Chapitre 11 - 2 :

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Les vampires étaient connus pour leur hypersensibilité émotionnelle. En côtoyer un était périlleux, se trouver dans leur ruche se révélait être comme flirter avec la mort. Et la provocation, le meilleur moyen de se faire tuer. Desiderio la regarda bouche bée. La folie de cette humaine le surprendrait toujours, lui, qui n'avait pas l'habitude de côtoyer des femmes aussi... grande gueule. La meute anglaise comptait peu de membres féminins à cause de la difficulté de la transformation. La douleur éprouvée était moins importante que celle d'une louve-garou, mais elle était là. Et de part leur condition fragile, peu réussissaient à devenir métamorphe. Généralement, ceux qui découvraient leur âme-sœur quittaient la meute, désireux de protéger la nature fragile de leur moitié. Lysandre et ses oreilles pointues étaient l'exception, provenant d'une race plus vigoureuse que la normale, elle n'avait pas hésité à suivre l'élu de son cœur. Sa vie n'avait pas été facile dans ce monde misogyne. Elle dût faire ses preuves et s'élever dans la meute pour éviter que la honte ne s'abatte sur Lyncoln. Le Primum ne pouvait être plus reconnaissant d'avoir deux seconds aussi forts. Sa réputation et la protection qui entouraient sa meute l'éloignait de bien de problèmes. Ses relations avec le sexe opposé se faisaient donc à travers les vénales, où les conversations n'étaient pas aux rendez-vous.

San Silvestre connaissait le Masque d'Acier depuis de longues années, s'encourageant mutuellement à maintenir des relations des plus haïssables, et même lui, ne pouvait deviner la réaction à venir. Sur le sol en pierre, le « tap tap » des pas se rapprocha de Thémis. Sombre et majestueux, le Mikado se tenait face à elle. Avec lenteur, il commença à tracer le cou de l'inspectrice de son doigt aux ongles salis de sang séché, appréciant la douceur de son grain de peau.

- Vous faites preuve de bravoure face à l'Empereur des vampires alors que vous êtes ici : sans défense face à des monstres. J'aime cela, peu de personnes sont capables d'avoir une telle verve. Mais je sens votre pouls battre la chamade et votre sang circuler juste ici – désigna-t-il –, et l'envie de vous goûter est presque insupportable.

Des hurlements retentirent dans la salle de banquet. Les yeux des deux invités s'agrandirent d'horreur. Venait-il d'ouvrir une chasse à l'homme ? De la marquer d'une cible dans le dos ? Le silence se fit quand il leva la main. Il paraissait la scruter derrière son masque, l'analyser tel un insecte.

- C'est la première fois que je croise une âme sans odeur. Ne soyez pas surprise ! Votre parfum capiteux ne peut dissimuler cette anomalie à un nez comme le mien. Qu'êtes-vous ? Que faites vous à Londres ? Chez qui logez-vous ?

Les questions se bousculaient dans la tête de Thémis. Les révélations de sa mère, dont elle n'avait pas encore eu le temps de décortiquer les composants, lui revinrent en mémoire. Le Mikado s'agenouilla, approchant son visage du sien. Malgré elle, son regard s'arrêta sur le masque qui lui cachait la moitié du visage. Autour de cet acier reflétant la lumière des bougies, de fines veinules noires marbraient sa peau. Elles s'entremêlaient pour former des arabesques sur une zone cutanée blanche, dure et cartonnée. Comme une brulure jamais guérie, une marque d'un passé qui le hantait encore.

- J'aime collectionner les choses uniques, les exemplaires à édition limitée... Dites-moi votre nom, lui susurra-t-il.

Quel mal y-a-t-il à cela ?

- Lady Thémis, fille adoptive du comte Barowmerry, répondit-elle d'une voix trémmulante.

- ... la fille de Lord Richard ?! L'homme qui possède Barow'Entreprise et avec qui j'ai conclu affaire il y a peu ? – s'assura-t-il auprès du duc –. L'inventeur du siècle...

- En effet, ­– confirma Desiderio –. Maintenant que les présentations sont faites, peut-être pourriez-vous nous montrer la sortie. Nous avons tous les deux des engagements ce soir et, comme vous le constatez, nous ne sommes pas encore habillés.

Carpe Diem : Folies NocturnesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant