Chapitre 23

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Lundi 26 juillet – Ean

Le retour à la maison, avec Aiden, avait été un véritable calvaire avec ma douleur terrible, mais une bénédiction. Je m'étais mis à haïr les défilements incessants des médecins qui venaient me rendre visite dans ma chambre, les hurlements d'agonie des personnes voisines, et l'odeur horrible qui me faisait éternuer trop souvent à mon goût. Certes, j'avais dû simuler un rétablissement rapide, mais peu importait. J'étais à la maison, et si on omettait la souffrance que je ressentais à chaque pas ou à chaque fois que j'étais en position assise qui me donnait l'impression qu'on retournait un couteau dans mes tripes, j'allais assez bien. J'avais tenté de paraître naturel en déambulant dans les couloirs de l'hôpital, même lorsqu'il s'agissait d'aller aux toilettes, et j'évitais de grimacer à chaque fois que je me redressais. C'était difficile, je ne réussissais pas toujours, mais puisque les médecins m'assuraient qu'il était normal d'avoir encore mal à ce stade, je ne m'inquiétais pas davantage. Et Aiden ne devait pas non plus avoir conscience de cet enfer interne qu'il me faisait vivre en me faisant escalader les marches qui menaient à notre chambre. Je lui jetai un regard oblique tandis qu'il m'intima de remonter mes bagages puisqu'il devait commencer à préparer le déjeuner pour ma famille, étant donné qu'il avait invité tout le monde à se réunir pour la première fois depuis une éternité. Avec une précaution extrême, une raideur qui ne me ressemblait pas et des couinements à chaque fois que je faisais le moindre mouvement, je parvins en haut, tentant d'aller aussi vite que je le pouvais. Autant dire que ce n'était pas aussi simple que je l'aurais pensé. Une fois en haut, je m'allongeai sur le lit et repliai les jambes contre mon ventre, fermant les paupières si fort que des plis durent se creuser sur mon front. Je n'arrangeais pas du tout mon état, ainsi, mais peu importait. Je me sentais presque rassuré, dans cette position.

Au fur et à mesure, j'avais fini par abandonner l'idée que quelqu'un viendrait de nouveau m'arracher Aiden, d'ailleurs. Mes hommes n'avaient pas pu me rendre visite après mon réveil, si j'en croyais les paroles de mon mari, mais ils avaient relâché, disait-il, toute ma famille, ce qui était la raison de leur venue ce jour-ci. Je me demandais, en passant, comment nous allions faire pour faire tenir tout le monde dans la maison, mais c'était une question à laquelle mon homme avait probablement déjà réfléchi. Par exemple, il serait capable de mettre tout le monde dehors. Je soupirai. Au moins, les évènements ne l'avaient pas changé, ou du moins c'était ce qu'il tentait de faire paraître et il réussissait très bien. Certes, il était davantage prudent, notamment sur les trottoirs comme j'avais pu le constater rien qu'en sortant par la porte passager de ma voiture, mais c'était bien la seule chose que j'avais pu remarquer. J'allais finir par me faire à l'idée que nous n'avions plus besoin d'être enfermés dans mon bureau dans les locaux de l'ESI pour être en sécurité. Et d'un certain côté, c'était bien mieux comme cela. Parce que, déjà, je n'aurais pas été certain de pouvoir me relever si j'avais dû dormir dans le sac de couchage, et je n'aurais pas été sûr non plus de survivre à une nuit avec du parquet comme support pour mon dos, en sachant qu'un rien aggravait mes maux. Et puisque personne ne se serait vraiment soucié de ce détail étant donné que j'étais un comédien né, j'aurais souffert en silence. Un effort qui n'était pas offert à tous, et que je détesterais devoir faire, même si c'était en partie ce que je vivais déjà.

-Ean ! Ta mère est arrivée, tu as bientôt fini de ranger tes affaires ?

Je ne répondis pas, me contentant de pousser un soupir exagéré. Non, je n'avais rien rangé, cela devait faire cinq minutes que je méditais en position fœtale en espérant que les douleurs s'atténuassent un minimum. Je me redressai difficilement pour m'abaisser, non sans que mes traits se crispèrent, et relevai mon sac depuis sa place désordonnée. Avec énergie, je déballai l'intérieur pour balancer mes affaires sales sur le lit, mes affaires propres sur la commode, et une fois que tout fut vidé et que mes affaires de toilettes eurent atterri sur la pile de vêtements enroulés, je jetai le sac dans un coin de la pièce, le poussant douloureusement du bout du pied pour l'éloigner de mon passage. Et alors que je comptais me pencher pour prendre tout ce qui devait terminer dans la salle de bain, de l'autre côté du tiroir, la porte s'ouvrit sur un Aiden aux sourcils froncés, qui me dévisageait sévèrement. Il s'adoucit en me voyant et se précipita pour attraper ce qui se trouvait devant moi, me prévint qu'il allait se charger de ranger, et m'informa que ma mère avait pris le relais en cuisine en attendant. Il disparut quelques instants dans la salle d'eau, revint, ouvrit tous les tiroirs où il rangea mes habits propres, et balaya mon corps d'un regard fiévreux.

II. Aliénation [Boy x Boy]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant