Chapitre 21

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Mercredi 21 juillet – Aiden

Cela faisait quatre jours que j'étais là, au chevet d'Ean, à le fixer droitement dans son profond sommeil. Il ne s'était pas réveillé après son opération, il était encore étroitement surveillé, et on m'affirmait qu'après les trois arrêts cardiaques qu'il avait fait avant et après son opération, il y avait de moins en moins de chance à chaque heure qui passait qu'il se réveillât. Il était possible qu'il n'ouvrît jamais les yeux de nouveau et qu'il restât pour toujours profondément plongé dans ce sommeil trop lourd pour être commun. Son teint était toujours aussi cireux, même s'il avait repris quelques couleurs, notamment au niveau des lèvres ou des yeux où il avait rosi légèrement, mais ses mains étaient toujours détachées sur ses draps immaculés, ses cheveux roux étaient toujours aussi emmêlés sur cet oreiller trop plat, sa poitrine se soulevait régulièrement tandis que son électrocardiogramme bipait comme il le fallait. La seule chose que je ne comprenais pas, c'était la raison pour laquelle il ne se réveillait pas. Il avait perdu beaucoup de sang, un de ses organes avait été perforé même si je ne savais plus lequel, et il avait subi une lourde intervention pour récupérer la balle et les éclats qu'elle avait éparpillé tout autour de la zone impactée, et recoudre la plaie. Les médecins ne m'avaient pas caché à quel point ce qu'il avait subi était périlleux, ni même qu'il y avait toujours des chances qu'il ne se réveillât pas malgré le « il survivra », et je leur en étais reconnaissant. J'étais simplement en colère. Contre la faiblesse humaine, la perversité de l'esprit de certain, la capacité du monde de se déchaîner trop subitement contre ceux qui ne demandaient rien. A côté d'Ean, Adrien s'était remis assez rapidement. Certes, il boitait encore avec ses béquilles, mais il était déjà sorti de l'hôpital et son mental était remonté à bloc. Je me demandais pourquoi mon mari n'avait pas eu cette chance.

Bien entendu, tout le monde était déjà venu le voir. Duncan avait assisté à la première visite avec moi, était resté quelques longues minutes, et était reparti mal à l'aise par l'ambiance morbide qui régnait. Les médecins passaient encore très souvent pour vérifier qu'il n'y avait aucun problème. Puis Gabriel avait pris sa place et m'avait tenu compagnie jusqu'à l'heure de fermeture. Le lendemain, on avait reçu une partie de l'ESI. Tony s'était excusé amèrement de n'avoir pu rien faire, Terrell lui avait demandé pardon pour n'avoir pu rester la veille, Edgar et Stan, qui étaient revenus plus rapidement que la famille McAndrey de Denver, avaient simplement baissé les yeux avant de sortir, priant silencieusement pour qu'il se remît, ceux qui étaient placés au tir avaient juré en sortant des monologues de cinq minutes chacun pour parler de leur incapacité à avoir pu intervenir, et j'avais revu Skyler qui m'avait pris dans ses bras pour me souhaiter bon courage pour la suite des évènements. J'avais simplement souri avant de le laisser partir. Autrement, tous les autres étaient passés par là, dont le secrétaire, Willhem, qui m'avait prévenu que l'entreprise avait fermé ses portes pour une durée indéterminée et qu'il avait fait passer le message dans l'espace. Un homme qui s'était présenté sous le nom d'Harry Wood était venu pour lui promettre de retirer dans l'immédiat sa démission s'il se réveillait, et j'avais presque cru qu'il allait sauter sur le lit pour le menacer de ne pas abandonner sous peine de graves conséquences. Mais contre tout, il m'avait fixé dans les yeux, passablement surpris, avait souri avec cette gêne perceptible avant de s'enfuir définitivement.

Puis était venu le tour de la famille. Ils avaient pris le premier avion pour revenir à Boston après avoir appris ce qui s'était passé, et étaient arrivés le dimanche soir dans l'hôpital, groupés, sans les enfants, laissés avec des amis proches. Lexy s'était précipité dans la chambre d'Ean avec l'espoir de le voir réveillé, puisque personne ne leur avait parlé de la fin de l'intervention chirurgicale ni même de son réveil ensuite, et j'avais cru qu'elle allait s'évanouir en le voyant inerte dans ce lit trop grand. Elle s'était mise à pleurer, sanglotant doucement entre mes bras, et tous les autres étaient arrivés ensuite, sermonnant cette sœur attentive qui était partie devant sans les prévenir. Puis sa mère avait oublié toute sa colère en voyant son fils dans cet état, et son visage avait blêmi considérablement. Je n'avais jamais entendu un tel silence avec toute la fratrie réunie. Les deux parents s'étaient mis près de la machine bruyante, effleurant de temps à autre la main de leur enfant la plus proche, Ennis et sa femme étaient restés tête basse en murmurant des phrases incompréhensibles en continu, Lauren était venue se lover contre moi pour pleurer tandis que Lexy était toujours là également, Edwin et Lorelei s'étaient soutenus mutuellement en se lamentant d'avoir pu lui dire adieu si jamais ils ne se revoyaient plus. Il fallait dire que la sœur la plus proche de mon Ean lors de notre rencontre était bien cette dernière et que la dernière fois qu'ils s'étaient vus, j'avais cru qu'ils allaient se battre tellement leur dispute était violente. Mon homme lui avait reproché de s'être trop éloignée et de ne plus s'occuper de l'entretient des relations familiales, et elle n'avait pas bien pris la chose. Apparemment, c'était lorsque tout allait au plus mal qu'on commençait à regretter. Les beaux-frères et belles-sœurs qui étaient là n'avaient pas daigné ouvrir la bouche hormis la femme d'Ennis qui avait prié pour le réveil d'Ean. Puis ils étaient partis.

II. Aliénation [Boy x Boy]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant