Chapitre 17- 2 : Ne pars pas !

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(J'ai eu quelques difficultés avec Wattpad, j'espère que vous n'aurez aucuns problèmes pour lire. Bisous) 


Lord Hawington était parti depuis un petit moment maintenant, néanmoins, l'ambiance n'avait pas dégelé. Le silence du duc faisait monter la tension d'un cran. Il regardait son Afternoon Tea agrémenté d'un nuage de lait et d'une rondelle de citron, une moue contrariée sur ses belles lèvres. 

Partir de Londres avait fait du bien à son animal. Après de longs mois, il avait enfin pu sentir sous ses coussinets la rugosité de la terre et le vent caresser son pelage. La liberté que lui apportait un espace vert lui était indispensable. Oppressé par les bruits et les senteurs nauséabondes, il devenait grincheux.

Mais ce petit repos avait été de courte durée. Il punissait sa meute pour le manque d'informations fournies. Comment pouvait-il continuer d'épier Thémis alors que son cœur renaissait des cendres grâce à elle ? Son maître était furieux. Il lui demandait de surveiller ses faits et gestes, non de tomber en amour devant elle. Si seulement Thémis représentait plus qu'une simple inclinaison... Or, quand Desiderio fermait les yeux, il voyait un fil pourpre relier leur âme. Pourtant, un choix devra bientôt se faire. Il savait sur quelle corde jouer. Et son âme félonne ne pouvait qu'obéir.

Il inspira profondément, remplissant ses poumons de la fragrance de violette. La jeune femme était devenue une drogue s'étant infiltrée insidieusement dans chaque cellule de son corps. Ça recommençait. Plus puissant, plus addictif que l'opium. Il était trop tard pour se défaire de sa prise. Des années plus tard, il se souvenait encore de cette pulsion irrésistible et dévorante. Il voulait simplement du réconfort, être insensible à la situation actuelle et voguer sur un nuage de paix. L'opium lui apporta une sensation d'extase orgasmique. Cependant, le duc ne s'attendait pas aux effets secondaires : dépression respiratoire, difficulté de coordination des mouvements et l'impression constante d'évoluer dans un épais brouillard. Le sevrage fut douloureux. Il resta des semaines alitées dans le noir le plus complet, criant, hurlant sa souffrance, quémandant sa dose d'opium. Mais rien n'y faisait, le Masque d'Acier ne flancha pas. Puis un beau jour, Desiderio sortit de ce tourment, en homme libre.

Dès son entrée dans le salon, San Silvestre sut que la renaissance était proche. L'aura de Thémis frémissait d'impatience. Elle se métamorphosait sans avoir véritablement conscience de sa nature bienfaitrice. Du tout moins, il l'espérait. Persuader et implanter une idée dans l'esprit de l'ignorant est une tâche moins hasardeuse que celle de convaincre.

Ses épaules courbées et ses traits creusés témoignaient de son état de fatigue. De plus, Thémis évitait un contact prononcé avec son dos afin que les vagues de douleur qui la submergeaient de manière imprévisible ne s'aggravent. Desiderio était convaincu qu'il suffirait d'une pichenette pour qu'elle se transforme en guérisseuse. Un événement qui la ferait basculer... et ce fut ce qui arriva.

Alors que le duc allait prendre une pâtisserie, une violente déflagration l'envoya au sol. Un son strident résonnait dans le salon, martelant ses oreilles. Il leva péniblement la tête où une atroce migraine s'y était logée. Ses paupières s'ouvrirent avec difficulté. Propulsé à l'autre bout du living-room, il avait une vue parfaite sur l'ensemble de la pièce. Le salon était sans dessus dessous. La bombe avait causé un énorme trou dans le mur, détruisant ainsi la moitié du séjour. Une odeur de brûlé embaumait l'air et lui piquait les yeux. Où étaient les autres ? Un tourbillon de pluie réduisit les lourds rideaux céruléens en un tas irrécupérable de résidus mouillés. Près de la cheminée, il aperçut le corps inanimé d'Amélia Windellford mais Desiderio ne s'y attarda pas. Ce n'était pas elle qu'il cherchait.

— Mère !

Son attention s'arrêta sur Lady Julia, écrasée par le sofa sur lequel, il y a encore quelques secondes, il se trouvait assis. Le cri déchirant provenait de la jeune femme agenouillée à ses côtés. Thémis s'en était sortie avec quelques contusions et coupures. Sa robe déchirée par endroit laissait deviner une peau de pêche terriblement tentante. L'envie de la mordre, le besoin de la toucher se fit plus fort alors que la joie de la savoir saine et sauve balayait son inquiétude. Sa chevelure dégringolait par cascade sur ses fines épaules d'albâtre. Desiderio voulut s'approcher mais il se crispa sous la douleur. En explosant, les fenêtres derrière lui avaient mitraillé son dos de morceaux de verre. Son corps ankylosé ne lui répondait plus, cependant, voir de grosses larmes mouiller son visage poupin le poussa à ramper jusqu'à elles.

La matrone était dans un piteux état. Ses yeux papillonnaient avec frénésie comme pour se maintenir réveiller. Toutefois, la fatigue gagnait peu à peu le combat. Les mains de Thémis se mouvaient fébrilement au-dessus du corps de son aînée sans oser la toucher. Du sang imbibait sa robe et ses cheveux, des râles s'échappaient de ses lèvres bleuies. La jeune femme la suppliait de rester avec elle, de ne pas l'abandonner. Sa main caressa finalement sa joue froide. Il y avait tant de choses qu'elle ne lui avait pas encore dites ! ... pourtant, Desiderio savait mieux que quiconque que le Destin ne prêtait attention ni aux envies ni aux prières.

Et la mort l'emporta. 

Carpe Diem : Folies NocturnesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant