Chapitre 7- 2 : Papillon onirique

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Dans ce chapitre il y aura deux/ trois références à la culture asiatique, pour donner plus de réalisme à ce souvenir d'enfance. Ne vous inquiétez pas, j'ai mis la traduction à la fin du chapitre. 

Bonne lecture !

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- Maman ! Maman ! Regarde comme je suis jolie !

Bras écartés, elle virevoltait dans la pièce, essayant d'attirer l'attention de sa mère. Sur son kimono blanc, des fleurs de cerisier étaient représentées. Leur couleur d'un rose pâle mettait en avant son visage enfantin à la beauté renversante pour un si jeune âge. Résignée par l'attitude de sa mère, elle arrêta de tournoyer. Elle se doutait que quelque chose d'important devait la préoccuper pour qu'elle la délaisse ainsi.

Assise en face de sa mère, elle la dévisagea avec inquiétude. Ses traits étaient creusés par la fatigue, ses yeux d'un noir de jais cernés. Depuis quelques jours, elle ne travaillait plus. Thémis voyait sa mère sursauter avant de jeter des coups d'œil autour d'elle, anxieuse. Elle était devenue une créature craintive, bien loin de la femme dont le nom était synonyme de sensualité et volupté. Geisha, elle consacrait sa vie aux arts traditionnels japonais, mettait à profit son talent pour divertir une clientèle aisée à l'occasion de banquets ou de spectacles. Thémis avait toujours envié cette grâce qui accompagnait chacun de ces gestes. Elle fut surprise lorsque sa mère lui agrippa les mains et lui parla de façon intelligible.

- Ils sont arrivés à Tokyo, je sens leurs âmes putréfiées par les ombres se rapprocher de nous. Tu vas partir, watashi no kokoro,* partir loin du Japon, de moi, d'eux.

- Maman ?

- Ecoute-moi bien, je vais t'envoyer chez des amis anglais que j'ai rencontrés dans la colonie britannique de Hong Kong. Ils prendront soin de toi, tout se passera bien, ne t'inquiètes pas.

Elle disparut quelques minutes avant de réapparaître, une malle de voyage derrière elle.

- M-M-Mais pourquoi ? Qui sont-ils ?

- Tu es une grande fille maintenant Thémis...

- Je n'ai que dix ans, j'ai encore besoin de toi, okasan.** Pourquoi tu ne viens pas avec moi ?

Au lieu de lui répondre, elle la serra avec force contre elle. Son cou se mouilla des perles humides qui dévalaient les joues de sa mère. Elle ne viendrait pas. Elle l'abandonnera dans le premier bateau en direction de l'Angleterre, priant pour qu'elle arrive saine et sauve chez ses protecteurs.

- POURQUOI ?!

Elle la frappa de ses petits poings, elle voulait la voir souffrir autant qu'elle souffrait. Elle n'était qu'une enfant qui ne comprenait pas pourquoi on l'arrachait à son foyer. A cette maisonnette entourée d'arbres en fleur et de bambous.

- Tu vas être heureuse là-bas. Ils ont deux petits garçons de ton âge. Lord Richard Barowmerry viendra te chercher. Tout ira bien.

- Ces personnes qui arrivent à Tokyo, qui sont-elles ? J'ai le droit de savoir !

- Des gens méchants, très très méchants. Qui nous pourchasse depuis des millénaires.

Elle regarda la porte d'entrée, comme s'ils pouvaient surgir à tout moment.

- Vois-tu, les femmes de notre famille sont spéciales, elles percent la vraie nature des Hommes et guérissent leurs âmes.

- Q-Q-Quoi ? Je ne comprends pas. Qu'est-ce qu'ils nous veulent, okasan ?

- Ce que je vais te dire Thémis, tu devras le garder pour toi.

- Un secret ?

- Oui, un secret de famille que tu transmettras à ta propre fille en temps voulu. Ecoutes-moi bien, quelques gouttes de ton sang permettront de sauver une personne qui t'est chère. Mais, tomber amoureuse rallongera la vie de l'élu de ton cœur et la tienne. Il y a trop peu d'émissaire du Bien pour lutter contre ce miasme*** qui envahit la Terre.

- Je vivrai donc plus longtemps que les humains ordinaires ?

- Oui.

- Ne me laisse pas seule, je t'en pris, j'ai tellement peur.

- Chuut, watashi no kokoro, tout ira bien. Maman te promet que les méchants ne te suivront pas à Londres, la rassura-t-elle tandis que sa main caressait ses cheveux. Personne ne doit voir ta marque tu m'entends ?! Elle est le symbole de notre Don.

- Comme dans la chanson de mami Masako ?

- Oui, comme dans la chanson de mami Masako. Chante une dernière fois pour ta maman, watashi no kokoro.

Et la voix de Thémis s'éleva aussi pure que le jour :


Fais attention, mon beau papillon, que les doigts glacés des Ténèbres

N'arrachent pas tes ailes d'un tendre doré.

Si les Ombres de la Nuit ne te tueront pas, tu deviendras une part d'Elles,

Parce que vous êtes In- Yô. ****

Vole, vole toujours plus loin, loin de cette chrysalide éphémère,

Tu seras un papillon métamorphosé

Soit attentive car la Mort rôde

Désirant être immortelle.

Vole, vole mon beau papillon,

Que ton Don guérisse les maux.


Le silence retomba sur ses dernières paroles à l'accent mélancolique d'un au revoir.


Ses yeux bridés s'ouvrirent sur le monde, une étincelle indéchiffrable dans ses pupilles aussi noires que l'ébène.

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Si google traduction a bien fait son travail : 

* watashi no kokoro signifit « mon cœur » au Japon.

** okasan : « Maman » en japonais.

*** miasme : Émanation malsaine considérée dans l'Antiquité comme la source de maladies contagieuses. 

**** In-Yô est l'équivalent japonais du Yin-Yang, d'origine chinoise.


Avez-vous trouvé les rimes ? Bon, si vous n'êtes pas trop poésie pas de panique mes macarons à la framboise, Thémis dénichera pour vous la signification de la chansonnette un peu plus tard.

Carpe Diem : Folies NocturnesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant