle au mien... pour l'Eternité ».


Jeudi 25 septembre. 00h01 du matin.

L'incendie se déclara une nuit torrentielle, alors que les londoniens se terraient chez eux, emmitouflés dans des couvertures douillettes.

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*Mastéma : autre nom du Diable.

Nous venons d'assister au quatrième meurtre. Ce tueur et son obsession pour la comtesse Thémis de Barowmerry me donne des frissons. 

J'espère que ce chapitre 5 (1-2) vous a plu. N'hésitez pas à me laisser un petit commentaire, à vous abonnez,  ou à cliquer sur l'étoile. 

Bonne nouvelle ! J'ai gagné le concours "bannière des romantiques" et me suis retrouvée dans le podium de science-fiction, en deuxième position à égalité avec CeliaRig, grâce à  la légende "La poussière des cavernes". Le début de bien d'autres victoires j'espère.

Bonne lecture et à la semaine prochaine !

Carpe Diem : Folies NocturnesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant