Chapitre 2 : Quand coudre devient un art morbide

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Peinte en bleu, s'écaillant par endroit, la carcasse d'un vieil entrepôt du port se dressait devant eux.  Thémis sortit de la manche de sa robe de bal un mouchoir parfumé. A l'intérieur, un mélange terriblement entêtant régnait. Des rats, des arrêtes de poisson, des restes de sperme s'y trouvaient. Les corps disposés entre les piliers, étaient savamment mis en valeur par un jeu naturel de lumière et d'ombres. Le clair-obscur faisait ressortir les détails étrangement raffinés des cadavres. L'odeur de décomposition se fondait avec celle salée de la mer et de la poiscaille.

Devant Thémis, deux femmes et un homme. Des prostitués assurément, et ce qui semblerait être un ouvrier pouvant se payer des bottes en cuir, un cigare engoncé entre ses lèvres rafistolées. Le tueur avait pris confiance en lui. Il s'était entrainé sur des filles de joie, humaines et fragiles, pour finalement s'attaquer à son véritable objectif : les hommes.

C'était un travail de professionnel à coup sur. La découpe chirurgicale séparée en deux parties symétriques le corps, passant par son centre, le nombril. Les lèvres et les paupières cousues d'un délicat fil doré contrastaient avec ces corps bafoués. Allait-il en rester là ? S'attaquer aux plus faibles de la population londonienne lui suffira-t-il ? Mais où pouvait-il donc dégoter des fils à coudre pareils ? De cette qualité, seuls les aristocrates en possédaient. L'inspecteur Barowmerry n'osait y penser.

- L'or représente la cupidité de l'être humain et l'aisance matérielle. Cependant ça ne coïncide pas avec nos victimes. Le doré rajoute de l'éclat, sublime. Mais qui voudrait sublimer ce genre de personne ? Des prostitués. Des recluses.

Lysandre inclina délicatement sa tête, puis souleva sa robe pour se rapprocher des corps.  

- Je me demande si cet homme faisait appel à leurs services ? Il faudrait interroger la famille et les amis pour en savoir plus. L'or symbolise aussi la fécondité, inspecteur. Peut être est-il stérile. Ce serait une sorte de vengeance contre ces hommes capables d'être pères.

- Ça impliquerait des morts violentes donc. Cela enlève les fées et les mages de la liste. S'ils n'ont pas été drainés de leur sang, les vampires aussi. Laissons de côté les gobelins et autres créatures souterraines voulez-vous, elles ne sortent jamais d'En- bas et sont bien trop vulgaires pour laisser un corps intact après l'avoir vidé. Donc nous resteraient seulement les métamorphes, les sorcières et les loups garous.

- En faite inspecteur, les...

Deux yeux ambrés s'imposèrent entre elle et Lysandre.

- Excellente réflexion, si ce n'est que les paupières et les lèvres ont été cousues, l'auriez-vous donc oublié ? Les loups seraient incapables d'une telle délicatesse. La patience n'est pas leur fort. Laissons de côté mes métamorphes voulez-vous ? Ne nous rabaissé pas au même niveau que ces bêtes sauvages appelées plus communément « loup garou». Finalement, il nous resterait les sorcières, les fées et les mages noirs. La folie mène à commettre des actes horribles, Miss Barowmerry.

Thémis bouillait intérieurement. L'individu du bal ne se contentait pas seulement d'insulter la crédulité du chef Bensti en la choisissant pour le seconder au commissariat londonien, mais aussi ses capacités en tant qu'inspectrice. Et cela la rendait folle de rage. Elle qui avait tant lutté pour être reconnue, et voilà que cet ignoble individu essayait de la remettre à sa place.

Assurément que pour lui les femmes n'ont leur place que dans un lit, les jambes ouvertes, attendant avec ferveur un peu d'attention de sa part. Quoique...cette archère qui l'accompagne semble avoir son respect et sans s'offrir à lui. Elle porte une alliance elfique semblable à celle de l'homme aux cheveux indigo. Constat inspectrice, mariés !

- Qui êtes- vous ?

Ce petit bout de femme allait le rendre fou avec ses yeux étincelants de colère. Mu par l'instinct, il se rapprocha d'elle, la dominant par sa taille. Pour une raison encore inconnue, ou ne désirant s'attarder dessus, il voulait la voir se soumettre à lui.

- Vous avez devant vous le duc Desiderio San Silvestre. Primum d'Angleterre.

Voilà. C'est à ce moment précis de la vie que l'être humain devait choisir entre dominer ou se soumettre. Depuis sa naissance il imposait le respect au monde. Bien qu'assassinée, sa famille était une des plus puissantes d'Angleterre. Il hérita tout naturellement de ce pouvoir, devenant Primum d'un pays qui l'adulait. De part sa jeunesse, il avait du lutter pour recevoir le respect et l'obéissance qui le caractérisaient. Rien ni personne ne lui résistait. Mais comme dirait le proverbe : il y a toujours une exception à la règle.

- Et pourtant, c'est vous qu'on a envoyé pour enquêter sur ces meurtres. On ne peut donc pas innocenter les métamorphes, après tout, eux aussi sont soumis à la folie.

Un éclat de rire cristallin empêcha son adversaire de cracher son venin. Lysandre essayait encore une fois de faire retomber la tension ambiante.

- C'est bien la première fois que notre cher Duc se retrouve face à une rivale à la langue aussi acérée que la sienne.

- Il suffit Lysandre ! Mademoiselle Barowmerry, si vous n'avez rien d'autre à dire nous allons nous retirer.

- Vous avez raison, il se fait tard. A demain, monsieur le Duc.

- Excusez-moi ? Vous n'avez absolument aucune utilité dans cette enquête. On pourra se passer de votre présence, ô combien charmante elle puisse-être.

- Vous ne vous en êtes pas rendu compte n'est-ce pas ?

- De quoi je vous prie ?

- Coudre est un art morbide de nos jours...

Une moue dédaigneuse naquit sur le joli minois de Desiderio avant qu'il ne lui tourne le dos. Et c'est ainsi, que le Duc San Silvestre apparût dans la vie de la Comtesse Thémis de Barowmerry. Plus hargneux, plus autoritaire que jamais.

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Comme quoi l'art n'a pas de limite. 

Bisous et à demain !

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