Chapitre 8 : Décidée à trouver

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Elle ouvrit ses yeux sur un monde anthracite, qui cligna une puis deux fois, surprit.

- Elle s'est réveillée ! Oh, mon Dieu ! Allez prévenir Lady Julia que sa fille s'est réveillée ! Vite ! Thémis vous ouvrez enfin les yeux mon amie ! Thémis vous m'entendez ?

Un gémissement de douleur lui échappa au son de cette voix exaltée. Ses paupières papillonnèrent jusqu'à s'habituer à la lumière naturelle qui transperçait le voilage. Il n'y eut plus de doute sur la propriétaire de cette chambre lorsque son regard tomba sur la teinture de son lit à baldaquin. Elle était tout à fait réveiller maintenant. Elle passa sa langue sur ses lèvres gercées, son corps lui paraissait lourd.

- Q-q-que s'était-il passé ?

- Vous ne vous souvenez de plus rien ? - la questionna Lysandre en lui tendant un verre d'eau fraiche. Tenez buvez un peu.

- Je me souviens... d'un incendie, avec San Silvestre, nous étions montés dans... une montgolfière afin d'avoir un aperçu des ravages causés sur le quartier de... de Westminster.

- Oui, vous êtes partis en vous querellant. S'est-il passé quelque chose là-haut qui ait pu provoquer votre évanouissement ? Le manque d'air peut être ?

Une gifle. Un papillon de feux. Un souvenir. Les pleurs de sa mère et une chanson.

- N-non, je ne sais plus, je ne crois pas. Tout est confus dans ma tête.

- Ne vous forcez pas à vous souvenir, vous dormez depuis deux jours. Il est normal de...

- C-c-comment ?

Thémis essaya de se relever, abasourdie. Deux jours ?! Ils étaient donc à vendredi, demain, la réception privée de sa mère aurait lieu... et le tueur courait toujours. Une semaine de perdue et pas le moindre indice sur son identité, ils piétinaient sur la case départ. Elle ferma les yeux afin que ses larmes d'impuissances ne dévalent pas ses joues. Ni les proches des victimes ni Rosalie n'avaient su les guider, ils ne leur restaient plus qu'une dernière piste à suivre.

- Ne vous inquiétez pas, le duc m'a promis d'attendre votre rétablissement pour rendre une petite visite à Barrow' Entreprise. Il sait qu'interroger votre père personnellement vous tient à cœur.

- Vraiment ? Il l'a fait ? Cela m'étonne, il n'a pas l'air d'être une personne compréhensive.

- C'est un homme plus complexe qu'il ne laisse paraitre.

Sur ces dernières paroles, trois têtes rousses entrèrent. Un soupire lui échappa alors qu'elle se faisait engloutir sous embrassades et paroles réprobatrices. Lysandre s'en était allée, leur laissant un peu d'intimité.

- Mère, mère, calmez-vous ! C'est une simple perte de connaissance.

- Je te l'avais dit sœurette, de faire attention quand tu montais sur ces engins mécaniques !

- Mais... Roy, père fabrique ces 'engins' comme tu dis. Notre richesse repose sur l'ingéniosité de notre production. Le train à vapeur et les montgolfières sont nos œuvres, ton héritage.

- Nous sommes en partenariat avec d'autres entreprises, as-tu vérifié la provenance de la montgolfière avant de monter dedans ? Tu sais que nous avons des ennemis qui pullulent à chaque coin de rue.

- Suffit Roy, ne vois-tu pas l'état pitoyable dans lequel elle se trouve ? Cheveux gras, odeur de transpiration et teint blafard, un bain ne serait pas de refus ma luciole.

- Les garçons ! Partons et laissons Thémis faire sa toilette. On t'attend pour le repas ma chérie.

Elle se leva de son lit, essayant de tenir tant bien que mal debout jusqu'à la salle de bain attenante. Grâce au progrès technologique fait depuis le début du siècle, l'eau courante et le gaz permettaient de prendre des bains à tout instant de la journée. Quel délice de ne plus patienter que les valets lui montent des cuisines une eau réchauffée dans un baquet en bois ! Immergée dans son bain parfumé à la violette, Thémis laissa ses pensées divaguer.

Si Roy avait hérité de l'autorité naturelle de leur père, Gaspard, de sa nonchalance. Ils étaient comme le jour et la nuit. Tous les deux possédaient cette chevelure d'un roux cuivré et la stature d'highlander qui caractérisaient les Barowmerry. Près de la trentaine, Roy commençait à sentir le poids des responsabilités qu'incombaient le titre de comte. Ses iris d'un bleu glacial contrastaient avec ses traits fins, il parlait rarement mais avec sagesse. 

Quant à Gaspard, ses yeux whiskys reflétaient son tempérament chaleureux. Etant ingénieur en chef dans la société de leur père, Thémis angoissait à l'idée qu'il puisse découvrir les soupçons qui entouraient Barow'Entreprise. Ni Kingdom, Les Royales ou San Silvestre ne le lui avaient dit, mais l'étiquette de suspect paraissait être inscrite sur le front de Gaspard, tout comme sur celui de son père. Martin King... ce nom paraissait hanter sa famille depuis la découverte des corps. Elle devait découvrir l'identité du meurtrier avant que la société anglaise ne découvre les soupçons portés sur les Barowmerry.

Elle se souvenait encore du chaleureux accueil dont ils avaient fait preuve lorsqu'elle était apparue un jour pluvieux d'octobre, de la main de Lord Richard. Ils lui avaient appris la culture et les habitudes anglaises avec une patience incroyable. Alors qu'elle venait de comprendre après plusieurs mois d'attente que sa mère ne viendrait jamais la chercher, Gaspard et Roy lui avaient fabriqués Plumage. Un oiseau aux couleurs chatoyantes et plumes finement ciselées qui l'avait aidée peu à peu à sortir de cette dépression dans laquelle l'annonce de la mort de sa mère l'avait plongée. Ses frères avaient été assez ingénieux pour l'améliorer au fil des années. 

Aujourd'hui, Plumage était un excellent compagnon policier, doté d'un astucieux mécanisme d'espionnage visuel et d'un phonautographe.* Un air guilleret rompit le silence de la salle de bain. Sur le rebord de la fenêtre, des mésanges chantaient. Thémis releva paresseusement la tête qu'elle avait appuyée contre le rebord de la baignoire. Depuis sa rencontre avec San Silvestre, elle n'avait pas encore aperçue Plumage. Mais où pouvait-il être ? Il avait toujours un sixième sens pour repérer des enquêtes qui nécessitaient ses performances.


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*Le phonautographe fut inventé par Édouard-Léon Scott de Martinville. La chanson Au clair de la lune de 1860 est l'enregistrement le plus ancien ayant pu être préservé.

Carpe Diem : Folies NocturnesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant