Une question d'ambition

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La journée s'est vite déroulée. Il est 18 h 15, il fait nuit, il pleut et on a 5 minutes pour aller à la gare et prendre notre train, avant qu'il ne parte sans nous. 

« C'est étrange, mais j'ai l'impression qu'on n'a pas avancé dans nos recherches, lance Logan alors que nous courons en direction du grand vaisseau de verre.
— Vois le bon côté des choses, rétorqué-je essoufflé, au moins, on avance vers notre train. 
— Sous la flotte et dans le froid, s'exaspère-t-il. Rappelle-moi de détester l'hiver !
— Tu détestais pas quand on s'enfilait du vin chaud sur la place de la gare, y a deux mois, ajouté-je en rigolant. 
— Ouais, mais ça, c'est différent », relativise-t-il. 

C'est la course pour arriver sur le quai 3, celui où se trouve toujours notre TER 200. Une chance sur deux pour qu'il soit en retard et qu'on puisse le prendre. Les retards de la SNCF ça a du bon, parfois. 

Nous entrons dans le train et nous asseyons à une table « familiale ». Logan pose sa sacoche sur le siège voisin et en sort son bloc A3. 

« Bon j'espère pouvoir avancer sur mon devoir de Perspectives avant qu'on arrive à Schletto, scande-t-il en attrapant son crayon de papier. 
— J'ai le temps de bosser mon sujet pour l'autoportrait moi, rétorqué-je. Qui sait ce qui peut arriver jusqu'à Colmar. »

À mon tour, je sors mon bloc A3 et fais une esquisse de ce à quoi pourrait ressembler mon autoportrait. Un rough, comme dirait le père Slight. Reprenant mon idée de m'exposer avec un pistolet, je tente diverses positions. 

« On parle de mon trip Illuminati, mais toi et ton culte des armes c'est pas mieux, lance Logan en me voyant dessiner un flingue. 
— C'est pas un culte des armes, rétorqué-je en rigolant, je te rappelle que l'airsoft c'est un truc qui me branche autant que toi et ton groupe. Mais j'sais pas, j'ai l'impression qu'il manque un petit quelque chose. 
— C'est dingue comme on galère là dessus, déplore-t-il. Quand je vois ce que Michel et Amélie projettent de faire, j'en ai presque la gerbe. 
— Qu'est-ce qu'ils vont faire ? Demandé-je. 
— Oh bah tu les connais, répond-il. À priori, Amélie va avoir une fleur dans les cheveux. Mais pas la petite fleur de merde, on dirait presque un bouquet garni le truc. T'imagines le bordel à reproduire ? Et elle a prévu de se maquiller, ça fera ressortir pleins de nuances de gris à travailler à la main. 
— Wouah, lâché-je. Et Michel ? 
— J'ai pas très bien compris, mais y a une histoire de double face, ajoute Logan. J'pensais pas qu'on pouvait faire ça sur l'autoportrait vu les contraintes qu'on a, mais à priori, c'est autorisé. 
— C'est des malades.. Affirmé-je. 
— J'dirais pas que c'est des malades, rétorque Logan, mais ils ont de la suite dans les idées. C'est une question d'ambitions, je pense. Et comme tu le sais.. 
— C'est ceux qui en ont le plus dans la classe, complété-je. 
— On est pas vraiment en compétition, tous, affirme-t-il, mais faut admettre que certains sont déjà bien avancés dans la classe. »

Tout le monde ne souffre pas d'une panne d'inspiration. J'ai déjà vu Logan faire des miracles sur ses travaux, quelque temps auparavant. Et même si ses problèmes personnels lui ont légèrement sapé sa créativité, je sais de quoi il est capable. 

« Tu devrais te mettre en conditions d'air-soft pour ta photo, lance soudainement Logan. Tu mets ta combinaison, sans le masque évidemment. Tu laisses tes cheveux détachés façon Soldat de l'Hiver et tout, avec un regard limite agressif.
— C'est pas con dis donc, rétorqué-je. T'as l'inspiration qui te revient ou quoi ?
— Non non, tempère-t-il. J'ai seulement des idées pour toi, pas pour moi. »

La Dose CréativeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant